Cinéma : Bohemian Rhapsody, de Bryan Singer

Cinéma : Bohemian Rhapsody, de Bryan Singer

Habitué des films de super-héros (Superman Returns, la saga X-Men…), le réalisateur Bryan Singer, disons-le, n’a jamais fait montre d’un raffinement extrême tout au long de sa filmographie, la psychologie de ses personnages – dessinés à gros traits – étant de toute évidence le parent pauvre de ses préoccupations filmiques. Pourtant, étrangement, c’est à lui que fut confiée la direction de Bohemian Rhapsody, le film biographique sur Freddie Mercury sorti en salles le 31 octobre dernier.

Si, à première vue, le projet semblait propice à quelque chose de plus intimiste qu’à l’accoutumée, son titre éponyme de la chanson-phare annonce d’emblée la couleur : il sera question, ici, de démesure, de baroque, opératique mais kitsch, dans la droite ligne de ce que nous proposait la scène rock des années 80. Avec Queen, nous avions droit, à l’époque, au meilleur ("Another One Bites the Dust", "Who Wants to Live Forever") comme au pire ("Killer Queen" ou "Radio Ga Ga") ; le film de Singer se situe, hélas, dans l’entre-deux…

Porté par Rami Malek – affublé, à l’occasion, de prothèses dentaires un brin outrancières pour une ressemblance toute relative avec le chanteur –, ce long-métrage aura au minimum le mérite de retracer les grandes étapes de la carrière du célèbre groupe britannique, de la rencontre de Freddie Mercury avec Brian May, Roger Taylor et John Deacon jusqu’à sa participation au concert du Live Aid en vue de récolter des fonds pour lutter contre la famine en Éthiopie. Concert durant lequel Mercury, déjà atteint du SIDA, dut pousser la voix et mobiliser toutes ses forces sous le regard inquiet de ses partenaires de scène.

D’un bout à l’autre du récit, qui multiplie avec intérêt les anecdotes savoureuses telles que l’origine des tubes les plus fameux de Queen, le chanteur nous apparaît comme un homme solitaire, mal dans sa peau, souvent en conflit avec ses collègues comme avec sa famille, dont il renie très tôt les origines zanzibaraises ainsi que le nom (rappelons que son véritable patronyme était Bulsara).

Un homme dont la sexualité jusque-là incertaine lui sera en dernier lieu déterminée sur un mode accusatoire par son épouse après quelques années de vie commune insatisfaisante, et par une poignée d’homosexuels qui parviendront peu à peu à le « coopter ». Cet aspect de son existence est d’ailleurs traité par le cinéaste avec une pudeur expédiente, tout comme sa maladie, le film prenant fin en 1985, bien avant que ne commence réellement son déclin physique – on se souvient, alors, des images de Freddie Mercury fortement amaigri durant les derniers mois de sa vie.

Enfin, d’une structure scénaristique pour le moins convenue – naissance du groupe, apogée, déclin et séparation, chant du cygne –, le récit fonctionne sans grande surprise et bénéficie d’une mise en scène rythmée et énergique, bien que foncièrement académique – Bohemian Rhapsody sent le film de commande à plein nez, calibré selon un cahier des charges.

Une commande qui, de surcroît, n’aura pas été honorée jusqu’au bout dans la mesure où Bryan Singer, banturle et peu motivé, a été viré du plateau deux semaines avant la fin du tournage et remplacé au pied levé par l’un de ses confrères cinéastes. Comme quoi la production du film est à la hauteur du produit…

2 étoiles sur 5

Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

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