Pourquoi Mélenchon, le PC et les Verts ont choisi Huguette Bello pour Matignon

« Spectacle désastreux », selon Emmanuel Macron lui-même, que celui de la guerre des chefs de la Macronie résiduelle. Tout aussi effarantes, les négociations de marchands de tapis entre partis de gauche pour se mettre d'accord sur un nom de Premier ministre à proposer au Président, si celui-ci venait enfin à lui confier le gouvernement. Et ce vendredi soir, où l'on s'approchait de la « deadline » - pour parler comme Manuel Bompard -, un nom est tombé, inconnu, exotique, féminin, intemporel : Huguette Bello. Pas grave si rien ne vous avait été dit avant les élections sur le nom du futur Premier ministre de la gauche en cas de victoire. Le barrage anti-RN multiplie les surprises antidémocratiques.

Donc, Huguette Bello. C'est d'abord Fabien Roussel qui a vendu la mèche. Mieux : c'est lui qui a proposé son nom, comme il l'a confirmé sur BFM TV. Selon lui, elle a « l’étoffe pour Matignon ». Et puis, c'est Sandrine Rousseau qui y est allée de sa petite bénédiction : Huguette Bello est une « personnalité intéressante ». Quelques minutes après, un nouveau domino NFP est tombé en faveur de Mme Bello, qui « devrait pouvoir mettre tout le monde d’accord », celui de la socialiste Valérie Rabault, députée sortante battue, certes, mais ancienne vice-présidente de l'Assemblée nationale. Une pierre dans le jardin d'Olivier Faure, le candidat soutenu par le PS.

Et donc, vendredi soir, l'onction finale, celle de M. Mélenchon, bien sûr, qui a fait applaudir le nom de Mme Bello par ses militants et a déroulé le tapis rouge : « Huguette coche de nombreuses cases […]. Huguette est une femme d’un territoire d’outre-mer dans l’océan Indien, c’est une personne dont personne ne soupçonnera la nature de vie et la sincérité des engagements […], elle serait la personne qui serait écoutée avec respect […]. Huguette a une vie entière qui est la démonstration de sa capacité à ne se laisser impressionner par personne. » Si Jean-Luc le dit...

Et puis, le leader de LFI en est venu à des considérations plus politiques : « Huguette est une femme, et nous sommes à l’ère des femmes ; Huguette est une femme racisée, et la nouvelle France est racisée […], la présidente d’une communauté qu’elle a prise à la droite par les urnes et autour de qui toute la gauche locale se retrouve. » Huguette, l'incarnation parfaite de la gauche créolisée. Mais M. Mélenchon a même précisé ses arrière-pensées politiciennes dans sa lutte à mort avec le PS : « Trois formations [du NFP] au moins se sont mises d’accord sur le sujet, les Insoumis, les communistes, les Verts », mettant implicitement le PS au pied du mur. Le mâle blanc Olivier Faure oserait-il s'opposer ? M. Glucksmann aurait-il quelque chose à redire ?

Dès que ces deux fragiles dominos seront tombés, M. Mélenchon avancera son pion jusqu'à l'Élysée avec la même tactique imparable : M. Macron oserait-il décliner cette offre impossible à refuser sous peine de paraître hostile aux femmes, aux racisés, aux outre-mer ? Et puis viendra l'heure de la confiance à l'Assemblée...

Sinon, Mme Huguette Bello, née en 1950, a été membre du Parti communiste réunionnais (PCR) de 1974 à 2012, puis présidente de Pour La Réunion (PLR) depuis 2012, elle est députée de 1997 à 2020, maire de Saint-Paul par intermittence entre 2008 et 2021, puis devient présidente du conseil régional de La Réunion en 2021. Elle était candidate non éligible sur la liste de La France insoumise, conduite par Manon Aubry.

Le coup de M. Mélenchon est habile et sa candidate susceptible de désarmer les inquiétudes suscitées par un Boyard, un Raphaël Arnault, une Marine Tondelier, et même de séduire au-delà du NFP, peut-être dans l'aile gauche de la Macronie et dans le groupe LIOT, où le O et le T signifient « outre-mer ».

Toute la question est de savoir si Mme Bello sera lestée du programme NFP ou pas et si les élus de la Macronie de droite (M. Darmanin) et de LR (M. Bellamy, ce vendredi soir) tiendront leur promesse de censurer un gouvernement NFP. Une fois de plus, M. Mélenchon vient de démontrer que désormais, « la République, c'est [lui] »...

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