Mehdi Meklat, c’est ce gentil jeune homme longtemps fêté par le Tout-Paris des arts et des lettres, dont on s'est aperçu qu'il avait écrit, de 2011 à 2015, sous le pseudonyme très jambon-beurre de Marcelin Deschamps, des milliers de tweets tellement lyriques que même aux Inrockuptibles on en a été gêné ("Nique sa mère les Français", "Venez, on enfonce un violon dans le c** de madame Valls", "Ampoules brûlantes dans le c** de Brigitte Bardot", "Faites entrer Hitler pour tuer les juifs", etc.). Cette révélation, l'an dernier, a contraint le gentil jeune homme au silence.

Or, aujourd'hui, boum ! le revoilà : cette fois, il a quitté l’aphorisme pour le fabliau. Notre Rubempré raconte, sur Facebook, l’histoire de trois cinéphiles agressés par une dame qui les insulte pour des raisons que la raison ignore ; c’est une histoire vraie.

Alors, voilà : Ryan, Moussa et Mehdi vont au cinéma, un mercredi soir. "Nous nous installons au dernier rang, comme on s’installerait au fond de la classe." Une dame s’assoit à côté d’eux. "Nous rions d’une blague, raconte Mehdi, avant que le film commence." Certainement ont-ils ri, une seule fois, avec discrétion, sans crier ni se taper bruyamment sur les cuisses en mettant en doute la moralité des mères de chacun. Or, voilà que la dame, inexplicablement, en vient à tenir ces propos d’une violence inouïe : "Oh ! Toujours les mêmes ! Ils se croient dans leur HLM !" Mehdi et ses amis, bouleversés mais pleins de sagesse, choisissent d’ignorer l’agression : "Ses insultes glissent sur nous : nous avons pris l’habitude d’en entendre, des comme ça !" Nous, jamais.

Au bout d’une heure, toujours inexplicablement, la dame se lève et sort brusquement de la salle, en criant : "Oh ! À cause de ces trucs, là !" Et Mehdi de commenter : "Nous comprenons que “ces trucs”, c’est nous !" Eh oui : il est de plus en plus courant, au cinéma, de voir les dames sortir sans raison de la salle en traitant leurs voisins de "trucs". Mais, contrairement à nous, Mehdi et ses amis ont l’habitude de ces agressions. "Nous essayons de l’ignorer une nouvelle fois." Sans doute n’ont-ils pas fait qu’"essayer", sans doute ont-ils réussi. D’ailleurs, ajoute Mehdi, c’est cette femme qui dérange les autres spectateurs en criant et en sortant sans raison.

Cependant, un agent de sécurité, alerté par la spectatrice, vient demander aux trois poètes "de baisser [leurs] pieds, posés contre les sièges » et « de sortir [leurs] billets". Les amis sont abasourdis : "Nous avons l’impression d’un contrôle d’identité." On ne sait trop pourquoi, un autre agent vient en renfort et invite les cinéphiles à quitter la salle. Mehdi explique alors posément aux agents, sans doute favorablement impressionnés, que ses amis et lui viennent d’être victimes d’une agression caractérisée, mais qu’ils ont décidé de passer outre : "Nous avons l’habitude de cela, monsieur ! Nous préférons ne pas prêter attention !" Et puis, révolté et n’y tenant plus, il s’écrie : "C’est du racisme !" Les garçons sont "au bord des larmes, humiliés", car "c’est cela la double peine : se faire insulter par une dame et être expulsés de la séance".

On ne dira jamais assez le drame de l’amateur de cinéma, injurié par des dames insensibles à son humour, à son savoir-vivre. Dieu merci, Mehdi Meklat est là pour le rappeler. Pascale Clark, son ancien employeur, ne rappelait-elle pas elle-même que ce garçon, dans son travail, "ne fut que poésie, intelligence et humanité" ?

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07 janvier 2018 à 17:35

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