[Une prof en France] C’est la rentrée des classes ! Et, déjà, je m’agace…

rentrée des classes

La première semaine de cours s’achève. Et, déjà, je m’agace… Pas seulement à cause de ce qui se passe dans mon établissement : mon agacement vient aussi de ce que je vois dans ceux de mes enfants et de mes amis. J’ai l’impression que plus personne ne prend les choses au sérieux, et cela m’insupporte. Qu’y a-t-il, pourtant, de plus sérieux que la formation des enfants ?

Vu que j’ai peu de place, trois points seulement.

Le premier tient au chaos apocalyptique des emplois du temps élaborés par les équipes administratives des lycées, en raison de l’usine à gaz qu’a été la réforme des spécialités. Je vois des élèves de première ayant 4 heures de la même spécialité d’affilée, soit tout l’horaire hebdomadaire, ayant des trous anarchiques dans des journées qui s’étalent de 8 heures du matin à 18 heures, des semaines à 35 heures de cours, tandis que les professeurs leur annoncent 4 heures de travail personnel en plus par matière, ce qui monterait l’horaire de travail scolaire à plus de 70 heures hebdomadaires, des journées qui commencent à midi, sans qu’il n’y ait de bus pour véhiculer les élèves ruraux vers les établissements, mais qui enchaînent ensuite 5 heures de cours sans pause, des options qui disparaissent car il n’y a aucun créneau pour les placer… Enfin, du grand n’importe quoi. Pourtant, il me semble qu’on sort de deux mois de vacances et que ces problèmes auraient dû être réglés pendant cette période-là, et pas dans l’ouragan de la rentrée.

Le second point tient à l’attitude de mes collègues. Pfff… Que dire ? J’ai demandé à ma fille, qui entre en 3e, comment se passaient ses cours de latin, matière qui est particulièrement chère à mon cœur et qui, si elle était bien enseignée, serait une clef pour de nombreuses autres disciplines. Elle m’a raconté son premier cours : « Des anciennes élèves du professeur avaient un trou et sont passées la voir : elles ont discuté pendant presque toute l’heure. » Ben voyons… Tout va bien, madame la Marquise… C’est vrai, il faut rentrer en douceur… Vous comprendriez que le boulanger qui rentre de vacances décide de ne faire que trente baguettes et une dizaine de chocolatines, pour « reprendre en douceur », ou que votre fournisseur d’électricité ne vous donne du courant que pendant cinq heures dans la journée, car il « reprend en douceur à son retour de congés » ? Cela me sidère. Je n’ai jamais compris ce qui empêche les enseignants de commencer à travailler, vraiment, dès la première heure de cours. Les élèves se préparent psychologiquement à la rentrée, ils sont prêts lorsqu’ils arrivent, ils n’ont pas besoin de sas de décompression, sauf dans les toutes petites classes. Ensuite, j’ai commis une grosse erreur : je lui ai demandé ce qu’elle avait appris au cours des deux années précédentes et où elle en était au niveau des déclinaisons. Mea culpa, je n’aurais pas dû, je crois qu’au fond de moi, je connaissais déjà la réponse. On aime, parfois, se faire du mal…

Le dernier point concerne nos administratifs, nos chefs bien-aimés, ceux que l’on n’arrive plus, non plus, à recruter et qui valsent d’un établissement à l’autre pendant les vacances d’été. Nous avons donc un nouveau directeur. Ses motivations, pour venir chez nous ? Il a sa résidence dans notre petite ville et en avait assez de n’y venir que pendant les vacances, donc il a décidé de demander sa mutation dans notre établissement pour les trois années qui lui restent avant la retraite. D’accord… Il n’a jamais travaillé dans un collège sensible et vient d’un lycée de centre-ville où il avait pour habitude « de beaucoup dialoguer avec les élèves ». J’espère qu’il va rapidement prendre conscience du fait que chez nous, il va devoir incarner, pleinement et de façon assez musclée, l’autorité et l'État auprès des élèves. Sinon, l’année va être longue, très longue…

Virginie Fontcalel
Virginie Fontcalel
Professeur de Lettres

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29 commentaires

  1. Chère Madame vous me rappelez, j’avais sept ans, je servais la messe en latin sans rien y comprendre, Cinq ans plus tard, je lisais le de bello Gallico, deux ans après Salluste et la guerre de Jugurtha, j’en étais heureux et fier, fier de l’estime de mon professeur. Que m’en reste-t-il , 70 ans plus tard ? Tout simplement le bonheur de mieux comprendre notre langue, par delà le latin et le grec. Courage, courage à vous, agacez-vous, ne renoncez jamais.

  2. Ce qui est consternant dans les déplorables commentaires, c’est qu’ils concernent certains renoncements de l’actuelle Education nationale considérés mieux que le pire… Il est consternant de dire que c’était mieux avant (même si c’est exact) : regarder le présent en le critiquant n’a aucune importance.

  3. Depuis bien trop longtemps, certains ont voulu faire croire qu’on pouvait changer de travail au gré des opportunités et que s’épanouir dans son activité était anti social. On voit maintenant le résultat, la majorité des travailleurs n’arrive plus à s’investir dans leur activité. Il est grand temps de redonner le sens du travail bien fait et de développer l’esprit d’entreprise.

  4. Je suis effarée de voir à 15h un nombre déjà important d’élèves devant leurs établissements à attendre des bus…Que font-ils déjà dans la rue?… »De mon temps »…c’était 8h. midi et 14h. 17h.30. Plus les devoirs à faire à la maison, souvent pour le lendemain…Mais ça c’était autrefois et tous les « vieux » comme moi, sont passées par là!

  5. Il y a encore des profs avec la foi chevillée au corps, ceux dont on se souvient toute sa vie, avec émotion, devenus une espèce en voie de disparition. Et il y a les autres, trop nombreux, qui n’y croient plus, mais qui continuent parce qu’il faut bien gagner sa vie et que la mutation tant attendue dans un coin tranquille, se profile pour la prochaine rentrée. En attendant : Pas de vagues, pas d’embrouilles, pas de mauvaise évaluation… Je ne les blâme pas ! Au long de ces 50 dernières années, on leur a retirer toute leur autorité et ils n’ont pas trop de soutien de la part de leur hiérarchie, quand ce n’est pas du lâchage pure et simple. Et les élèves et leurs parents, sont devenus tout puissants, quand ils ne sont pas en plus, violents. Imaginez une jeune prof débutante, dans un lycée technique en ZEP et imaginez ses illusions perdues en quelques semaines. Cette administration doit être refondée complètement. Elle doit revenir aux fondamentaux et envoyer le pédagogisme et autres fadaises progressistes à la poubelle. Elle doit revaloriser ses profs en les payant mieux et en restaurant leur autorité. Faire des classes de niveaux. Les élèves sont là pour apprendre, pas pour juger de la pertinence de telle matière ou de tel sujet. Revenir à l’époque des Hussards noirs de la république, ce serait tout bénef pour nos jeunes. Après tout, ils sont l’avenir et en ce moment, on l’insulte.

  6. Allo, allo, ici un diplodocus sur la fin, je tombe , à postériori, d’admiration pour ces 3 personnes qui, avant la rentrée,nous mitonnaient des horaires hebdomadaires sans une heure perdue. On affectait des surdoués sans ordinateur mais avec des petit morceaux de papier de couleurs différentes. Et ça marchait.

  7. Où est le temps pas si lointain ou nos système de santé, d’enseignement, de transport etc… étaient donnés en exemple et enviés, dans beaucoup de pays ?

  8. oui ces fameux trous de plusieurs heures qui ne permettent pas à l’élève de rentrer chez lui faute de moyen de transport… et qui les amènent donc à trainer ce qui ouvre la porte à toutes les mauvaises rencontres possibles surtout actuellement ! ensuite en cas d’agression on dira aux parents  » mais que faisiez vous, ou étiez vous, comment vous occupez vous de votre enfant » !!!
    A mon époque il y avait l’étude, mais évidemment pas pendant 4 heures !

  9. Qui n’a pas connu des « trous » insensés dans l’emploi du temps de ses enfants collégiens ou
    lycéens ? Déjà il y a 20 ans, sauf qu’en même temps que l’EN la « famille » elle aussi s’est délitée, s’ajoutant aux transports pas toujours disponibles à ces heures-là, rendant impossible le retour chez lui de l’élève qui traînera au dehors jusqu’au soir, plus ou moins bien accompagné…

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