Vive le vin, vive le vin d’hiver !
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Cet article a été publié le 27/12/2018.
On boit de moins en moins de vin, en France, dit-on. Pourtant, le vin n'a sans doute jamais été aussi bon, en France. Et, si l'on en croit Santé publique France, depuis trente ans, on constate une baisse importante de la consommation quotidienne d’alcool déclarée quotidienne. Et c'est tant mieux. En revanche, signalons que les alcoolisations ponctuelles importantes (API), que l'on pourrait appeler « bitures » pour être plus clair, ont tendance à augmenter chez les femmes de plus de 35 ans, quand elles ont tendance à baisser chez les hommes jeunes. Le croisement des courbes. Cela dit, boire moins mais boire mieux passe par la recherche de l'excellence à des moments privilégiés. Par exemple, un muscat de Beaumes-de-Venise dégusté avec un foie gras, autour de la table si bien parée, relève de la défense de notre civilisation !
Ce muscat, donc, depuis une vingtaine d’années peut-être, nous l’achetons dans une propriété où, aujourd’hui, c’est la cinquième génération qui travaille la même terre. Des vignerons de bonne souche. Au fait, où se situe Beaumes-de-Venise ? Dans le Comtat Venaissin, au pied des Dentelles de Montmirail (rien à voir avec cousin Hubert), non loin du mont Ventoux. La vigne, sur ce petit morceau de terre et sous ce ciel, tous deux semblant venus d’Italie (le rattachement à la France ne date que de 1791), devait être cultivée déjà au temps des Romains.
Alors, lorsqu'on boit un peu, avec modération (cela va sans dire), un verre de muscat, on ne se contente pas de s’abreuver, de se désoiffer, de s’alcooliser. On boit, donc on pense. On pense à ces successions de générations laborieuses qui ont planté, travaillé, taillé, récolté, greffé, amélioré la vigne. Il y a cent cinquante ans, on était encore pauvre, dans ce coin-là. Afin de compléter ses revenus, on élevait le ver à soie pour les tisseurs lyonnais et lorsqu’on avait gagné trois sous, on achetait quelques ares de terre en plus, histoire d’arrondir le domaine. Arrondir le domaine, l’agrandir pour le transmettre un jour : une manie de nos paysans français que ne peuvent comprendre ceux qui veulent « taxer la rente ». Boire ce vin, c’est donc, aussi, honorer ces vignerons de patience, ceux qui voient la vigne par la racine et ceux qui se débattent aujourd’hui contre les règles, les règlements, les charges plus lourdes que les hottes de vendange.
Et puis, lorsqu’on déguste le nectar, on comprend mieux la phrase inscrite sur l’étiquette de la dive bouteille : « Que ben beura Dieu veira. » C’est du provençal. Cela ne veut pas dire « Qui est bien beurré verra Dieu » mais « Qui boit bien verra Dieu ». Nuance. En première approche, on pourrait croire qu’il s’agit d’une invitation à boire pour atteindre l’extase. Cela dit... Non, il s’agit d’un toast provençal qui remonterait au roi René, au temps où l’on buvait dans des coupes dont le fond était orné d’une scène tirée, non pas du tonneau, mais de l’histoire sainte. Des scènes qui n'ont rien à voir avec celles, plus lestes, que l'on découvre au fond d'un bol de saké. Boire du vin, c’est donc aussi s'associer à cette liturgie où officient pontificalement le soleil, la terre, l'eau et... un peu les hommes. La religion chrétienne ne s’y est d’ailleurs pas trompée. Les papes de Rome et d'Avignon ne buvaient pas de la piquette !
Nous sommes nombreux à avoir, ainsi, « notre petit producteur ». Que ce soit autour de la ville de Beaune en Bourgogne, « là où les bons vins sont », en Touraine, entre Chinon et Bourgueil, terre rabelaisienne. Mais aussi, évidemment, dans le Bordelais où les Anglais, fins connaisseurs, font leurs emplettes depuis le Moyen Âge. Montaigne, qui fut maire de Bordeaux, avait son idée sur la chose : « Je ne bois que du désir qui m’en vient en mangeant, et bien avant dans le repas. Je bois assez bien pour un homme de commune façon : en été et en un repas appétissant, je n’outrepasse point seulement les limites d’Auguste, qui ne buvait que trois fois précisément… » Et tant d’autres régions, encore, qui forment une guirlande joyeuse à travers la France... Vive le vin !
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