Pour Xavier Bertrand, les raisins sont trop verts

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Xavier Bertrand n’a aucune chance d’obtenir la présidence des Républicains. Alors, il trouve de bonnes raisons de la dédaigner.

Qui, en effet, parmi les adhérents LR, voudrait comme chef d’un homme qui a prouvé, en de multiples occasions, qu’il ne partageait pas les valeurs de la droite ? Voyez-le aux régionales, où il n’a été élu que grâce au retrait du PS : il pouvait remercier les électeurs de gauche, les artisans de sa victoire ! Tout comme son compère Christian Estrosi, qu’on imagine bien, dans un film de cape et d’épée, incarner le personnage du traître.

Xavier Bertrand va se consacrer à sa région. Fort bien ! Après avoir tenté, en vain, d’autres parcours. Un temps, il laissa entendre qu’il pourrait être candidat à l’élection présidentielle, puis il ne démentit pas qu’il prendrait volontiers la tête du parti. Il vient d’annoncer dans le JDD qu’il ne briguera pas ce poste convoité. Il avait pourtant, voici peu, déclaré vouloir jouer un rôle dans la recomposition de sa famille politique. Tout cela est tombé à l’eau !

Pire ! Entre ces deux tentations, il est resté apparemment insensible aux appels du pied de Macron pour devenir ministre. Il en avait pourtant le profil. Sans soute le regrette-t-il aujourd’hui. Mais il a laissé passer l’occasion. Aurait-il les yeux plus gros que le ventre ? Serait-il l’homme des hésitations, des renoncements, des illusions perdues ?

Il lui faut pourtant sauver les apparences. Il ne veut pas être "le responsable d’une nouvelle guerre des chefs". Comme preuve de sa bonne volonté, il s’attaque à Laurent Wauquiez, un autre prétendant, qu'il accuse de "courir après l’extrême droite", d'être "le candidat de Sens commun". Et d’annoncer qu’il soutiendrait bien Valérie Pécresse.

Laurent Wauquiez, lui, n’a jamais caché ses ambitions. Quand il fut ministre de Nicolas Sarkozy, ses proches disaient de lui qu’il avait les dents longues. Mais il n’a pas le défaut rédhibitoire de Xavier Bertrand : il est fidèle à ses convictions, à une droite forte, fière de ses valeurs. C’est sur cette ligne qu’il l’a emporté aux régionales, en Auvergne-Rhône-Alpes.

Brice Hortefeux, ce proche de Nicolas Sarkozy, a eu beau jeu de rappeler, lundi sur LCI, que "la démarche qui consiste à rejeter la responsabilité [de l'échec de la droite] sur tout le monde sauf sur lui-même ne [lui] paraît pas aller dans le bon sens". Et de constater, pince-sans-rire, que "Xavier Bertrand a été élu par le soutien des candidats socialistes de François Hollande. Laurent Wauquiez, lui, a été élu en battant ces candidats."

Le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, face aux attaques de Xavier Bertrand, garde son sang-froid. Sans jamais citer son nom, il a répondu par une série de tweets, dont celui-ci résume bien sa pensée : "Ne laissons pas les médiocres aigreurs nous détourner du seul objectif qui compte : la reconstruction d'une droite fière de ses valeurs." Tout est dit !

Tout est dit, mais tout n’est pas encore fait. Laurent Wauquiez a bien compris que la droite ne pouvait renaître et, un jour, l’emporter de nouveau que si elle s’affirmait de droite : il lui reste à construire des ponts avec le Front national ou, du moins, avec cette partie de son électorat qui se retrouve dans les orientations de Marion Maréchal-Le Pen.

Tant il est vrai que la droite perd quand elle braconne sur les terres de la gauche et gagne quand elle défend la souveraineté et l’identité de la France.

"Ils sont trop verts […] et bons pour des goujats", disait des raisins le Renard. Après Ésope et Phèdre, La Fontaine a bien montré comment le glorieux méprise ce qu’il ne peut avoir. Car, en fin de compte, c’est Xavier Bertrand qui se comporte comme un « goujat ».

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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