Syrie : et si Trump avait appuyé trop vite sur le bouton ?

On peut comprendre que Donald Trump ait ressenti de l'émotion à la vue de ces petits corps tués par du gaz sarin. Mais n'a-t-il pas agi trop vite en déclenchant le feu de ses Tomahawk sur l'aéroport militaire syrien de Shayrat ? Ne s'est-il pas ainsi contredit de sa volonté de ne plus laisser l'Amérique jouer au gendarme du monde ? N'a-t-il pas enfreint un peu trop à la légère, sous le coup de sa sensibilité, la souveraineté d'un pays dont il défendait le président quelques jours auparavant ?

On peut craindre le pire, s'il lui prenait une envie de riposte ou de vengeance en déclenchant le feu nucléaire dont il est le seul à posséder la clef ! Qu'il ait réagi ainsi, avec le soutien de Merkel et de Hollande, mais avec la désapprobation totale de Poutine, pourrait être pardonnable s'il était assuré que c'est bien l'aviation syrienne qui a bombardé la ville de Khan Cheikhoun avec des armes chimiques.

Mais rien ne le prouve, si ce n'est la parole de deux organisations dont l'historique confirme qu'elles sont un soutien sans faille à la rébellion, et donc aux rebelles terroristes : les « Casques blancs » et l'OSDH ( Observatoire syrien des droits de l'homme), dont le but est de détrôner Assad.

Damas et Moscou contredisent, bien entendu, la version des rebelles qu'ont entérinée avec la rapidité d'un éclair Washington, Paris et Berlin. Le ministère des Affaires étrangères russe a, en effet, relaté que le 4 avril, l'aviation syrienne avait frappé un entrepôt terroriste abritant des substances toxiques près de la ville de Khan Cheikhoun. Si cet entrepôt ne contenait aucune arme chimique, le monde n'aurait pas manifesté son émotion.

Mais tout le monde oublie un peu trop vite que ce sont les terroristes dits « rebelles » qui possèdent de telles armes. Celles du régime ont été détruites et ont fini leur carrière dans la Méditerranée en 2013, sous le contrôle de l'OIAC. De telles armes sous forme de bonbonnes de gaz ont été retrouvées abondamment dans les ruines d'Alep-Est et ont été utilisées encore ce vendredi, selon Abdul Satar Al Abu, maire de Mossoul, dans cette ville d'Irak, contre la population civile, sans que cela émeuve ni Trump ni la presse. Et à qui va profiter ce bombardement US détruisant l'une des bases stratégiques que l'aviation de Bachar utilise contre Daech ? Eh bien, oui, Trump vient de faire sa première grande erreur internationale : il va permettre aux djihadistes de tous bords, et en premier lieu à l’État islamique, de regagner du terrain si chèrement acquis par Assad et la coalition.

Sac de nœuds ou nid de vipères, la Syrie n'en a pas fini de souffrir. Merci Donald Trump que, hier encore, nous pouvions trouver être notre réconfort. Comme le déplora avec intelligence Thierry Mariani, qui s'est rendu plusieurs fois en Syrie cette année, "il faudrait mener une enquête et déterminer le véritable coupable. Je m’attendais plus à cela d’Hillary Clinton que de Donald Trump."

"C'est une agression contre l'armée et l’État syriens, en violation du droit international et de la charte de l'ONU", a déclaré le politologue syrien Taleb Ibrahim. Une agression réalisée à la va-vite, sans aucune preuve. "Des échantillons de sol ont été prélevés et transmis à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques", a affirmé Maria Zakharova, porte-parole du ministre des Affaires étrangères de Russie. Ce gaz serait arrivé de Turquie. Assad a, quant à lui, affirmé qu'il n'avait aucun intérêt à tuer d'une manière aussi horrible son peuple, mais ses paroles sont-elles audibles par la presse ?

Une fois de plus, il faut se poser la question de savoir à qui profite le crime !

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 10/09/2024 à 10:14.
Floris de Bonneville
Floris de Bonneville
Journaliste - Ancien directeur des rédactions de l’Agence Gamma

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