[Tribune] Retraites : pour Emmanuel Macron, une victoire à la Pyrrhus
Rarement intervention présidentielle aura été aussi inadaptée à la situation politique et sociale que celle d’Emmanuel Macron, le 22 mars. Après la reculade devant le risque de voir le projet de loi sur les retraites rejeté par le Parlement, le recours à l’article 49.3 de la Constitution avait soulevé l’indignation, la colère ou l’incompréhension. L’échec des motions de censure déposées contre le gouvernement Borne a effectivement permis d’entériner la réforme de façon parfaitement constitutionnelle. Mais rien dans les propos présidentiels ne sonnait juste. Ni le ton, ni les mots, ni l’expression. Présenter cette manœuvre politique comme un succès ne pouvait qu’exaspérer le ressentiment et prétendre ouvrir des négociations sociales sur le travail apparaissait comme une provocation. À cet égard, l’attitude des élus de la majorité et de Mme Borne fut tout aussi maladroite. Plutôt que de s’autocongratuler et de s’applaudir, il eût été plus sage de faire preuve de modestie après une victoire s’inscrivant certes dans le cadre constitutionnel, mais assez peu glorieuse.
Il est une règle d’or en politique : il ne faut jamais humilier l’adversaire. Or, tout dans l’attitude de M. Macron semblait fait pour humilier ceux qui avaient combattu la réforme des retraites. Il en ressortait la désagréable impression d’un pouvoir technocratique muré dans son isolement et à la limite d’un mépris sarcastique. Ce qui n’est pas la meilleure voie pour renouer le dialogue.
De cette confrontation entre le pouvoir, l’opposition, notamment de gauche et d’extrême gauche, et les syndicats, la France ressort cabossée. Il est surprenant de constater combien la question des retraites hystérise les rapports sociaux. Un système fondé sur la répartition suppose un ratio entre les actifs et les inactifs qui permette de soutenir ce système dans la durée. Deux données sont essentielles : la démographie et le taux d’emploi de la population active, en particulier celui des seniors. Donc la politique familiale et la question du travail et de la formation au long de la vie professionnelle. Or, ces deux sujets ont été à peine abordés, ou de façon superficielle. Ils impliquent une vision large et d’avenir, ce qui, à l’évidence, n’est pas la caractéristique des politiques technocratiques et idéologiques que nous subissons depuis des décennies.
Une réforme était inévitable en raison des données démographiques. Mais elle a été mal menée politiquement et mal conçue. De surcroît avec des absurdités pour un système par répartition telles que le traitement défavorable des femmes qui ont été mères de famille et dont la carrière a pu être interrompue.
Mais elle a aussi révélé la frustration croissante de la population française qui n’en peut plus des conséquences des politiques technocratiques menées depuis des décennies pour se conformer aux oukases de Bruxelles, aux impératifs de la mondialisation, et pour pallier l’endettement déraisonnable du pays. Le tout sur fond d’idéologies de la déconstruction qui ruinent petit à petit tous les cadres qui permettent à une société de vivre en harmonie.
Cette frustration, aggravée par l’attitude, les paroles et les comportements du président de la République, qui a cristallisé une forme de détestation sur sa personne alors qu’il vient d’être largement réélu, a fait le lit d’une extrême gauche révolutionnaire. Celle-ci incite quasiment à l’insurrection et se grise de discours d’inspiration marxiste-léniniste ou trotskiste. Ce qui ne fait que confirmer que l’expérience des autres ne sert à rien puisque l’échec effroyable, sur tous les plans et notamment humain, des régimes inspirés par ces idéologies ne sert pas de leçons à nos apprentis révolutionnaires.
Face à ces poussées révolutionnaires, la République est évidemment mal à l’aise. Comment, en effet, désapprouver la révolution quand on en est la fille ? Il demeure que l’on sent que la lassitude et la résignation ont fait place à une sourde colère qui peut aisément dégénérer. Triste signe, la République française n’est même plus capable d’accueillir le roi d’Angleterre qui lui réservait pourtant sa première visite d’État hors du royaume. Ce sera donc l’Allemagne. Symbole révélateur de qui dirige, en fait, l’Union européenne. En attendant, le palais de Buckingham communique : « Leurs Majestés se réjouissent de l’occasion de se rendre en France dès que des dates pourront être trouvées. » Flegme et humour britanniques tout autant que charme discret de la monarchie. Une fois encore, la République fait pâle figure.
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18 commentaires
M. Macron ne veut pas humilier la Russie et M. Poutine pour conserver une chance de promouvoir la paix en Ukraine, mais il ne s’embarrasse pas d’humilier la France et les français pour y promouvoir la guerre civile.