Dieu que les hasards du calendrier démocratique sont étranges. Quand, au même moment, ou presque, Emmanuel Macron donne son allocution présidentielle, Jean-Luc Mélenchon se fait perquisitionner, tel une vulgaire Marine Le Pen, chez lui et au local de son parti. D’où un immense buzz du niveau de celui causé par un certain Jean-Marie Le Pen assurant à un humaniste indigné, à l’époque où les réseaux sociaux n’en sont encore qu’à leurs balbutiements : "Je vais te faire courir, pédé de rouquin !" À côté, le discours élyséen est, comment dire, déjà moins gouleyant.

On passera vite sur la forme de la chose, entre notes raturées et prompteur aux abonnés absents, pour en revenir au fond. Lequel se résume en ceci : si ce n’est lui, ce sera l’Apocalypse. "Ceux qui ne voient pas ce qui est en train de se passer partout autour de nous décident d’être les somnambules du monde qui va et je ne m’y résous pas. » De quoi ça être parler en bon franglish ? La réponse tient au moins en trois points, comme le font généralement les technocrates.

Premièrement, c’est qu’avoir attendu près de deux semaines pour ce remaniement, ça ne valait pas forcément le coup d’attendre. Surtout avec un Christophe Castaner au ministère de l’Intérieur, en remplacement de ce pauvre Gérard Collomb, relégué en ses pénates lyonnaises. Décidément, notre Président a un faible pour les personnages "limite", entre l’Alexandre Benalla qu’on ne présente plus, Michèle Marchand qu’on vous a fait découvrir en ces colonnes et un Christophe Castaner ayant fait ses gammes en jouant au poker avec des humanistes distingués tel que Christian Oraison, dit "le Grand Blond", un caïd formé par Gaëtan Zampa (l'un des parrains de la pègre marseillaise dans les années 70), on se dit aussi qu’après tout, un Vidocq, ancien bagnard, n’a pas non plus fait le plus mauvais des flics.

Deuxièmement, Emmanuel Macron, toujours pour paraphraser la métaphore casinotière, met ici tout sur le tapis. C’est lui ou la « lèpre populiste ». Ce qui signifie qu’entre le « cercle de la raison » et les trublions de droite (Marine Le Pen) ou de gauche (Jean-Luc Mélenchon), il n’y a désormais plus rien. Fort bien. Tel était, d’ailleurs et peut-être, le but de la manœuvre esquissée lors de la dernière élection présidentielle : réduire les partis politiques du monde d’avant à néant et se poser comme ultime recours tout en faisant don de sa personne à la France.

Troisièmement, le Président a beau se parer des atours du monde de demain, il n’est jamais que le VRP de celui d’avant-hier. La preuve en est qu’il en a emprunté ce bréviaire consistant à jouer sur les peurs ; missel n’empêchant évidemment pas de stigmatiser ceux qui « jouent sur la peur de l’autre » et se recroquevillent sur un « frileux repli sur soi ». En effet, il aura beau dire aux Français et aux Européens que les peuples votant contre la « bonne gouvernance » s’apprêtent à subir les douze plaies d’Égypte et encore plus de cataclysmes bibliques, il conviendra malgré tout de remarquer que l’Angleterre, même si frappée par le Brexit, attend encore de couler sous les flots. Que la Hongrie ou l’Italie, même si ployant l’échine sous la férule « populiste », n’ont pas vu le Soleil disparaître du ciel, et que les scores de popularité de leurs dirigeants respectifs ont de quoi faire pâlir d’envie d’autres de leurs homologues - Emmanuel Macron au premier chef.

Bref, celui qui entendait rétablir la verticalité du pouvoir a parlé. Pour ne rien dire, une fois de plus. Sauf que, ce coup-ci, ça commence à dangereusement se voir. Surtout quand il a visiblement peur, pour ce qu’il est, ce qu’il incarne et ce dont personne ne veut plus, manifestement. On se croirait presque dans un sketch des Inconnus. « Eh Manu, tu descends ? » « Oui, mais pour quoi faire ? »

Oui, pour quoi faire ? Tel est manifestement le problème.

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17 octobre 2018 à 19:14

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