Depuis le début de l’affaire Khashoggi, ce journaliste tué dans les locaux du consulat saoudien en Turquie, l’Arabie saoudite a multiplié les mensonges. Après avoir affirmé que le journaliste était ressorti libre du consulat, elle a finalement admis, devant l’évidence, qu’il y était mort, mais à la suite d’une bagarre. On imagine, en effet, aisément, alors que le journaliste venait chercher des papiers lui permettant d’épouser une Turque, ce dernier cherchant à se colleter avec les barbouzes du consulat…

Personne ne croit à cette thèse et il semble évident que les deux jets ayant fait l’aller-retour Riyad-Istanbul le même jour transportant plusieurs membres des services secrets saoudiens se sont déplacés pour régler le cas Kashoggi.

Ce dernier était un islamiste convaincu, ce que l’on oublie un peu, et ses liens avec feu Ben Laden sont bien connus. Il était ensuite devenu proche des Frères musulmans, donc du Qatar, nouvel et récent ennemi de l’Arabie saoudite de Mohammed ben Salmane. Il semble que ce soit pour éviter de faire partie de la vague d’arrestations qui a frappé le royaume l’année dernière que Jamal Khashoggi avait préféré s’enfuir aux États-Unis. Il y comptait de nombreux amis, avait été fort bien accueilli et, depuis, réglait ses comptes avec le régime saoudien par de nombreux articles publiés dans le Washington Post.

Depuis cette disparition, le monde occidental est bien embarrassé. Si sourcilleux sur le respect des droits de l’homme quand il s’agit de la Syrie, de la Russie et maintenant, pourquoi pas, de la Hongrie, peut-il passer l’éponge aussi facilement sur ce qui s’apparente bien à un crime d’État ?

Alors, comme d’habitude, on fait semblant : Bruno Le Maire annule sa participation au « Davos du désert » prévu à Riya,d mais cela "ne remet pas en cause le partenariat stratégique avec l’Arabie saoudite", Emmanuel Macron attend les résultats de l’enquête, le PDG de Thales annule également son déplacement mais, rassurez-vous, le patron de la branche spatiale sera bien là...

Ce qu’il y a de bien, avec Donald Trump, c’est qu’il ne se croit pas obligé de faire semblant. Ses récentes déclarations à Fox Business portent assez haut le cynisme assumé : "S’ils étaient au courant, c’est mauvais. S’ils ne savaient rien, des événements malheureux peuvent arriver.". Certes, surtout dans un consulat... Il ajoute, finaud : "Nous voulons être malins. Je ne veux pas renoncer à 110 milliards. Il s’agit d’emplois."

Son amitié pour Riyad est, d’ailleurs, assez ancienne. Ne disait-il pas, lors de sa campagne électorale : "Les Saoudiens, ils m’achètent des appartements. Ils dépensent 40, 50 millions de dollars. Je les aime beaucoup !" On sait prévoir l’avenir, à Riyad.

La flagornerie occidentale vis-à-vis de l’Arabie saoudite est très ancienne, et cette affaire ne remettra pas en cause une servilité si éprouvée.

Elle embarrasse toutefois le roi Salmane Al Saoud, qui a écarté des cercles du pouvoir deux proches du prince héritier Mohammed ben Salmane. De plus, un des membres des services secrets saoudiens, le lieutenant Saad al-Bostani, présent au consulat, vient de mourir opportunément d’un accident de voiture à Riyad. Mohammed ben Salmane doit comprendre qu’il ne faut pas faire n’importe quoi.

Mais que l’on se rassure : quoi qu’il arrive, au Proche-Orient, les gentils sont Israël et l’Arabie saoudite et les méchants les Iraniens et les Syriens. Ainsi en a décidé la grande Amérique.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 21:06.

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21 octobre 2018 à 19:15

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