[Point de vue] Une suggestion à Marine Le Pen et Mathilde Panot pour sortir la France de l’impasse

référendum

Même si la seconde refuse de saluer la première, elles ont des points communs : elles sont farouchement opposantes au Président et revendiquent la défense du peuple français. Certes, Mme Le Pen représente 8.133.828 électeurs au premier tour de la présidentielle et 13.288.686 au second ; alors que La France Insoumise parle « seulement » au nom des 7.712.520 du premier tour. Mais l'une et l'autre ont d'importants points d'accord dans leurs programmes. Et en particulier sur la... démocratie. En effet, les programmes présidentiels du RN et de LFI convergent sur le référendum d'initiative citoyenne. Observons que ni LREM ni LR ne le proposent. De quoi ont-ils peur ?

Dans son programme présidentiel remis aux Français, Jean-Luc Mélenchon a dit vouloir « passer à la 6e République » et, pour cela, « convoquer une Assemblée constituante [afin de] fixer de nouvelles règles comme le droit au référendum d'initiative citoyenne »... Marine Le Pen, dans son programme, propose, bien plus simplement, de « rendre le pouvoir au peuple » et d'« instaurer le référendum d'initiative citoyenne ». Or, c'est urgent, car ce sont désormais près de 60 % des Français qui ne sont plus inscrits sur les listes électorales, s’abstiennent, votent blanc ou nul : nous ne sommes plus dans une démocratie vivante.

Le pouvoir actuel est paralysé : Mme Borne n'a tenu à l'Assemblée qu'un discours de préfète là où il aurait fallu un grand discours de politique générale, défendu par une vraie femme d'État, suivi d'un vote de confiance. Pourtant, des questions importantes sont à traiter d'urgence, qui ne le seront pas, au grand dam des Français, sur l'économie, la réindustrialisation, le pouvoir d'achat, la défense, l'immigration, la santé, la sécurité, la dette, les retraites, l'Europe…

Un seule solution : rendre, par le référendum, le pouvoir aux Français sur leur destin collectif. Comment mettre en œuvre cette solution ? La réponse est déjà dans la Constitution (article 11, alinéa 3) : « Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa [l'organisation des pouvoirs publics] peut être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d'une proposition de loi. »

Évidemment on n'échappera pas à un contrôle préalable par le Conseil constitutionnel de cette proposition de loi (probablement sur la notion d'« organisation des pouvoirs publics ») selon les critères de la loi organique du 6 décembre 2013. Une loi restrictive qui pourrait être abrogée par un RIC. Mais si le Conseil constitutionnel s'opposait à cette proposition, il ferait l'objet d'un grave rejet populaire, prélude peut-être à une insurrection. Car la procédure référendaire d’initiative partagée devient enfin accessible : en effet, un cinquième du Parlement, cela ne représente que 185 élus sur les 925 (577 députés, 348 sénateurs). Or, le RN en a 89 et la NUPES 131 ! Quant aux 10 % des inscrits c'est 4,9 millions alors que les électeurs LFI + RN représentent 16 millions… plus de trois fois plus ! Et le RN à soi seul 2,7 fois.

Toutefois les dispositions de l'article 89 sur la révision constitutionnelle importent davantage encore. Car si « l'initiative de la révision... appartient... au Président de la République... [elle appartient aussi]... aux membres du Parlement ». Or, désormais l'opposition est majoritaire au Parlement en ses deux chambres et pourrait donc imposer un projet de loi référendaire. De quel projet pourrait-il s'agir ? Tout simplement celui d'abaisser drastiquement (de moitié ?) les quorum (les 1/5e et les 10 %) pour les RIC, d'interdire toute réforme de la constitution sans référendum, et supprimer l'intrusion du Conseil constitutionnel, instance subalterne à la volonté du peuple, et auquel il est absurde de demander de vérifier si la réforme de la constitution envisagée est... conforme à l'ancienne !

Lequel de LFI ou du RN osera le premier enclencher une de ces deux initiatives possibles ? Celui des deux partis qui s'opposera à l'initiative de l'autre sera discrédité à jamais devant l'opinion qui se languit.

Henri Temple
Henri Temple
Essayiste, chroniqueur, ex-Professeur de droit économique, expert international

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