[Point de vue] USA : le blocage de l’État est évité mais l’Ukraine divise

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Le suspense aura duré jusqu’aux dernières heures avant que ne soit épuisé le délai qui expirait samedi dernier et après lequel le gouvernement fédéral risquait une paralysie budgétaire. Jusqu’à vendredi, la perspective d’un shutdown semblait inévitable. Faute d’un accord entre le Sénat, à majorité démocrate, et la Chambre des représentants, contrôlée par les républicains, pour adopter une loi de finance, des milliers de fonctionnaires risquaient le chômage technique et de nombreux services fédéraux étaient menacés de fermeture. In extremis, le président républicain de la chambre, Kevin McCarthy, est parvenu à faire adopter un projet de loi avec l’aide des voix démocrates. Une mesure d’urgence de 45 jours qui évite temporairement le blocage du gouvernement, mais sans résoudre la question litigieuse du financement de l’Ukraine, reportée à plus tard.

« Chèque en blanc » à Biden ?

L’inévitable bras de fer entre les deux camps sur les choix budgétaires a été compliqué par une dissidence interne au sein de la majorité républicaine de la Chambre. Une poignée d’élus proches de Donald Trump a refusé de céder à la manœuvre de la Maison-Blanche qui avait intégré à la loi de finance une somme de 24 milliards de dollars d’aide à l’Ukraine. Inquiets d’une absence de perspective de sortie de crise et soucieux de privilégier des enjeux de politiques intérieure, les récalcitrants ont dénoncé le projet d’accorder un nouveau « chèque en blanc » à l’administration Biden.

De part et d’autre de l’Atlantique, la presse mainstream s’est déchaînée contre ces frondeurs, accusés d’être les suppôts radicalisés d’un Donald Trump encourageant la stratégie du chaos et faisant le jeu de Vladimir Poutine. Ces rebelles populistes « utilisent une rhétorique incendiaire » et « se sentent habilités à empêcher leurs dirigeants de conclure des accords avec les démocrates », s’indignait le Wall Street Journal, samedi, alors que l'incertitude dominait encore.

« Alors que l’administration Biden assurait s’appuyer sur un large soutien bipartisan pour aider l’Ukraine, l’état des forces au sein du Parti républicain et l’écrasante domination de Donald Trump dans la campagne des primaires montrent la fragilité de cet édifice », s’inquiétait, en France, le journal Le Monde, après l’annonce de la conclusion de l'accord excluant l’Ukraine de la mesure de financement d’urgence.

Étrange conception de la démocratie

Selon ces journaux, un petit groupe d’élus extrémistes impose sa « tyrannie » au Parti républicain, quand bien même leurs positions rejoignent celles de l’écrasante majorité de sa base. Étrange conception de la démocratie. C'est cette conception qui, pourtant, règne aujourd’hui parmi les donneurs de leçons qui sévissent dans les médias. À l’inverse, les élus qui ne tiennent aucun compte de l’opinion de leurs électeurs sont considérés comme de grands démocrates !

On rappellera, en effet, qu’un récent sondage Washington Post-ABC News a montré que 59 % des républicains considéraient que les États-Unis en faisaient trop concernant l’aide à l’Ukraine. Ils n’étaient que 13 % à penser le contraire. Le véritable problème du Parti républicain tient donc moins à une « poignée d’extrémistes » qu’au décalage entre l’establishment du parti et sa base qui n’adhère pas à la rhétorique belliciste et interventionniste.

Rétrospectivement, ce que l’on peut surtout reprocher aux élus dissidents, c’est d’avoir posé les bonnes questions. Le 21 septembre dernier, dans une lettre adressée à la Maison-Blanche, 23 membres de la Chambre et six sénateurs ont exprimé leurs préoccupations et demandé des réponses avant le vote d’une aide supplémentaire.

« Comment se passe la contre-offensive, ont demandé les élus républicains ? Les Ukrainiens sont-ils plus proches de la victoire qu’ils ne l’étaient il y a six mois ? Quelle est notre stratégie et quel est le plan de sortie du président ? » Ils ont ajouté : « Ce serait une abdication absurde de la responsabilité du Congrès d’accéder à cette demande [de financement] sans connaître les réponses à ces questions. » Une « rhétorique incendiaire », donc !

Populisme

Lorsque ces mêmes élus ont reproché à Joe Biden de réclamer un soutien illimité en faveur de la guerre « sur la base d’une stratégie qui n’est pas claire, pour atteindre un objectif qui n’a pas encore été énoncé au public ou au Congrès », ont-ils fait autre chose que de demander au président de rendre des comptes au peuple américain et à ses représentants ? En réalité, qu’il s’agisse des États-Unis ou de l’Europe, les élites politiques et médiatiques ont bien du mal à accepter les exigences de la vie démocratique.

« En tant qu’élus, nous avons l’obligation de poursuivre une politique étrangère qui favorise la sécurité et la prospérité du peuple américain », écrivait récemment, sur le site de The American Conservative, le sénateur Rand Paul, un des signataires de la lettre. Ce qu’on appelle aujourd’hui du « populisme ».

Frédéric Martin-Lassez
Frédéric Martin-Lassez
Chroniqueur à BV, juriste

Vos commentaires

12 commentaires

  1. Merci pour vos articles, qui démontrent clairement le choc entre les conservateurs chrétiens et les progressistes du monde entier.
    Quel dommage que l’aveuglement et surtout l’ignorance des médias français continuent à nous rapprocher du précipice d’un embrasement général.
    Si nos médias connaissaient l’Histoire de la Rus’ de Kiev, ils comprendraient combien il est vain d’essayer de séparer définitivement les descendants d’un seul et même peuple, uni dans une seule et même Foi et dans une seule et même civilisation.

  2. Aux USA comme en France , on élit ou réélit des mondialistes qui préfèrent le fric et tout ce que cela induit à leur patrie. Il me semble donc que le peuple en est le premier responsable. Et que l’on vienne pas dire que c’est les médias qui les embrigadent, c’est pire car cela veut dire qu’ils n’ont aucune analyse et conviction propres.

  3. Je ne suis pas spécialiste des questions d’administration américaine mais c’est quoi ce cirque? on y a droit sensiblement chaque année, histoire pour les républicains et les démocrates de marchander je ne sais quelles allocations budgétaires et de se mettre d’accord chaque fois au dernier moment. C’est du théâtre de bas niveau.

    • Aux USA, c’est le Congrès qui tient les cordons de la bourse, aucune dépense fédérale ne pouvant être engagée par l’exécutif sans son accord. En France, on a une loi des finances annuelle, et après l’exécutif fait ce qu’il veut, et son renouvellement est automatique, grâce au 49/3 si nécessaire.

  4. Le décalage entre les élites du parti Républicain US et leur base électorale est la copie conforme de celui que connait notre LR. Les électeurs de droite américains votent Trump comme nous votons Marine ou Zemmour, pour les mêmes raisons : parce qu’ils souhaitent voter vraiment à droite.

  5. Si Macron me demandait mon avis, ce serait non à l’aide à l’Ukraine, car je connais un peu le pays et les détournements par ses dirigeants, à commencer par le premier d’entre eux.

  6. Exactement les mêmes questions que posées lors de la guerre du Vietnam: « Quelle est la stratégie pour gagner cette guerre »? « Si l’on donne encore X milliards, va-t-on gagner à coup sûr? » Une fois de plus, l’Amérique s’est fourvoyée – hormis le fait qu’elle se bat avec le sang des Ukrainiens – voulant faire de l’Ukraine une base de l’Otan croyant que l’Ours russe était un hamster. « Un pays trop loin ».

  7. pendant ce temps l’OTAN sur les bases de l’UE était à Kiev pour soutenir Zelensky dans sa guerre où lui est absent du pays 95% de son temps, il continue de fiare massacrer son peuple sans chercher de pacte de paix, soutenu par l’Allemagne et la France qui va donner encore des canons caesar gratos mais où sont les 17 qu’on a déjà donné, explosés !!!

    • Et quelques officiers US blessés « au front ukrainien » soignés en Allemagne dans une base OTAN; A quand quelques officiers (ou autres) français dénichés à traîner sur ce front, qui auraient perdu leur boussole dans les forêts roumaines ou lituaniennes ?( les britishs, on sait; c’est une tradition !)°; Mercenaires, vous avez dit mercenaires ? Ah, non, pas bien ,ça..

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