Poisson et Larcher : la conviction et son contraire

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L’un habite Rambouillet, l’autre aussi. L’un a été maire de cette ville, l’autre aussi. L’un a été élu deux fois à l’Assemblée nationale, où il a été vice-président de la Commission des lois, l’autre a été élu au Sénat, en est devenu l’un des vice-présidents, puis président de la Commission des affaires économiques, et enfin président de cette chambre haute après avoir été ministre délégué au Travail. L’un s’appelle Jean-Frédéric Poisson, l’autre, Gérard Larcher.

L’un est président du Parti chrétien-démocrate nouvellement appelé VIA, la voie du peuple, l’autre est un poids lourd du parti Les Républicains. L’un a été membre de l’équipe de rugby de l’Assemblée nationale, l’autre, sans être très sportif, a également pratiqué ce sport. L’un, titulaire d’un master 2 de droit social, a fait un doctorat de philosophie sur la bioéthique à la Sorbonne avec un grand spécialiste de Pascal, l’autre, vétérinaire de l’équipe de France d’équitation, a fait sa thèse de doctorat sur le chien poitevin. L’un, âgé de 58 ans, a annoncé sa candidature à la présidentielle de 2022, l’autre, âgé de 71 ans, « n’exclut pas » un cinquième mandat à la tête du Sénat en 2023.

L’un, issu d’un milieu modeste, a grandi dans un quartier HLM et été « élevé à la bagarre de rue », l’autre, issu de la petite bourgeoisie provinciale, a été élevé dans un internat catholique où il a « beaucoup pleuré » au début. L’un a dénoncé, en 2016, la « proximité de Hillary Clinton avec les super-financiers de Wall Street », l’autre a vu dans l’élection (pourtant frauduleuse) de Joe Biden une « victoire de la démocratie américaine ». L’un, né dans une famille agnostique, a demandé en classe de terminale le baptême. L’autre a grandi dans une famille catholique et s’est converti à 30 ans au protestantisme.

L’un est dans une opposition résolue à Emmanuel Macron et à son gouvernement, l’autre est un opposant peu convaincu pour qui la seule actualité du gaullisme, c’est d’être une « solution pour demain ». L’un a soutenu dès le début le mouvement des gilets jaunes et leur opposition à une France que l’on défait dans leurs dos, l’autre a tremblé pour la République et été celui que Macron aurait pu appeler à Matignon.

L’un demande de mettre un terme à cette absurdité nocive du port du masque dans la rue, l’autre le porte sous le nez, s’attirant les quolibets des internautes. L’un prône la désobéissance civile pour desserrer l’étau gouvernemental qui asphyxie les restaurateurs, les hôteliers, les petits commerçants, brime la jeunesse et s’en prend insidieusement aux libertés fondamentales, l’autre, cherchant une position critique sans se départir de son silence devant les mesures absurdes du gouvernement, feint de croire que son père, résident d’une maison de retraite, a reçu, de l’administration de la santé, un document de 58 pages à lire avant de se faire vacciner.

L’un écrit un livre de réflexion politique, La Voix du peuple (Éditions du Rocher, 2020) dans lequel il est question de rétablir « la souveraineté du peuple », « le pouvoir de l’État »« l’autorité du chef de l’État », l’autre publie Contre-pouvoir (Éditions de l’Observatoire, 2019), une sorte de biographie politique dialoguée avec une journaliste qui pointe, chez lui, à plusieurs reprise une réputation peu flatteuse d’homme aux convictions incertaines. Gérard Larcher lui-même ne sait pas très bien où il se situe ni ce qu’il pense. Et il l’écrit : « Y a-t-il une place pour un parti de droite ? Comment le définit-on ? Avec quelles valeurs et quel fonctionnement ? Bruno Retailleau est le premier à s’être dit : si on ne réfléchit pas à définir la droite, on ratera quelque chose ! Et je pense qu’il a raison » (p. 182). Comment peut-on ne pas se lasser de tenir des propos aussi insipides ? Autant de comédie dans le questionnement a quelque chose de désarmant.

Inutile de rêver ! Le pays ne s’en sortira pas s’il continue d’avoir aussi peu d’exigence vis-à-vis des discours qu’on lui tient. Les abstentionnistes sont sans doute les plus écœurés. Peut-être les plus lucides. Il ne tient qu’à eux de renverser la table. Après autant de mensonges et d’injustices durant l’épidémie, après autant de brutalité et de cynisme, et après aussi peu de résistance dans les rangs de l’opposition, ils pourraient être une force en 2022.

Jérôme Serri
Jérôme Serri
Ancien collaborateur parlementaire, journaliste littéraire

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