Restaurants clandestins : Marlène Schiappa s’en prend aux « obscurantistes »…

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La clandestinité ! Grand ou petit, le frisson est souvent au rendez-vous. Il y a la noble et terrible clandestinité, si bien décrite dans le film L’Armée des ombres. Luc Jardie, intellectuel éminent, vivant emmitouflé dans son appartement parisien de grand bourgeois, est en fait un ponte de la Résistance : magnifiquement campé par Paul Meurisse. Philippe Gerbier, incarné par Lino Ventura, connaît, lui, la prison, l’évasion, la longue planque de la bête traquée dans une baraque perdue au fin fond d’une campagne. Le parfum de la clandestinité peut sentir la sueur et le tabac froid.

Il y a aussi une clandestinité plus médiocre, passagère, pour la beauté du geste, la recherche, justement, d'un petit frisson ou, plus prosaïquement, parce qu’il faut bien manger et prendre des risques pour gagner son pain. C’est le couple Gabin-Bourvil dans La Traversée de Paris. Se planquer dans l’embrasure d’une porte cochère quand passe la patrouille vous rappelle les parties de cache-cache enfantines. La clandestinité sent aussi le marché noir, les saucissons qui pendent dans la cave.

Et puis, il y a une clandestinité qui répond à d’autres instincts : le besoin d’alcool et du reste qui va avec. Genre « cette p’tite taule de Biénona pas très loin de Saïgon… les volets rouges » évoquée par Bernard Blier dans Les Tontons flingueurs. En France, cela pouvait porter de jolis noms, jusque dans les années 80, comme Le Poteau, Le Bilitis, Le Bambi, L’Écrin…

Avec l’arrivée de l’Internet à tous les étages (bref, le confort moderne), la clandestinité se vit différemment, aujourd’hui. Du reste, peut-on encore vivre clandestinement, sauf à renoncer à avoir un téléphone portable et une carte bleue ? En ces temps de confinement-déconfinement-reconfinement-couvre-feu, il semblerait pourtant que certains s’y essayent. Pas pour faire de la résistance à Papy Castex ni pour aller acheter du quinoa à l’autre bout de Paris : les magasins de première nécessité ne manquent de rien et l’on a échappé aux tickets de rationnement que certains nous prédisaient l’an passé lors du grand confinement. Ni même, encore, pour rechercher le grand frisson auprès d’une Lulu la Nantaise de retour sur ses terres métropolitaines. Non, tout simplement pour « se faire des bouffes au restau ».

Il est vrai que l’Internet peut suppléer à bien des choses, mais pas à l’absence du plaisir de la table. Ce plaisir tel qu’on le conçoit encore un peu en France, c’est-à-dire avec des convives autour d’une table bien mise, des mets bien préparés et des « vins fins », comme on disait jadis. Les restaurants sont fermés pour les raisons que l’on sait, mais M6 nous apprend qu’on se taperait la cloche dans le Gross Paris de 2021. L’eau nous est mise à la bouche : « Caviar, champagne, menus de grands chefs et retrait du masque obligatoire… Nos journalistes ont pu pénétrer dans ces fêtes clandestines de haut standing qui se tiennent actuellement à Paris. »

Du coup, la machine à fantasmes s’enclenche et on se prend à imaginer des farandoles endiablées d’hommes en smoking et femmes en petites tenues (l’inverse est possible) inspirées de Papy fait de la résistance. Il y aurait même des ministres ! C’est une voix en off qui le dit dans ce petit reportage qui fait le tour des réseaux sociaux. Et là, ça craint ! C'est la machine à polémique qui redémarre. Comme la chenille. Bruno Le Maire, qui est un garçon bien sage et doit rentrer à l’heure à la maison, sauf raisons professionnelles, n'y croit pas. « Je serais curieux que ce restaurateur donne les noms des ministres. » Nous aussi.

Marlène Schiappa, elle, n’y va pas par quatre chemins : « Si des ministres ou des députés ont enfreint des règles, il faut qu’ils aient des amendes et qu’ils soient pénalisés comme n’importe quel citoyen. » On pourrait même imaginer que les ministres soient virés, histoire de faire un exemple, non ? Cela n'engagerait à rien de le dire, puisqu’aucun ministre n’a pu participer à ce genre de bacchanales. Titillée par un tweetos sur ce point, le ministre a répondu que la démission « va de soi ». C'est mieux, précisé ainsi.

On notera la qualification apposée par Marlène Schiappa aux participants de ces agapes clandestines : « obscurantistes ». Ce n’est pas le mot qui nous serait venu tout de suite à l’esprit. Mais bon, le ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur a peut-être des informations que nous (n’importe quel citoyen ») n’avons pas.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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