Il semble si facile d’établir des statistiques de pauvres hères… pourquoi ne pas étendre le procédé aux allochtones ?
Si le maire de la capitale, Anne Hidalgo (autre drame de Paris, n’ayant pas moins dignement relevé le flambeau de l’exaspérante médiocrité boboïsée du socialisme municipal légué par son prédécesseur, Bertrand Delanoë), recense, à grands renforts de communication médiatique, les clochards, mendiants et autres sans-abri (que le novlangue cache pudiquement derrière l’euphémistique acronyme de SDF), c’est plus discrètement et avec l’énergique constance de l’incurie qu’elle continue de laisser galoper les rats qui ont envahi la ville.
Les 15 et 16 février derniers, environ 1.700 Parisiens bénévoles ont battu les pavés des rues parisiennes lors de la première Nuit de la solidarité – après les festives et diversitaires Nuits blanches et autres Nuits du ramadan dont la municipalité est si friande depuis quelques années. Objectif de ces maraudes forcément citoyennes – certaines de ses bonnes âmes étaient même titulaires de la carte « Citoyen », si, si ! – recenser toutes les cloches de Paris dormant à la belle étoile et tentant de survivre dans la précarité la plus sordide, entre bagarres de rue, agressions multiples, promiscuité des centres d’accueil, maladies, etc.
Nos charitables écumeurs des rues devaient repérer les individus et recueillir les informations qu’ils voudraient bien livrer, moyennant un biscuit, « un peu de chaleur humaine » et l’inébranlable bonne conscience du devoir accompli, puisqu’à une heure du matin, tout ce joli monde bien propret devait avoir docilement regagné ses pénates douillettes et confortables.
Les premiers résultats de ces folles nuits altruistes ont été présentés urbi et orbi ce mercredi matin par Anne Hidalgo, fière d’annoncer que croupissaient dans les rues de la capitale pas moins de 2.952 SDF (parmi eux, 2.025 créchaient effectivement sur les trottoirs et 738 ont été recensés par la RATP, la SNCF, Vinci et AP-HP).
L’on nous permettra d’émettre quelques sérieuses réserves sur la fiabilité de ces chiffres, s’agissant d’une population par nature mobile et sans adresse, toujours en quête d’un endroit plus sûr et plus chaud que celui occupé la nuit précédente. Les questionnaires ont été remplis sous le sceau de l’anonymat, ce qui empêche, littéralement, toute traçabilité des intéressés réduits aux acquêts d’une statistique aveugle et impersonnelle.
De plus, consignes strictes avaient été données de ne pas réveiller les vagabonds trouvés endormis et dont on ne saura pas s’ils étaient tout simplement en train de cuver au sortir d’une soirée un peu trop arrosée ou de réels sans-abri. Bref, dans une société qui s’accommode de plus de huit millions de pauvres, ces presque trois mille misérables font figure de ridicule échantillonnage sous-évalué, l’Observatoire des inégalités considérant que les deux tiers des personnes dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté (fixé à 60 % du niveau de vie médian, attendu que beaucoup de pauvres peuvent disposer d’un niveau de vie très inférieur encore) vivent dans les grands pôles urbains.
Certes, la mairie de Paris avait pris soin de souligner la dimension expérimentale de l’opération comme pour se dédouaner, par avance, du caractère artificiel de ce qui s’apparente à une savante opération de communication bien huilée garantissant à Mme le maire un bonus de sympathie et de bienveillance.
Mais doit-on, pour autant, se laisser duper par ce sirupeux spectacle du bien ? L’on se souvient que Mme Hidalgo n’avait pas démontré un tel activisme politico-médiatique lorsqu’il s’est agi de faire évacuer (pour la troisième fois !) les quelque 350 Roms de l’ancienne voie de chemin de fer de la petite ceinture, dans le XVIIIe arrondissement de Paris.
Mais peut-être y a-t-il urgence à vider nos nécessiteux en haillons des rues passantes de la capitale, lors même que se profilent à grands pas les Jeux olympiques de 2024 ? À moins que ce ne soient ces malheureux qui attirent les millions de rongeurs jaillis des entrailles de la ville ? La municipalité promet de reconduire ces maraudes l’an prochain. Il est vrai qu’il y a du boulot.
Au fait, puisqu’il semble si facile d’établir in vivo des statistiques de pauvres hères, pourquoi ne pas étendre le procédé aux allochtones toujours plus nombreux qui s’invitent si gentiment dans notre pays ? Et à nos frais !
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