Retraite par points : la misère en perspective

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C'est peut-être la réforme la plus radicale d'Emmanuel Macron : l'institution d'un régime universel de retraites par points. Et, curieusement, dans un pays réputé conservateur et adepte des polémiques, cette réforme semble faire son bonhomme de chemin tranquillement, poussée par le tout aussi bonhomme Jean-Paul Delevoye. L'emballage égalité-universalité-simplicité et le slogan bébête "pour qu'un euro cotisé rapporte la même chose à tous" semblent avoir tué tout esprit critique. Est-ce justement sa radicalité qui lui vaut un attentisme plutôt positif des Français ? Ou le fait qu'ils aient la tête ailleurs, dans le budget carburant par exemple ? Or, cette retraite par points pourrait leur coûter bien plus cher que les pleins de cet hiver et faire de leur retraite un grand soir très froid...

Heureusement, un économiste vient de tirer la sonnette d'alarme pour arracher les Français à cette indifférence dans laquelle MM. Macron et Philippe aimeraient les maintenir. Car cette réforme sera redoutable pour les futurs retraités en les condamnant à la paupérisation.

Dans Les Échos, Christian Saint-Étienne, professeur d'économie au CNAM, démasque l'objectif véritable de cette réforme :

« Le but réel du régime de retraite par points est de baisser les retraites sans le dire et en faisant sauter tous les systèmes de solidarité inclus dans le système actuel. »

Et il précise le rôle du fameux « point » dans cette stratégie de laminage des retraites :

« La valeur du point peut baisser aussi bien que monter : compte tenu de l'état de l'économie française, il aura tendance à baisser, y compris une fois que vous êtes déjà parti à la retraite, car il sera calculé chaque année. »

La réforme sera aussi un moyen de rayer les avantages pour enfants qui, pour les parents de famille nombreuse, constituaient une compensation pour les années d'arrêt et, désormais, pour les années de décote.

Loin d'ignorer les contraintes financières et de prôner le statu quo, Christian Saint-Etienne propose une certaine convergence des régimes existants en continuant à jouer sur les durées de cotisation et l'âge de départ, tout en maintenant trois systèmes différents : "le premier pour la totalité du secteur privé hors indépendants, le deuxième pour les indépendants et le troisième pour le secteur public". On ne voit pas pourquoi, en effet, à situations différentes, on ne devrait pas maintenir des systèmes différents, et les arguments qu'il avance sont convaincants.

Par ailleurs, Christian Saint-Étienne a perçu tout ce que peut avoir d'anxiogène cette incertitude sur l'avenir des retraites et de leur montant :

« La vérité au sein d'un régime paramétré rénové est infiniment préférable à la variabilité d'un régime à points qui prépare un appauvrissement spectaculaire des classes populaires à terme. »

Son titre affichait aussi l'enjeu : "La retraite par points : un désastre annoncé."

Désormais, la question est de savoir si le désastre annoncé, ce sera pour les Français condamnés à une retraite calculée dans cette nouvelle monnaie de singe que sera le « point » ou pour Emmanuel Macron, le liquidateur historique de leurs retraites. Il paraît que le gouvernement a décidé de repousser la présentation de cette réforme après les élections européennes. Une raison de plus pour voter en mai prochain.

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

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