À un an de l’élection présidentielle, le marigot médiatico-politique s’agite concernant la « normalisation » du vote en faveur de Marine Le Pen, la présidente du Rassemblement national. Selon un sondage Harris Interactive, effectué entre les 19 et 20 janvier, elle est créditée de 26 % des voix au premier tour, ce qui la placerait en tête, puis de 48 % au second. Au point même qu’Anne Hidalgo, le maire de Paris, s’en émeuve, le 3 mars, dans un entretien accordé au Parisien. Mais cette agitation est surtout liée à la rumeur selon laquelle le journaliste et écrivain Éric Zemmour consulterait ici et là en vue de présenter sa candidature, ce qui handicaperait fortement la présidente de l’ancien Front national, nonobstant la persistance de souverainistes comme Nicolas Dupont-Aignan et Florian Philippot.

Bien de l’eau a coulé sous les ponts depuis que Marine Le Pen a pris, en 2011, la direction du FN, le mouvement de son père Jean-Marie. Elle emprunta progressivement le chemin de la rupture – et de l’exclusion – contre celui qui avait pourtant hissé le FN au second tour de la présidentielle de 2002. Elle opta pour le gaullisme social et la sortie de la zone euro, quitte à éluder quelque peu la question identitaire. Une stratégie particulièrement appliquée par Florian Philippot. Mais après la défaite de 2017 inhérente, en partie, à sa piètre prestation dans le duel télévisé face à Macron, la ligne a considérablement évolué avec, en toile de fond, les conseils de Philippe Olivier et les divergences avec Marion Maréchal, davantage tournée vers un libéral-conservatisme à la française, plus catholique et moins républicain. Voilà de quelle manière le RN s’est présidentialisé, d’autant plus que sa cheffe a récemment fait une autre rupture : elle est devenue moins dure dans la lutte contre l’immigration, voire contre le salafisme. D’où la séparation avec Jean Messiha, énarque d’origine copte et défendant la thèse selon laquelle les pratiques islamiques ne seraient nullement solubles dans le moule républicain hérité des Lumières.

Dans ce contexte, le recours « Zemmour » serait crédible, l’auteur du Suicide français (2014) et de Destin français (2018) prônant une politique clairement gaullo-bonapartiste et pactisant volontiers avec les pays de l’Est pour gêner « l’ordre bruxello-berlinois ». Seulement un anti-européisme moins affirmé qu’autrefois. Enfin, il est plus offensif sur les questions culturelles et sociétales, avec de nombreux alliés comme, entre autres, Patrick Buisson, Philippe de Villiers et Robert Ménard. « La droite dont je rêve est libérale identitaire », avait déclaré le maire de Béziers à L’Incorrect, en mai 2018.

Mais, en réalité, toutes ces divisions ne feront in fine le jeu de personne et risqueraient même de désespérer définitivement les militants du sursaut de la France. En l’occurrence, l’abstention massive ne peut que perdurer dans une démocratie libérale devenue si faible. Car, depuis 2008, la France a subi, successivement, de plein fouet, quatre terribles crises : financière, économique, sécuritaire et sanitaire. Et bien que cette dernière puisse balayer Macron, comme elle a balayé Trump, la Macronie survivra, dans la mesure où la nomenklatura qui l’a faite (Arnault, Pinault, Niel…) ne lâchera pas. D’où des parachutages possibles d’Hidalgo, de Bertrand ou de Philippe… Sans oublier les coups de Trafalgar à venir, tels que les votes anticipés et ceux par correspondance. Alors, dans ce cas, Zemmour, X ou Y ne triompherait pas !

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07 mars 2021 à 15:48

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