Ports français : notre incroyable talent pour gâcher nos atouts !

Le Sénat souligne que plus de 40 % des conteneurs à destination de la France transitent par des ports étrangers et qu’il en résulte une perte de 30.000 à 70.000 emplois.
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C’est dans l’indifférence générale que le Sénat vient de rendre son rapport sur la situation des ports français.

Une fois de plus, c’est l’illustration de « notre incroyable talent » pour gâcher tous nos atouts (la « grosse bêtise » de la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim en est une illustration récente de plus).

Car ce rapport dresse un bilan catastrophique.

Comme je m’égosille à le dire et l’écrire, la France est le pays d’Europe qui dispose du plus d’atouts en matière maritime, avec ses kilomètres de côtes ouvertes sur toutes les mers et tous les océans d’Europe et ses ports naturels en eaux profondes. Des atouts que n’importe quel autre pays « maritime » nous envie.

Seulement voilà, nous sommes en France.

Quelques chiffres tirés du rapport du Sénat pour illustrer la gravité du problème.

Les trafics des GPM (grands ports maritimes) sont en retrait depuis 2008 et sont au niveau de ceux des années 2000 (310 millions de tonnes dans les 7 GMP de métropole plus le port de Calais). Dans le même temps, le port de Rotterdam a traité 470 millions de tonnes en 2019 (c’est le premier port européen) et celui d’Anvers 238 millions de tonnes (c’est le premier port « français »).

Toujours dans son rapport, le Sénat souligne que plus de 40 % des conteneurs à destination de la France transitent par des ports étrangers et qu’il en résulte une perte de 30.000 à 70.000 emplois.

Il y a de multiples raisons à ce triste bilan.

La gouvernance portuaire avec ce statut unique au monde de grand port maritime : c’est l’État qui gère les infrastructures portuaires, décide des investissements. C’est la « chasse gardée des X-Pont », des fonctionnaires, tandis qu’ailleurs, là où cela marche bien, ce sont les professionnels (transitaires, commissionnaires, armateurs, agents maritimes, sociétés de manutention..) qui sont aux manettes.

Si les GPM dépendent de l’État, les ports régionaux dépendent des régions et les ports départementaux des départements : logique bien française ! En Normandie, le grand chef de la région, Hervé Morin, a créé une structure qui fédère les ports de Cherbourg, Caen/Ouistreham, Honfleur, Fécamp et Dieppe. Il avait souhaité, en son temps, que Le Havre perde son statut de GPM et soit rattaché à cette structure : de quoi faire un bel ensemble sur toute la façade de la Manche. On l’a, évidemment, renvoyé à ses chères études.

Une absence totale de vision stratégique globale, notamment sur la question des infrastructures permettant la desserte des ports français. Par exemple, plus de 80 % des pré- et post-acheminements, en France, se font selon le mode routier (alors que c’est seulement 50 %, pour le port de Hambourg), faute de report sur les modes ferroviaire et fluvial). À titre anecdotique, on notera que le port de Rouen (premier port céréalier d’Europe) est sur le point d’abandonner le ferroviaire en raison de l’état lamentable du réseau ferré et de sa lenteur (parfois 30 km/h !) au profit du routier. Bonjour le bilan carbone !

L’empilement des structures : ainsi HAROPA, qui regroupe les ports du Havre, de Rouen et de Paris, a sa propre structure de gouvernance, mais Le Havre, Rouen et Paris ont gardé les leurs. C’est le même schéma que les communes et les communautés de communes.

La compétitivité des GPM est largement obérée par une lourde fiscalité (foncier et impôt sociétés), maladie bien française !

Tout comme les hôpitaux, les ports français sont victimes d’un État omniprésent, d’un corporatisme excessif de gens « qui ne sont pas du métier », d’une absence de vision stratégique.

Ce énième rapport souligne tout cela avec pertinence, mais on regrettera qu’il ne préconise pas la création d’un grand ministère de la Mer !

Le dernier « marin » ayant exercé des responsabilités ministérielles, c’était Frédéric Cuvillier, alors maire de Boulogne-sur-Mer. Malheureusement, il a vite démissionné, ce qui peut se comprendre aisément puisqu’il était sous la tutelle de Ségolène Royal.

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Patrick Robert
Chef d'entreprise

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