Robert Ménard : « Je préfère 20 ans d’Emmanuel Macron à 6 mois de M. Mélenchon »

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Très inquiet de la montée de l'extrême gauche, cette « aventure dangereuse pour la France incarnée par Jean-Luc Mélenchon et ses nouveaux alliés », Robert Ménard plaide pour l'union avec les macronistes, avec lesquels il ne cache pas des désaccords, contre l'extrême gauche. Le maire de Béziers répond aussi aux rumeurs qui circulent sur ses ambitions de ministre : « Pourquoi faire et avec qui ? », interroge-t-il. Entretien exclusif avec Boulevard Voltaire.

Marc Eynaud : Marine Le Pen a lancé, hier, la bataille des législatives. Mènerez-vous cette bataille dans son camp ?

Robert Ménard : Je mènerai la bataille à Béziers autour d’Emmanuelle Ménard, mon épouse, qui est candidate et qui n’est soutenue par aucun parti. Je précise qu’il n’y aura pas de candidat du Rassemblement national face à elle. C’est la seule chose qui m’intéresse. Je ne suis pas dans un parti et tout le monde sait pour qui j’ai voté au premier et au second tours, c’est-à-dire pour Marine Le Pen. Maintenant, c’est l’affaire de son parti et ce n’est plus la mienne.

M. E : Visiblement, Emmanuelle Ménard aura face à elle un candidat Reconquête, la formation d’Éric Zemmour. Cela vous étonne-t-il ?

R. M : Je ne sais pas quoi en dire. Cela n’a pas beaucoup d’importance. Ce sont des petites vengeances. Si la politique est guidée par des petites vengeances, on n’est pas près de se soucier du sort de la France.

M. E : Dans vos prises de position, et notamment ce matin sur RMC, vous avez étrillé La France insoumise et son programme. D’après vous, Marine Le Pen lorgne-t-elle sur l’électorat de La France insoumise et pourquoi ?

R. M : La nouvelle alliance de gauche, Union populaire, est une plate-forme bâtie sur un réflexe anti-européen et sur un communautarisme dont on sait qu’il a conduit M. Mélenchon à aller manifester à côté de gens qui criaient Allah akbar. C’est cela, la réalité, et c’est à cela que s’est associé l’ensemble des partis de gauche. Je n’ai jamais confondu la gauche sociale-démocrate avec cette extrême gauche dangereuse. Je pense que c’est un combat prioritaire. Il ne faudrait pas, sous prétexte qu’un certain nombre de gens votent M. Mélenchon sur un certain nombre d’autres domaines, oublier cela. C’est la pire des choses qui puisse nous arriver. Je ne parle pas de notre camp politique, mais de la France. Je pense qu’il faut le dire. Lorsque Marine Le Pen dit certaines choses, la moitié de la classe politique et la moitié des médias l’accusent de tous les noms d’oiseaux. Et là, avez-vous entendu certaines personnes s’étonner qu’il n’y ait pas un mot sur l’Ukraine en pleine guerre dans un texte signé par toute la gauche ?
Pas un mot, comme si c’était acceptable. Ce n’est pas acceptable !

M. E : D’après vous, l’erreur de Marine Le Pen serait-elle de vouloir apporter trop d’importance à cette grille de lecture qui opposerait le bloc populaire au bloc mondialiste ?

R. M : Je sais que les états-majors de cette gauche-là ne feront jamais un pas vers nous. Avez-vous vu la campagne à laquelle nous avons assisté entre les deux tours ? On avait de nouveau l’impression que ces mêmes personnes nous expliquaient que Marine Le Pen était raciste, xénophobe et antisémite. Ce sont des injures dégueulasses parce que ce n’est évidemment pas vrai.
Je ne suis pas d’accord avec un certain nombre de choses que dit Marine Le Pen, mais oser la traiter de raciste est une ignoble et inacceptable injure.
Aujourd’hui, nous avons face à nous un bloc de gauche qui est la pire des choses qui puisse arriver à ce pays. Encore une fois, je préfère vingt ans d’Emmanuel Macron à six mois de M. Mélenchon.

M. E : Finalement, votre alliance idéale serait une sorte de tandem Macron-Le Pen ?

R. M : C’est surtout des démocrates et ceux qui ne sont pas. L’attitude de la gauche et la base sur laquelle elle s’est entourée m’inquiètent parce qu’elle est profondément anti-européenne, au moment où un pays comme l’Ukraine est envahi. Ce pays réclame à cor et à cri de faire partie de l’Europe. À ce moment-là, on choisit son camp. Mon camp est de ceux qui sont des démocrates, des socio-démocrates, des centristes, la droite responsable dont je me flatte d’être. Tout ce bloc-là doit s’opposer à une aventure dangereuse pour la France incarnée par M. Mélenchon et ses nouveaux alliés.

M. E : Considérez-vous que vous avez évolué, politiquement ? Finalement, ce que vous appelez de vos vœux, c’est une union des droites. La grille de lecture que vous semblez privilégier est finalement celle de l’union des droites qu’a portée Éric Zemmour pendant la campagne présidentielle.

R. M : Non, parce qu’Éric Zemmour l’a portée autour de thèmes et d’une rhétorique qui excluaient tout un tas de gens. Aujourd’hui, les gens ont besoin d’être rassurés. J’ai de profonds désaccords avec le chef de l’État. Je pense aux questions de l’immigration incontrôlée, de l’insécurité, de l’école, de l’abandon des plus faibles et des plus démunis, de l’oubli de toute une partie de la France, des villes moyennes et des campagnes. Mais cela ne m’empêche pas de dire que, malgré ces désaccords, le chef de l’État n’est pas mon ennemi. Je sens aujourd’hui M. Mélenchon et la plate-forme sur laquelle il a réuni la gauche comme un danger pour la France que j’aime.

M. E : On vous prête une ambition de ministre. On a même lu dans un journal que vous auriez frappé à la porte de Matignon. Qu’en est-il, en réalité ?

R. M : Que voulez-vous que je vous dise. Dès qu’on est dans le jeu politique, et malheureusement j’y suis, le moindre propos qui ne soit pas manichéen, il y a toujours un certain nombre de gens qui parlent de trahison ou que sais-je encore… Je n’ai plus envie de cela. J’ai juste envie de défendre mon pays avec tous ceux qui sont prêts à le défendre. Je suis prêt à faire des compromis avec tout un tas de gens, même si je ne suis pas d'accord avec eux. Je viens de le montrer - pardon de le rappeler à vos lecteurs - en étant le seul homme politique qui a appelé à voter pour Marine Le Pen au premier tour et au second tour et qui ne soit pas au Rassemblement national. Mes amis ou mes ex-amis peuvent garder leur leçon de morale.

M. E : Avez-vous perdu des amis, pendant cette période ?

R. M : J’ai perdu des gens ou manifestement c’était un malentendu. Je ne suis pas quelqu’un qui pense qu’il faut sortir de l’Europe. Non je ne suis pas quelqu’un qui pense que l’euro est un vrai problème. Non, je ne suis pas quelqu’un qui pense que la France peut s’en sortir toute seule.
C’est aimer mon pays qui me conduit à dire tout cela. Je n’ai aucun intérêt à défendre. Je suis maire de Béziers et je suis heureux comme maire de Béziers.

M. E : Vous avez beau être maire de Béziers, votre parole porte au niveau national. Si le Premier ministre d’Emmanuel Macron vous le demandait, seriez-vous prêt à prendre un portefeuille de ministre dans le quinquennat qui s’ouvre ?

R. M : Comme toujours, la question est pour quoi faire ? Et avec qui ?

 

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Marc Eynaud
Journaliste à BV

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