[RAISON GARDER] Anne Hidalgo : la sociologie (parisienne) pour les nuls

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Le 8 juillet 2024, Mme Hidalgo s’est fendue d’un discours sur le résultat des élections législatives anticipées. Elle s’y déclarait « fière d’être la maire d’une capitale d’espérance, où le Rassemblement national enregistre toujours et encore ses plus faibles résultats » grâce à « des politiques utiles […] qui changent la vie des gens ». Elle ajoutait enfin - et cette phrase a attiré notre attention : « Ce n’est pas que de la sociologie. »

Autrement dit, si la gauche est « largement majoritaire à Paris », ce serait grâce à la brillante politique de son maire et non pas au type de population qui vit dans la capitale. Le problème est que l’histoire électorale de Paris depuis deux siècles nous montre le contraire : malgré des oscillations de faible amplitude liées au « charisme » de tel élu, l’orientation politique de Paris a suivi exactement les mouvements de sa population.

Au XIXe siècle, Paris est une ville industrieuse voire industrielle, peuplée en majorité de petits artisans, d’ouvriers, de déclassés arrivés là par l’exode rural. C’est donc une ville de gauche, révolutionnaire, émeutière, comme le montrent les journées de 1830, de février 1848, de juin 1848, pour finir avec la Commune de 1871.

Pourtant, déjà, la Commune est une queue de comète : depuis le milieu du siècle - début des travaux haussmanniens -, la population de Paris change, elle se « gentrifie ». Pour des raisons économiques, les usines déménagent à l’extérieur de Paris et les ouvriers se trouvent obligés de suivre… pour aller constituer la fameuse « ceinture rouge ».

L’embourgeoisement de Paris se traduit nettement dans la composition du conseil municipal qui, après des glissements successifs, passe en 1909 définitivement à droite, et même à une droite en bonne partie nationaliste. Après la Seconde Guerre mondiale, c’est le mouvement gaulliste qui obtient la majorité et la conservera jusqu’en 1977.

Cette année-là, en effet, Paris retrouve un maire de plein exercice et voit l’élection de Jacques Chirac contre le candidat officiel du pouvoir giscardien, Michel d’Ornano. Chirac « règnera » dix-huit ans et réussira même, en 1983, « le grand chelem », sa liste obtenant les vingt mairies d'arrondissement.

Cette victoire impressionnante est, elle aussi, une queue de comète : car la sociologie de Paris est de nouveau en train de changer. Les loyers se sont remis à augmenter, ce qui provoque l’exode des familles et des classes moyennes. Certes, la bourgeoisie supérieure tient encore ses arrondissements favoris, comme le VIIIe et le XVIe. En revanche, deux nouveaux types de populations apparaissent dans les autres arrondissements. D’un côté, une population pauvre, à forte composante immigrée, qui bénéficie de logements sociaux. De l’autre, une population que l’on qualifiera de « bobos », où les deux membres du couple travaillent dans des métiers à haute valeur ajoutée et n’ont pas de voiture, en sorte qu’ils sont demandeurs d’équipements collectifs (transports en commun, crèches, etc.). L’intérêt électoral de ces deux catégories se situe à gauche, ce qui explique (outre les errements de l’ère Tiberi) l’élection de Bertrand Delanoë en 2001, puis celle d’Anne Hidalgo à sa suite.

Anne Hidalgo se flatte que sa brillante action politique assure à la gauche, de façon stable, la prédominance à Paris. Sa coûteuse politique immobilière, visant à renforcer à marche forcée le parc HLM, lui assure effectivement une certaine rente de situation du côté de la population pauvre. En revanche, l’élévation continue du prix des loyers libres et, en conséquence, la difficulté croissante pour les « bobos » à se loger sont en train de provoquer un nouvel « exode » vers la banlieue proche, qui se « boboïse » de façon impressionnante.

Que réserve à Paris cette nouvelle modification de population ? On le saura peut-être lors des toutes prochaines élections municipales, ou lors des suivantes. Une chose est sûre : le « charisme » d’un maire de Paris ne peut avoir qu’un effet marginal car, contrairement à l’affirmation péremptoire de Mme Hidalgo, le résultat des élections dans la capitale est principalement corrélé à son type de population : « C’est bien surtout de la sociologie. »

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Alexandre Dumaine
Journaliste, écrivain

Vos commentaires

12 commentaires

  1. Je propose aux automobilistes non parisiens qui représentent 80% de ses utilisateurs de faire une campagne qui consisterait à klaxonner sitôt arrivé sur le périph, et ce, pendant toute la durée de leur trajet sur ce même périph…
    Ils obtiendraient une « limitation » à 150 Km/H dès le lendemain ! Nos politiciens, pleutres et clientélistes ne craignent rien moins que les manifs et autres happenings en tout genre.
    Le périph a été construit par l’Etat. Il appartient donc à la totalité des Français ! Et ce quel que soit leur lieu de résidence ! Cet ouvrage remarquable, mal entretenu, il suffit de voir les tags, herbes folles et autres ronces, mérite mieux que la « gestion » d’une bande de bobos guidés par Hidalgo.

  2. Si Paris poursuit sa dynamique actuelle elle deviendra un Beyrouth occidental. Surtout si l’état déciderait de déparisianniser ou défranciliser la direction des services publics, donc d’éparpiller partout en France les cadres fonctionnaires.

    • Barnier a évoqué cette idée lors de son discours de politique générale. L’Etat pourrait mettre en location les nombreux immeubles de prestige qu’il occupe dans la capitale. Cela lui ferait d’importantes rentrées d’argent qui ne seraient pas du luxe…
      Dans le même temps, on peut tout à fait construire des bureaux dans des villes moyennes et petites ou le même carré n’est pas cher.
      Mais hors du 7ème arrondissement nos politocards sont perdus…

  3. Depuis des années, Paris et l’île de France dont le cancer de la nation. Pour moi ce qu’il adviendra de Paris après la réélection d’hidalgo en 2026
    Ne m’intéresse aucunement. Paris pour moi c’est l’etranger

  4. Les parisiens ont ce qu’ils méritent, et ce qu’ils ont voulu, qu’ils paient maintenant et jusqu’au dernier sou les humeurs fantasques de madame.

  5. Je confirme Hidalgo a bien réussi sa politique de gauche cette ville est devenue, en partie un cloaque invivable a bien des égards pour les classes moyennes mais pas uniquement, surendettés, particulièrement sale, ou la délinquance et l’insécurité règne, bravo à madame le maire une belle réussite un modèle a l’échelle nationale. Il faut vraiment être Français pour lire de telles inepties sur un bilan politique.

  6. Les pauvres qui ont du quitter Paris , devenu cher, votaient majoritairement à droite, et ont été remplacés par de plus riches bourgeois qui votent eux à gauche donc Paris a basculé à gauche. Barnier est de droite donc il augmente les impôts.
    J’ai tout compris, ou en réalité ce n’est pas une question de revenus et de prix de l’immobilier à Paris si l’ électorat a basculé de droite à gauche?

  7. Cessez de nous abreuver des délire mégalomanie de cette chance pour la France. Il faudrait qu’elle se méfie de ne pas sombrer un jour dans son nombril démesuré !

  8. Avant toute chose il faut mettre fin à la loi PLM qui permet à un maire d’être élu avec beaucoup moins de voix que son adversaire. Il est vrai que cette loi avait été concocté par le ci-devant ministre de l’intérieur de Mitterrand, Gaston Deferre, qui était également maire de Marseille. Cette loi lui a permis de se maintenir pendant des années face à Gaudin. Cette loi a profité également à Annie Dingo. Il faut faire élire les maires par suffrage direct sans passer par des maires d’arrondissements avec tout ce que cela implique comme tripatouillages.

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