« Strasbourg mon amour » : aimer comme Goethe en Alsace

GOETHE

Chaque année, la ville de Strasbourg s’autoproclame « capitale de l’amour », à l’occasion de la Saint-Valentin, en ignorant assez étonnamment une célèbre histoire d’amour que l’on connaît à peine sous nos latitudes, mais qui a fait le tour du monde : l’idylle de Goethe et de Friederike Brion, la fille du pasteur de Sessenheim, une idylle au moins aussi romantique que celle de Roméo et Juliette. Seulement voilà : que ce soit pour la tarte flambée ou les histoires d’amour, l’Alsace ne sait pas se vendre ! Résultat : la pizza italienne a supplanté la tarte flambée dans le monde entier et les amants de Vérone ont éclipsé nos amoureux de Sessenheim.

Et pourtant ! On accourt du monde entier dans ce petit village d’Alsace, d’Allemagne bien sûr, mais aussi du Japon ou d’Australie, pour se mettre sur les pas de nos deux tourtereaux qui ont roucoulé à l’ombre du tumulus qui se trouve à l’entrée du village. On vient même se marier dans l’église de Sessenheim, que nos amoureux transis fréquentaient assidûment, avant d’aller batifoler dans les bois des alentours… « Lieben wie Goethe im Elsass ! » (« Aimer comme Goethe en Alsace ! »)

Petit rappel historique : par un beau jour d’avril de l’an 1770, Goethe arrive à Strasbourg « pour voir comment vivent les Français et étudier cette langue ». Mais notre étudiant Erasmus avant la lettre, quand il ne s’enivrait pas de riesling sur la plate-forme de la cathédrale, parcourait plus volontiers la campagne alsacienne à cheval où le jeune Goethe tomba amoureux de Friederike, la plus jeune des filles du pasteur de Sessenheim. « Elle tenait à la fois de la paysanne et de la citadine. Élancée et légère, elle marchait comme si elle n’avait rien eu à porter, et son cou paraissait presque trop faible pour les grosses tresses blondes de sa tête charmante. »

Friederike, la « rose de la lande », ne se posait pas de questions, elle admirait le poète qui lui troussait de si jolis vers : « Tu étais là, lui disait-il, devant mes yeux, une douce joie m’inondait, émanant de ton tendre regard. Un printemps couleur de roses éclairait ton charmant visage, et tu m’offrais la tendresse ô Dieux ! Je ne la méritais pas. » Le jeune Goethe ne croyait pas si bien dire : le charme campagnard de la jeune fille s’estompera cruellement dans les salons de la bonne société strasbourgeoise où l’on « s’habillait à la française » alors que Friederike et sa sœur étaient « les seules à se vêtir à l’allemande »

Et lorsque la bise fut venue, notre amoureux transi décida de mettre un terme à leur relation. Goethe délaissa les bras de Friederike, fixa dans sa mémoire la souffrance indicible de sa bien-aimée : « Et tu me suivis du regard, les larmes aux yeux. Et pourtant quel bonheur d’être aimé ! Et d’aimer, ô Dieux, quel bonheur ! »

Les histoires d’amour finissent mal en général : Frédérique ne s’en remettra jamais et mourra de chagrin. Sur sa tombe, elle fera graver que le rayonnement du poète lui avait accordé l’immortalité… Lieben wie Goethe im Elsass. L’idylle de Sessenheim vaut bien celle de Vérone, mais cette année, encore, on n’a rien fait pour la faire connaître. Est-ce son caractère trop « germanique » qui fait que les autorités politico-culturelles de notre région ne l’ont jamais mise en valeur ? De peur qu’on ne les prenne pour des Boches, peut-être ?

José Meidinger
José Meidinger
Journaliste - Ancien grand reporter à France 3 Alsace, il passe son temps entre l’Alsace et la Grèce.

Vos commentaires

2 commentaires

  1. Les signes de l’ignorance abyssale des Français de leur propre histoire sont devenus innombrables et ça explique ou ça exprime l’état de la société actuelle : Lyon est la patrie de Philibert de l’Orme qui s’est revendiqué Lyonnais sur la page de titre de ce qui est le premier traité d’architecture français, mais il a été impossible d’y intéresser qui que ce soit et la ville se glorifie d’un mur peint (genre très à la mode il y a trente ans) dédié aux Lyonnais célèbres, sur lequel il ne figure pas, mais où pose en évidence Verrazano sur le prétexte qu’il aurait assuré un de ses bateaux à Lyon. New York, c’est plus chic. Aucun Lyonnais ne peut envisager qu’on vient de New York à Lyon uniquement pour Philibert de l’Orme. Et le seul témoignage lyonnais de son talent dans le désormais célèbre « vieux Lyon » a été transformé en logement social.

  2. Il faut bien distinguer l’Alsace catholique de l’Elsass protestante qui accueillit les nazis « libérateurs », et donc cette historiette de Goethe doit bien être appréciée par une bonne moitié de la population, sans compter qu’il n’est pas nécessaire d’être nazi pour cela, seulement cultivé et non-wokiste.

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