La Russie n’en a pas fini avec l’islamisme

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On a parfois tendance à l’oublier : la Russie est confrontée, comme la France, au terrorisme islamiste. Elle a même subi des attentats encore plus meurtriers que celui du Bataclan. Deux conflits ethno-religieux l’ont ensanglantée au cours des dernières décennies : l’Afghanistan puis la Tchétchénie. Avec une précision métronomique, les islamistes russes, souvent issus d’Asie centrale, attaquent à intervalles réguliers le pays des tsars.

En 2002, un commando tchétchène prenait en otages les spectateurs du théâtre de la Doubrovka, à Moscou. Suite à l’assaut des forces spéciales, plus de 130 personnes trouvaient la mort. L’année suivante, deux femmes kamikazes causaient la mort de quinze jeunes gens qui assistaient à un concert du rock, toujours à Moscou. Tout juste un an après, la Russie subissait trois attentats majeurs (métro de Moscou, prise d’otages de l’école de Beslan et détournement de deux avions après que deux femmes islamistes eurent soudoyé les personnels de sécurité), faisant un total de 461 victimes. Et quantité d'autres attentats qu'il me serait impossible d'énumérer de manière exhaustive dans ce billet. Plus récemment, en 2013, le pays était touché à deux reprises à Volgograd puis deux autres fois dans le Daghestan. Depuis, plus rien, jusqu'à ce mois de mars, date à laquelle un Kirghize de 23 ans assassinait 14 innocents dans le métro de Saint-Pétersbourg, lieu hautement symbolique.

Si les données ne sont pas précises, on estime la proportion de musulmans présents en Russie comprise entre 13 et 15 % de la population globale, soit environ 19 à 22 millions de personnes. Autre élément intéressant : de nombreux russophones combattent dans les rangs de l’État islamique. Ils seraient 3.000 selon le FSB, mais certaines sources affirment que leur nombre serait plus proche de 5.000. C’est colossal. On dit même que le russe est la deuxième langue la plus pratiquée dans les zones de combat djihadiste au Moyen-Orient. Abou Omar al-Chichani, dit Omar le Tchétchène, rendu célèbre par la rousseur de sa barbe, en était l’un des membres les plus éminents. Ce Géorgien s’est d’abord illustré dans sa lutte contre la Russie, avant de devenir l’un des chefs militaires de l’État islamique. Mort au combat, sa figure est adulée.

La Russie est engagée depuis plus de trente ans dans une guerre qui l’oppose à l’islam de combat, réveillé au milieu des années 1970. Dans le Caucase, certains musulmans revanchards entendent constituer un califat. Une menace qui est aujourd’hui prise très au sérieux par Moscou. Comme quelques observateurs l’ont noté, la Russie sait qu’en Syrie se joue une sorte de conflit tchétchène fantôme. Il serait faux d’affirmer que les deux guerres sont similaires. Toutefois, elles partagent des acteurs communs : les réseaux djihadistes internationaux. Au sein de cette mosaïque complexe de micro-républiques qu’est le Caucase, des organisations ressemblant étrangement à l’État islamique se sont constituées dès le milieu des années 2000. Citons, notamment, l’émirat du Caucase, responsable direct de plusieurs attentats, qui a prêté allégeance à l’État islamique en juin 2015.

Tout comme nous, les Russes doivent affronter un islam militarisé et nihiliste. Autre similitude : ces islamistes sont issus de territoires impériaux ayant développé, avec le temps, de farouches velléités indépendantistes. Les peuples qui y vivent nourrissent une rancœur à l’égard de l’ex-URSS et de la Russie historique. Preuve, aussi, que, face à des individus aussi déterminés, il faut se préparer à une longue guerre. Ce qui est valable pour la Russie le sera aussi malheureusement pour la France, compte tenu des liens importants qu’elle entretient avec ses anciennes colonies, qui fournissent l’essentiel des bataillons islamistes prêts à nous frapper sur notre sol. Après quatre ans d'un calme tout relatif, la Russie renoue avec un passé que nous aurions préféré oublier...

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 20:14.

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