Frédéric Taddeï est prié dare-dare de quitter France Télévisions

Le service public télévisuel poursuit sa purge. Après David Pujadas, gentiment, c’est-à-dire sans ménagement, poussé vers la sortie de son journal télévisé vespéral, puis l’animateur sexiste Tex, évincé du jour au lendemain, c’est-à-dire viré de son émission "Les Z’Amours", c’est au tour de Frédéric Taddeï d’être écarté de son émission "d’art d’art", qu’il animait depuis une quinzaine d’années pour le plus grand bonheur de son public, qui pouvait découvrir une œuvre d’art en moins de cinq minutes, d’une manière aussi pédagogique que passionnante.

Rappelons que ce dernier avait déjà fait les frais d’une première épuration, lorsque son émission culturelle et de débats "Ce soir (ou jamais !)", diffusée durant dix ans, de 2006 à 2016, avait été déprogrammée pour baisse des audiences.

Il faut dire que la formule de l’émission avait changé à plusieurs reprises. Quasi quotidienne sur France 3, du lundi au jeudi, de 2006 à 2011, elle devient hebdomadaire, le mardi, et sa durée est allongée à deux heures, avant d’être diffusée sur France 2, le vendredi, de 2013 à 2016. Entre-temps, l’émission perdit ce qui faisait son sel d’origine, à savoir donner la parole à des invités de tous horizons intellectuels, philosophiques et culturels, y compris et surtout à ceux qui sont superbement ignorés du service public pour opinions « non conformes » et, mieux, sans les interrompre intempestivement pour les recadrer idéologiquement !

C’est ainsi que les téléspectateurs furent étonnés de découvrir ou de redécouvrir des personnalités telles que Alain de Benoist, Frédéric Rouvillois, Renaud Camus, Alain Soral, Marc-Édouard Nabe, Marie-France Garaud, Eugénie Bastié et même la rédactrice en chef de votre site de « réinformation » préféré, Gabrielle Cluzel.

Mais le journaliste n’hésitait pas non plus à laisser s’exprimer des Jacques Attali, des Tariq Ramadan ou des Houria Bouteldja, redorant ainsi le blason terne du service public en administrant une magnifique leçon de pluralisme. Il est vrai que, du côté des parangons autoproclamés de l’intelligence vertueuse, ça grinçait férocement des dents. Patrick Cohen s’était singularisé, par exemple, en reprochant à Taddeï d’inviter "des gens que les autres médias n'ont pas forcément envie d'entendre !", voire, pis, de contribuer à "propager des thèses complotistes ou de donner la parole à des cerveaux malades" !

Rebelote l’année dernière où Taddeï fut forcé de mettre un coup d’arrêt à son émission "Hier, aujourd’hui, demain", émission culturelle dont, de l’aveu écœuré de son concepteur dépité, "personne ne savait qu’elle existait" (Télérama, 1er juin 2017), eu égard, précisément, à la particulière tardiveté de sa diffusion (aux alentours de minuit).

À la manœuvre de cette purification éthique, une certaine Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, hollando-macrono-libéralo-compatible en diable qui, en guise de feuille de route bizarrement ignorée par les principales officines antiracistes et antidiscriminatoires subventionnées (pléonasme), a pu tranquillement déclarer en 2015 qu'il fallait "impérativement que France Télévisions soit à l'image, résonne avec son public", déplorant qu’on ait "une télévision d'hommes blancs de plus de 50 ans et ça, il va falloir que ça change pour qu'il y ait des femmes, des jeunes, toutes les origines".

À 57 ans, Taddeï est donc prié, dare-dare, d’aller voir si l’herbe médiatique est plus diverse ailleurs. Mais que doit-on attendre d’une époque qui préfère encenser Ruquier, Hanouna, Arthur, Yann Barthès ?

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 03/07/2018 à 21:41.
Aristide Leucate
Aristide Leucate
Docteur en droit, journaliste et essayiste

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