[Tribune] Ukraine : est-on en route vers l’Apocalypse ?

marioupol

L’envoi à l’Ukraine par des pays membres de l’OTAN d’armes « plus lourdes et plus modernes », tel qu’annoncé par Jens Stoltenberg, secrétaire général de l'OTAN, à l’occasion du Forum économique mondial de Davos en Suisse, marque, à n’en pas douter, une nouvelle escalade dans le conflit qui se déroule actuellement aux portes de l’Europe. Jusque-là impliqués derrière le chef de file américain dans une cobelligérance « douce » qui ne voulait pas dire son nom, il y a fort à parier que l’apparition sur le champ de bataille ukrainien de chars lourds anglais ou polonais, et de tous les autres matériels de guerre sophistiqués promis, ne fasse monter d’un cran significatif la participation réelle et objective des Occidentaux à une guerre qui semble désormais devoir s’inscrire dans la durée.

S’appuyant sur l’absence de définition par le droit des conflits armés de la notion de cobelligérance, les pays qui apportent jusqu’à présent une aide matérielle et financière substantielle à l’Ukraine risquent en effet d’avoir de plus en plus de mal à maintenir cette position. Et en réalité, jouant sur un vide juridique qui dissimule mal une réalité parfaitement observable dans les faits, cette attitude commode des pays qui ont fait le choix de soutenir le régime de Zelensky ne tient plus que grâce au bon vouloir de la Russie et de Vladimir Poutine. Ce dernier étant de fait le seul à pouvoir déterminer quand et comment la ligne rouge aura été dépassée.

Bien entendu, jusqu’à présent, il était dans l’intérêt de tous les protagonistes de jouer ce jeu de dupes. Il permettait aux alliés objectifs du président ukrainien d’apporter l’aide qu’ils jugeaient utile à l’Ukraine sans se déclarer parties au conflit, et au président russe, en tolérant ces agissements, d’éviter un affrontement direct avec les pays de l’OTAN. Pourtant, l’augmentation quantitative et qualitative de l’aide apportée aux Ukrainiens risque fort, à plus ou moins brève échéance, de rebattre les cartes. Il est évident que ce type d'« arrangement » suppose le respect de limites acceptables, permettant de ne pas remettre fondamentalement en cause l’équilibre des forces en présence. À défaut, c’est bien un basculement qui pourrait s’opérer, conduisant inexorablement à la généralisation du conflit qui, in fine, serait préjudiciable à l’ensemble des acteurs concernés. Quel jeu jouent donc actuellement les Occidentaux en faisant de la surenchère ? Quels intérêts ont-ils à pousser la Russie dans ses retranchements ? Qu’ont-ils à gagner à un possible embrasement sur le sol européen de cette guerre qui aurait des conséquences gravissimes et irréversibles pour près de 500 millions de personnes ?

Si les intérêts, notamment économiques et financiers, des États-Unis sont aujourd’hui étalés au grand jour, ceux des autres participants, et de l’Union européenne en particulier, paraissent nettement moins évidents. Non directement concernés par cette guerre, puisque non contraints par le jeu des alliances, mais touchés de plein fouet dans leurs économies par les conséquences et les retombées des sanctions prises contre la Russie, ceux-ci sont déjà les grands perdants d’une confrontation mondiale entre grandes puissances qui produira, c’est certain, des effets mortifères pour de très nombreuses années.

Dans ce tableau bien sombre, la France, si tant est qu’elle l’ait voulu - ce dont on peut douter, après les déclarations fracassantes d’Angela Merkel et de François Hollande sur les véritables motivations de leur participation aux accords de Minsk -, aurait pourtant pu jouer un rôle majeur dans le règlement de ce conflit. Au lieu de ça, c’est un alignement pur et dur sur les intérêts américains qui a été choisi, jusqu’à perdre désormais toute chance de regagner le minimum de crédibilité indispensable, notamment aux yeux de Vladimir Poutine.

À ce jour, des centaines de millions d’Européens sont donc suspendus à l’évolution, sur le terrain, du conflit ukrainien. Déjà fortement impactés par les conséquences économiques qui touchent tous les pays de l’Union européenne, il est néanmoins impossible de savoir comment cette guerre peut, en quelques heures seulement, évoluer, ni même d’anticiper les conséquences à moyen terme d’une implication guerrière dont les conséquences n’ont manifestement pas été anticipées.

Il n’est pourtant pas trop tard pour dire et rappeler que cette guerre sur le Vieux Continent n’aurait jamais dû se produire. Qu’elle est contraire aux intérêts des peuples et des nations et qu’à ce titre, il est urgent de renouer avec la diplomatie et les négociations. Qu’il faut absolument en finir avec cette surenchère belliqueuse qui ne peut, si l’on persiste, que nous conduire sur la voie de l’Apocalypse.

Olivier Damien
Olivier Damien
Conseiller régional de Bourgogne-Franche-Comté, Commissaire divisionnaire honoraire

Vos commentaires

95 commentaires

  1. Excellente analyse. Pour rester simple, n’oublions pas que les Russes nous ont aidé durant la guerre 14 – 18 (un contingent de 20.000 hommes, dont beaucoup y ont perdu la vie); n’oublions pas que le Général De Gaulle a toujours prôné de bonnes relations avec la Russie. Enfin, leur avance technologique en matière d’armement est telle qu’il ne faudrait pas longtemps aux Russes pour rayer de la carte Paris, Londres et Washington (missiles hypersoniques, capacité de détruire un satellite en orbite et donc un missile stratégique obligé de passer par la stratosphère, ce qui n’est pas le cas des missiles hypersoniques).

  2. A aucun moment ces sbires va t’en guerre ne parlent de paix , pour eux , la paix c’est fournir des armes , drôle de façon de dialoguer , en définitive , veulent ils la paix …? ??

  3. Les USA la France et L’angleterre incapables de gagner une guerre depuis 1945 après la Corée , le Viet-nam, et les aventures du moyen orientI Iraque,Syrie,Lybie Mali,Somalie etc, et le désastre d’Afghanistan, de nos jours se contentent de déstabiliser le monde, mais attention à ce jeux là le retour de bâtons sera terrible et les européens commencent déjà à s’en apercevoir sur le plan économique mais ce n’est que début !

  4. Oui la France aurait pu et aurait dû jouer un rôle majeur dans le règlement de ce conflit, à condition qu’elle soit dirigée par un chef d »Etat digne de ce nom, ayant la hauteur de vue nécessaire et les compétences diplomatiques requises. Or, elle n’a qu’un vassal des États-Unis.

  5. Cette guerre ne nous concerne pas mais les états-uniens nous ont embarqués dans leur folie meurtrière.
    Ils veulent nous garder soumis sous leur coupe pour dominer une population plus nombreuses qu’eux et qui, si elles se rapprochaient de la Russie, les rendraient minoritaires en tant que puissance.
    Ils prétextent la démocratie alors que ce sont eux qui ont exacerbés la patience de Mr Poutine en voulant installer l’otan au porte de le Russie. Rappelons-nous que lorsque les Russes ont voulu installé des missiles à Cuba, les états-uniens ont failli déclencher une guerre.
    Ils refusent que cela soit près de chez eux mais eux peuvent être à la frontière des autres.
    Des HYPOCRITES dangereux et nos très mauvais dirigeants sont aveugles

  6. Pour peu que l’on daigne se pencher objectivement sur la genèse de la guerre d’Ukraine depuis le tracé de la frontière après l »éclatement de l’URSS en 1991, force est de constater que cette guerre fratricide entre cousins slaves a été fomentée par l’OTAN américain pour châtier la Russie de contester la domination mondiale des États- Unis et la dictature du dollar.

    • Bin voyons! C’est pourtant vous et vos semblables qui ont accusé Trump de collusion avec la Russie… Faudrait savoir!

  7. Très bon article. effectivement, c’est Poutine (et ses alliés du BRICS) qui détermineront si la ligne rouge a été franchi par les pays européens.

  8. Mr O. Damien, tout à fait en phase avec vos raisonnements. Les agissements des dirigeants occidentaux qui poussent à la surenchère prennent certainement leurs racines et appuis dans le supposé soutien des USA en cas de dégradation de la situation. Ils négligent dans le même temps les souffrances potentielles et destructions massives. Ils ne seraient pas personnellement en premières lignes. Des destructions susceptibles de redonner de la vigueur à la France par le jeu de l’aide financière des USA liée à la reconstruction. Indépendamment de cet avenir incertain, nos médias glissent sous le tapis les décès de militaires français opérationnels en Ukraine, ne serait-ce que pour instruire l’armée ukrainienne sur le terrain. Par ailleurs, un missile égaré est toujours possible. Zélenski en a fait la démonstration. Nous ne sommes donc pas à l’abri d’un embryon d’agression, d’un parti comme de l’autre. Mais en fonction de l’air du temps, toute ces hypothèses, que du complotisme !

  9. A trop énerver Poutine ce que l’on risque nous Français c’est une cyber attaque meurtrière, des attentats énormes…
    Poutine est dans son droit de vouloir à TOUT prix un accès libre à la mer sans rendre compte aux USA via l’Ukraine otanisée. Oui les USA veulent faire de l’Ukraine un 52ième état yankee. Ils veulent gouverner le monde en maitrisant les flux de la nourriture mondiale (céréales + oléagineux) et de gaz. Qui tient le commerce des céréales tient les pays affamés dans ses mains. Qui tient le gaz tient l’UE. Ceux qui ne comprennent pas cela ont du soucis à se faire car il le paierons plus tard. La France à tout à perdre dans ce conflit entre slaves organisé par les USA. C’est un conflit vieux de 1500 ans. Une Ukraine neutre est la seule solution avec en prime Zelensky out.

    • Bravo! Les US après avoir allumé le brasier, se retireront comme ils l’ont fait au Vietnam, en Afghanistan et ailleurs. Nous seront les dindons de la farce une fois de plus. Un retour à des relations correctes avec la Russie sont indispensables. Les US ne sont pas un modèle de civilisation.

  10. Respect des accords de Minsk ou pas, positions outrancières de Zelensky ou pas, attitude pas claire ou trop claire des USA ou pas, c’est quand même bien la Russie qui a déclenché cette guerre. Et qui a envoyé Macron dans son coin quand il a voulu jouer le grand diplomate ?
    Mais bien d’accord, ce sont les Européens qui risquent d’en supporter les pires conséquences.

    • Vouloir défendre une région qui a vu 20 000 morts par bombardement montre que la Russie a « bien déclenché cette guerre »?
      Pour moi, ce sont ceux qui ont tué 20 000 civils , avec des bombardements qui s’accentuaient qui l’ont déclenché.
      je n’arrive pas à comprendre comment on peut retourner les événements en considérant les victimes comme les agresseurs!
      Vu comment les français ont respecté les traités de Minsk, je pense que Vladimir P , en fait, a eu raison de renvoyer macron dans son coin, par manque de confiance.
      Ce sont les européens qui vont y en payer les conséquences, certes, mais ne l’ont ils pas cherché, en votant pour ces mafieux narcissiques?

    • Ne vous en déplaise, c’est faux. La guerre a réellement commencé après le coup d’état à Kiev en 2014 et l’offensive militaire contre les séparatistes du Donbass. Le 22 février 2022, ils étaient sur le point d »être écrasés. L »opération spéciale  » russe n’est qu’une réaction de légitime défense des pro-russes.

    • Le seul point de départ que vous minorez est bien le non respect des accords de Minsk.
      Le candidat Zelensky s’était engagé à les respecter mais, une fois élu, revirement de posture malgré la trahison faite à ces électeurs et maintenant à tous les ukrainiens.
      Alors oui, c’est bien la Russie qui a déclenché cette guerre mais le seul responsable est Zelensky !

    • Non ce n’est pas la Russie qui a déclenché la guerre, ce sont les USA et ses affidés qui ont forcé Poutine à défendre les intérêts de la Russie. Que feriez vous si l’on vous disait vous avez le droit de sortir de votre maison mais je vous supprime le droit de passage séculaire. Vous devez alors demander au voisin son autorisation pour emprunter son chemin. Vous iriez devant les tribunaux. Et si le voisin persiste à vous dire « vas te faire voir » vous allez chercher l’état de droit ou vous tapez sur la gueule de l’emmerdeur. Hé bien Poutine perdant son droit de passage vers la Méditerranée du fait de l’Otanisation de l’Ukraine va tout mettre en oeuvre pour sauvegarder sa patrie (ce qui a encore un sens chez lui, ce n’est pas comme en France). Attendons nous au pire et remercions Macron d’organiser notre malheur. Quand il touche à la diplomatie ou à la géostratégie il fait des miracles

  11. Poutine est incontrôlable, mais au lieu d’essayer de tempérer la situation, l’impératrice Ursula Von Der Layette (jamais élue) et notre bon Macron n’arrêtent pas de le provoquer et nous conduisent vers l’apocalypse nucléaire

    • de mon point de vue c’est Zelensky qui est  » incontrolable », Poutine jusqu’à preuve du contraire, jusqu’ici il est patient, très patient même, mais jusqu’à quand…en effet on peut se poser la question !

    • Il y d’autres armes que le nucléaire…Demandez aux Chinois… Ils ont peut-être un petit virus… mortel, qu’ils vendront au plus offrant…

    • Je préférerais m’aplatir devant Poutine, homme équilibré, réfléchi et chrétien (certes avec des défauts, comme tout l monde, je sais que ce n’est pas un saint!) que devant les USA et leur représentant ou devant les « zélites » européennes toutes aussi mafieuses et agressives !

  12. Les affaires étrangères et en premier lieu leur dimension militaire sont parait-il le « domaine réservé » du président. Si nous entrons en guerre de fait, dans le sillage des USA, il en est le premier responsable. S’il nous entraîne dans cette guerre sans consultation de la représentation nationale ni des Français, il sera coupable.

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