Le débat politique et l’action syndicale vont se focaliser sur la réforme des retraites dans les semaines à venir. Il y a déjà, et il y aura encore, des échanges d’arguments. Peut-on, au demeurant, parler d’échanges dans la mesure où, pour l’essentiel, chacun campe sur ses positions et est déterminé à ne pas faire place aux réflexions de l’adversaire. Car l’idéologie a envahi le champ de la discussion.

Il est peu rappelé que lorsque Mitterrand a abaissé l’âge de la retraite, c’était en grande partie pour lutter contre le chômage, selon cette idée très absurde que l’on combat le manque d’emplois non par un surcroît d’activité mais en redistribuant le travail, ce qui fut aussi à l’origine de la loi sur les 35 heures. Chacun connaît le résultat : la France est, après la Suède, le pays européen où les salariés travaillent le moins en moyenne annuelle (Rexecode/Eurostat chiffres 2020). Ce qui, dans une économie ouverte à tous les vents de la mondialisation, nous met en position de vulnérabilité.

La question de la réforme de notre système de retraite est un serpent de mer de la politique française, et s’il s’impose, c’est en raison de la réalité démographique, économique et sociale. En 1960, il y avait 4,14 actifs pour 1 retraité, en 1980 2,68 actifs pour 1 retraité, en 1990, 1,88 actif pour 1 retraité, en 2010, 1,78 actif pour un retraité, en 2020, 1,67 actif pour 1 retraité (INSEE). Nous en connaissons les raisons : allongement de la durée de la vie, accroissement du chômage, diminution du nombre d’actifs au-delà de 55 ans, le tout sur fond de recul démographique.

Aujourd’hui, le taux d’emploi des seniors (55-64 ans) n’est que de 56 % (DARES, ministère du Travail), contre 61,4 % pour la moyenne de l’Union. Et lorsque l’on passe à la tranche d’âge 60 à 64 ans, le taux d’emploi n’est plus que de 33 %. Dès lors, le recul de l’âge de la retraite, outre qu’il exige des mesures spécifiques pour les personnes qui ont commencé à travailler tôt sauf à créer une réelle injustice, reste un peu illusoire tant que certaines entreprises considéreront que, passé 55 ans, les salariés ne sont plus efficaces. La vraie raison est que les rémunérations en fin de carrière sont généralement plus élevées et qu’il est moins coûteux d’employer quelqu’un de quarante ans que quelqu’un de cinquante-cinq ans.

Le nombre de trimestres de cotisation est un critère plus juste, puisqu’il tient compte de la durée des carrières et des périodes de cotisation. Il demeure que l’on ne peut considérer ces carrières de façon abstraite. Il est certain qu’un ouvrier du bâtiment ou un ouvrier sidérurgiste n’a pas la même fatigue professionnelle, sans parler des risques du métier, qu’un employé de bureau ou un fonctionnaire d’administration. L’uniformisation égalitaire n’est pas possible parce qu’elle serait injuste.

Mais le plus curieux, dans les débats, est que la question démographique est comme escamotée. Le système par répartition suppose que les actifs financent les retraités ; ainsi, les retraités d’aujourd’hui ont financé les retraités d’hier et sont financés par les actifs d’aujourd’hui. La pérennité du système dépend donc d’une démographie dynamique et, à tout le moins, qui atteigne le seuil de renouvellement. Ce qui signifie que la pérennité des systèmes de retraite est aussi liée à une politique familiale active. Or, depuis, des décennies, non seulement le niveau des allocations familiales, en euros constants, n’a cessé de diminuer (faible révision du salaire de référence), mais encore la gauche s’est acharnée, pour des raisons idéologiques, à miner une des politiques françaises reconnue pour son efficacité, notamment en les mettant sous condition de ressources, ce qui pouvait conduire à la division par quatre du montant des allocations familiales. Il s’agissait de mettre à mal leur caractère universel et de favoriser certaines populations au détriment d’autres.

D’une façon générale, soulever la question démographique amène à s’interroger sur le regard qu’une société porte sur ses enfants et sur l’accueil de la vie. Or, certains veulent consacrer l’avortement dans la Constitution, l’acte de refus d’accueil de la vie par excellence, le faisant passer d’exception au principe de respect de la vie à un droit constitutionnel. D’autres, souvent les mêmes, refusent les enfants car ils seraient mauvais pour le bilan carbone de la planète ! Une société qui n’aime pas les enfants est suicidaire, car nous n’avons d’autre avenir que nos enfants. L’oublier est le propre d’une société sans générosité et d’une oligarchie sans vision politique.

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15 janvier 2023 à 16:30

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38 commentaires

  1. Si on faisait la chasse aux retraites versés en Algérie dont les bénéficiaires sont les plus âgés du monde.

  2. On peut penser ,on en a encore le droit ,que le président se fout complètement des retraites , qu’il a comme toujours anesthésié les sénateurs , députés (es) et nombre d’autres ,mais que son SEUL OBJECTIF, aux ordres des progressistes mondialistes ,est de « VENDRE » « ,CONFIER  » la gestion et les fonds de la sécurité sociale , agirc et arco aux américains ,comme il a vendu Alstom aux ricains ,Lafarge à la Suisse ,etc…etc.. il devient pressé de faire disparaître la France et la population regarde , ne sait plus réfléchir ,encore moins agir ,elle est là ,goguenarde ,et même insensible à la violence conjugale dans ce que nos politiques appellent le couple franco allemand ,les Allemands font ce qu’ils veulent de nous, à leur avantage depuis près de 70 ans , désolé ,j’ai sans doute pensé tout haut à moins que la liberté de penser et s’exprimer n’aient plus cours .

  3. En ce qui me concerne, au crépuscule d’une vie un peu particulière, voyant cette décadence lente mais continue depuis plus de 40 ans, je regarde cela avec une indifférence teintée de mépris .

  4. La différence entre un état totalitaire et un état providence n’est qu’une question de temps (Ayn Rand). Nous y sommes.
    La première mesure est d’abolir le monopole de la SS sur les assurances sociales (santé, vieillesse, chômage). ensuite pour les plus vieux qui le désirent versement d’un capital retraite. Pour les plus jeunes jusqu’à un certain âge passage au salaires complet : libre à eux de gérer leurs assurances sociales. Mais pour ça, il faut que les français deviennet libres dans leur tête (et responsables donc). En paratique abandonner le socialisme ; tout le mo,de s’efforce de vivre au dépens de l’état. Ce que tout le monde oublie, c’est que l’état vit au dépens de tout le monde (Frédéric Bastiat). Sinon le système qui vaille est la constitution d’un capital retraite versé sous forme de rente fonction de la durée et du montant des cotisation et de l’espérance devie à la retraite, calcul d’actuaire à la portée d’un terminale.
    Nous avions ce système depuis les années trente : il aété détruit par les lois Pétain Laval en 41-42 qui ont entériné la retraite par répartition votées par les socialo communistes et entérinées par le CNR : collabos un jour, collabos toujours.

    1. Content de voir qu’il reste des lecteurs de mes maîtres à penser, Ayn Rand et Frédéric Bastiat…

  5. On peut toujours croire à un débat démocratique sur la réforme des retraites mais le gouvernement borne/macron n’en veut pas. Comme d’habitude il feront selon leur bon vouloir et la plèbe s’exécutera sans broncher. Comme la chambre basse n’a mème plus de pouvoir consultatif et que la chambre haute et gangrénée par les sénateurs macrocompatibles soutiens de Pécresse tout passera « crème » comme disent les djeuns.

  6. les petits « gouverneurs » des syndicats eux n’ont aucun problème pour se faire payer leur journée de grève, ils sont classés membres « permanents », les salariés eux perdent une journée de salaire, et en plus pour se faire gazer à cause des blacks blocks, entité de gauche pour pourrir les manifs. Que penser des « pétroliers » qui font grève le jour des manifs, comment vont faire les gens pour faire le plein, grève des trains, bah les manifestants viendront à pieds, on se marre devant la déliquescence de la manif à tout pris, les syndicats feraient bien tout autant que les partis politiques de se battre pour que les gens retournent aux urnes.

  7. Quelques remarques sur cet excellent article, comme à l’habitude, de Stéphane Buffetaut.
    Les 35 heures, au lieu de partager le travail, ont eu pour effet de faire effectuer aux salariés en 35h ce qu’ils faisaient en 40h (ce qui explique pourquoi les salariés français sont parmi les plus productifs mais aussi les plus stressés) ou bien d’alourdir les charges des entreprises en leur faisant payer en heures supplémentaires les heures au-delà de 35.
    Plutôt que de fixer un âge légal il faudrait effectivement plutôt se baser sur une durée de cotisation à partir de laquelle le travailleur pourrait percevoir une retraite complète, par exemple 42 ans : de cette façon celui qui a commencé jeune, ce qui correspond en général aux travaux les plus pénibles, pourrait finir plus tôt (60 ans pour un début à 18, 62 pour un début à 20) et celui qui a commencé à 23 après 5 ans d’études supérieures, qui exerce plutôt un travail moins pénible, finir à 65.
    Enfin, par idéologie et par intérêt économique à courte vue, l’élément essentiel qu’est la démographie est volontairement oublié dans cette réforme avec l’absence en parallèle de toute politique familiale et la préférence donnée à une politique d’immigration destructrice de l’identité nationale ainsi que la promotion d’une culture de mort, refus de la vie et rejet des non-productifs, enfants et anciens.

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