[TRIBUNE] : La santé publique vient empiéter sur la médecine de terrain

Vaccin masque

Ainsi donc, le Premier ministre veut vacciner les enfants de 5 à 12 ans, sur le motif que les non-vaccinés, en l’occurrence sa fille de 11 ans, contaminent les vaccinés. Avec 80% de la population ayant reçu au moins une dose, une cinquième vague très forte, des études qui établissent clairement que le vaccin ne freine pas la contagiosité, une majorité des scientifiques qui admettent dorénavant que le vaccin n’a pas d’effet sur la transmission, le raisonnement laisse rêveur…

Le seul argument invocable pour cette élargissement vaccinal restant la protection personnelle, il convient d’identifier les vrais ressorts de cette frénésie de vaccination quasi-universelle. On s’arrêtera sur « l’étape d’avant », à savoir l’élargissement du vaccin à tous les 12-18 ans, particulièrement éclairante sur le nouveau paradigme de santé publique qui s’est installé.

Les constats. En France, de mars 2020 à mai 2021 (soit plus d’un an d’observation des 12-18 ans non-vaccinés), un seul jeune dans la tranche 12-18 ans est décédé du COVID sans facteur de risque identifié, et huit sont décédés avec des risques associés, soit neuf décès au total. Deux options de santé-publique auraient été possibles, en disposant du vaccin. L’option « classique » : vacciner la minorité de jeunes ayant des facteurs de risque identifiés, pour éviter le décès des huit porteurs de risques, c’est la vaccination dite ciblée et non obligatoire (consentement éclairé).

Ou la toute nouvelle option : vacciner intégralement tous les enfants de 12 à 18 ans pour sauver l’unique jeune inatteignable par la vaccination ciblée car sans facteur de risque identifiable : c’est la vaccination généralisée. Et quasi-obligatoire. C’est donc ce nouveau paradigme qui a été choisi en juin 2021, à savoir piquer six millions d’enfants de 12-18 ans, considérant qu’il y a peut-être parmi eux celui qui décéderait et qui serait donc sauvée. Mais pour être sûr de la sauver, l’efficacité du vaccin ne durant que six mois, il faut généraliser la vaccination « dans l’épaisseur du temps » en inoculant tous les six mois une première, deuxième, troisième, quatrième dose… On devine la mécanique infernale.

La première option a donc été délaissée, au nom du fait que ce « calcul » de santé publique accepte qu’il puisse y avoir dans la masse une personne sans risque identifiable (ou un très faible nombre) pouvant développer une forme grave, et qu’on n’aura pas protégé.

Pour comprendre la radicalité du changement d’attitude, il faut bien observer que ce calcul de « risque admissible », extrêmement courant en santé publique, irrigue d’innombrables situations de la vie publique. Pour exemples : on n’abolit pas la circulation automobile pour sauver tous les accidentés de la route ou les victimes des vapeurs de pot d’échappement. On cible les comportements dangereux ou les véhicules polluants. Le parapente reste autorisé, malgré des morts ou de lourdes séquelles : on admet le libre choix. La vaccination anti-méningite B est ciblée et non obligatoire chez les jeunes de 1 mois à 18 ans, malgré les trente morts annuels, l’effet de ce vaccin s’estompant au bout de six mois (ce qui rappelle quelque chose…). Etc… L’abandon de ce principe d’action ciblée corrélé à un risque acceptable nous expose à un corset d’actions protectrices sans fin…

La santé publique, jusqu’ici, gérait par ses actions de masse (vaccin par exemple) exclusivement les risques collectifs de grande ampleur. Et la médecine de terrain, elle, s’occupe de l’échelle des individus. La santé publique vient empiéter dorénavant sur cette médecine de terrain, en préemptant l’action sur ces cibles individuelles, ce qu’elle fait mal car elle agit à l’aveugle sur tout le collectif, sans discrimination et au prix de nos libertés. C’est un changement politique majeur. Nous sommes très loin d’une politique du bien commun, d’une action publique proportionnée au risque collectif. La disproportion dans l’intérêt à agir, effets secondaires non compris, est caricaturale pour cette tranche d’âge, mais l’est à peine moins pour les 18-40 ans, dont peu de personnes décèdent. En attendant les 5-12 ans. À quand les bébés ?

Jean-Michel Pradel
Jean-Michel Pradel
Professionnel de santé publique

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