Remplacement de l’émission « D’art d’art » par une émission consacrée à l’art contemporain africain : allons au bout de la logique

adèle van reeth

Il était temps que cela cesse. Voilà dix-huit ans que l'émission « D'art d'art » permettait aux téléspectateurs de France Télévisions, dans un format court d'1 min 15 s, de découvrir une œuvre d'art et de se la voir expliquer intelligemment. Ce fut d'abord Frédéric Taddeï. Taddeï, vous savez, ce dandy « fasciste » qui permettait à différents points de vue de s'exprimer (dans « Ce soir (ou jamais !) »). Comme on pouvait s'y attendre, il est parti sur RT, la chaîne de la bête immonde, vendre ses idées rances sur la liberté d'expression. Bon débarras pour le service public, qui ne supporte guère l'élégance ni la liberté.

L'élégante (elle aussi) Adèle Van Reeth avait pris la suite en 2018 : vulgarisation artistique, intelligence et respect du public, mais surtout - horresco referens - tropisme occidental... Comment Delphine Ernotte ne s'était-elle pas aperçue de cette survivance archaïque ?

Une nouvelle émission débarquera sur les ondes fin février, « Ouh là l'art », toujours présentée par Adèle Van Reeth. Il y sera question des anecdotes fondatrices ayant provoqué chez un artiste le désir de créer telle ou telle œuvre. Dommage de privilégier l'anecdote à la pédagogie, me direz-vous, mais ce n'est pas le plus important.

Le plus important, c'est qu'à partir de cette semaine et jusque fin février 2021, une émission baptisée « Oh!AfricArt », consacrée à l'art contemporain africain, prendra le relais. « C'est important », dit au Parisien le producteur Tim Newman, « de faire découvrir aux Français la grande créativité du continent africain. »

D'abord une question : ah bon, et pourquoi ? La France, qui n'est pas un pays d'Afrique, chacune-et-chacun en conviendra, aurait alors besoin d'être rééduquée ? Mais alors, dans quel but ? Je laisse le sagace lecteur en tirer ses propres conclusions politiques.

Sans notion d'idéologie, cette fois, une autre question, plus profonde : le fait qu'il ne s'agisse que d'œuvres contemporaines n'est-il pas significatif ? Le premier numéro, en effet, est ainsi consacré à un artiste africain qui recycle des déchets. Comme souvent dans l'art contemporain, et à peu près depuis le Carré noir sur fond blanc de Malevitch, le geste prime sur l'objet, le discours autour de l'œuvre est plus important que la beauté objective de celle-ci.

Par conséquent, pourquoi cette émission n'aborde-t-elle pas plutôt l'art africain en général, depuis les origines ? Oui, pourquoi ? On aurait fait le parallèle avec l’art en France et en Europe, puisqu'il faut être européen, depuis leur origine. Il y aurait tant et tant encore à dire : tableaux de maître, symphonies, grâce diaphane des statues, austère régularité des monuments, dentelle de pierre des édifices, antiques rues pavées, châteaux majestueux, étoffes luxueuses, charme et raffinement des codes sociaux ; mais aussi philosophes, médecins, universités multicentenaires, qui ont fait rayonner depuis toujours la France et la civilisation européenne ? Voilà à quel patrimoine il serait intéressant de sensibiliser, inlassablement les Français, non ? Mais on vous a dit l’art africain contemporain.

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

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