Violences scolaires : loi de la République ou de la jungle ?

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L’Éducation nationale, parce qu'elle accueille des millions d'élèves, est un révélateur de l'état de la société. Il n'est certes pas facile, en ces temps de dissolution généralisée des liens sociaux les plus élémentaires, d'être le patron d'une telle maison. Jean-Michel Blanquer, me semble-t-il, n'est ni un cynique, ni un idéologue, comme il en existe tant dans notre classe politique, ni même un sot, engeance si commune en politique.

Dans un entretien accordé, le 12 octobre dernier, au Parisien, il donne le sentiment d'être entravé par un vêtement trop corseté, celui du discours politiquement correct, devant la violence endémique qui mine l’école (20 ou 30 incidents graves par jour, avoue-t-il, 1.500 élèves très violents, et quand on connaît la tendance de l'administration scolaire à minorer – et même à nier, malgré l'institution d'un indice de « climat scolaire » dans chaque établissement - ce qui déplaît au pouvoir, on peut imaginer ce qu'il en est vraiment). Ce ne sont pas les réunions redondantes et l'invocation incantatoire du « vivre ensemble », de la communication bienveillante, qui résoudront le problème. Autant vouloir détruire des missiles en jouant du pipeau !

Les faits, eux, se moquent, dans leur crudité, de la rhétorique soporifique. Il n'est plus question de masquer – comme ce fut longtemps la coutume médiatique - les effets ravageurs des conflits sanglants entre bandes rivales, affrontements souvent ethniques, comme dernièrement aux Lilas, en Seine-Saint-Denis, où un jeune de 15 ans a été poignardé, sans compter les rixes quotidiennes, les agressions dont sont victimes élèves, enseignants et chefs d'établissement, bref, le règne endémique d'un climat délétère qui s'amplifie et s'installe comme un cadre normal, auquel on s'habituerait presque, tellement il s'inscrit dans le paysage social et scolaire depuis plusieurs dizaines d'années.

C'est pourquoi les mesures pitoyables qui sont promises, et qui ont un goût de « reviens-y », comme dirait la vox populi, laissent sur sa faim. L'envoi à Sarcelles d'une brigade d'inspecteurs, quand il faudrait parfois le RAID, suffira-t-il ? Un nouveau rapport de l'Inspection générale, qui sera remisé dans un tiroir (combien de « rapports », depuis trente ans ?), quand bien même il ne serait pas brodé de dentelle dormitive, suffira-t-il pour endormir une opinion de plus en plus inquiète ? Une confiance immodérée dans l'efficacité du ministère de l'Intérieur pour agir contre les bandes sera-t-elle fondée, quand l'on sait combien de « territoires de la République » sont interdits aux forces de l'ordre ?

Toujours est-il que l’État, là comme ailleurs, se singularise par sa démission. Une capitulation en rase campagne, l'abandon, à la loi de la jungle, d'une institution vouée à une mission civilisatrice.

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Claude Bourrinet
Professeur de Lettres

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