[Point de vue] Réforme des retraites : la lente agonie de la volonté populaire

Assemblée nationale

Il est impensable d’ignorer à ce point ce qui s’est réellement joué, lundi 6 février, à l’Assemblée nationale sur la question de la motion référendaire. Les députés du Rassemblement national avaient proposé que soit votée par référendum la loi réformant les retraites. Compte tenu de l’opposition à cette réforme, cela semblait être la meilleure solution. Or, la proposition a été rejetée, et notamment parce qu’il s’agissait du RN.

L’apathie des consciences conjuguée au mépris des représentants pour l’intérêt général mène inévitablement à la mort de la vie démocratique et personne ne semble véritablement s’en émouvoir.

On croit, aujourd’hui, que le seul fait de pouvoir s’exprimer sur des réseaux sociaux, d’assister à des débats de pseudo-spécialistes sur des chaînes d’information en continu ou, pire encore, dans des émissions de divertissement pour une jeunesse décérébrée satisferait à l’exercice de la démocratie. Or, il s’agit seulement de « réseausociocratie ».

Les gouvernants actuels n’ont que faire de la volonté populaire.

Même les sondages, dont nos décideurs nombrilistes sont tant passionnés, n’y font plus rien. L’Assemblée nationale a presque tenté, lundi dernier, grâce à certains parlementaires, de rappeler que des lois fondamentales pouvaient être décidées par le peuple, par la voie du référendum. C’est ce que prévoit l’article 11 de la Constitution, notamment s’agissant des réformes relatives à la politique économique de la nation.

Que doit-on faire, alors, jusqu’où faut-il aller pour rappeler au gouvernement et au Président-roi l’article 3 de la Constitution ? « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants ET par la voie du référendum. » Ce « ET » rassurant qui constitue, au sens juridique du terme, un des fondements de la souveraineté nationale. Ce « ET » désormais disparu, comme embastillé par les nouveaux monarques de feu la République.

On le sait, le général de Gaulle avait fait du référendum un plébiscite. Si le peuple désavouait le Président, alors celui-ci s’engageait à partir, à quitter le pouvoir. Il assumait courageusement. Mais c’est sans compter les Présidents pusillanimes qui lui ont succédé. Le dernier référendum date de 2005, il y a donc dix-huit ans, soit presque une génération entière que le peuple n’a pu s’exprimer directement sur un projet de loi. Aurait-on peur de ce peuple à ce point ? Ou alors les dirigeants, si mal élus désormais, jugeraient-ils cette volonté populaire comme incompétente ?

D’ailleurs, n’est-ce pas, au fond, ce qu’a pensé Nicolas Sarkozy lorsqu’il décida de faire adopter par le Parlement le traité établissant la Constitution pour l’Europe alors que son peuple en avait décidé autrement à 54,6 % ? L’outil référendaire qui permettait jusque-là de discriminer le chef de l’État s’est retourné contre la volonté populaire elle-même, qui est alors à son tour discriminée.

Oui, le pouvoir actuel méprise le peuple qu’il n’estime pas suffisamment armé intellectuellement pour prendre les bonnes décisions. Les citoyens ont manqué leur entretien d’embauche.

Alors, c’est à l’Assemblée nationale que s’est jouée la mascarade démocratique. Les aboyeurs de La France insoumise n’ont jamais compris quels étaient les intérêts des citoyens auxquels ils prétendent tant tenir. Il ne fallait surtout pas se compromettre avec le Rassemblement national.

Alors, plusieurs initiatives malheureuses, dans les rangs de cette gauche malade, ont pris le relais. On a pu observer le Danton des bacs à sable, le viré de la bande à Baba, tenter de fomenter une révolution façon stand-up, devant un parterre d’étudiants rennais croyant participer à une rave party. Quant aux autres, du même camp, gracieuses wokistes au verbe mélodieux et bafouilleurs burlesques, ils ont tenté de gravir la montagne tout en haranguant, sur fond de copier-coller communard, un gouvernement stoïque.

Il n’est pas certain qu’il y ait de meilleurs exemples pour définir ce que sont vacuité et inutilité. De Gaulle avait dit, selon les propos rapportés par Alain Peyrefitte : « Il ne faut pas prostituer le référendum en le faisant jouer à tout propos. » Mais cette semaine, c’est bien la démocratie que l’on a prostituée…

Me Alain Belot
Me Alain Belot
Avocat au barreau de Paris, chroniqueur à BV

Vos commentaires

16 commentaires

  1. « le pouvoir actuel méprise le peuple qu’il n’estime pas suffisamment armé intellectuellement ».
    Le pouvoir appartient aux riches ( même si la mère de Darmanin fait des ménages à 67 ans !) et les riches se méfient du peuple qui pourrait se retourner contre eux et spolier leurs richesses. Ils ont donc suivi une stratégie pour se défendre de l’insurrection supposée potentielle. Il faut se référer aux travaux des 2 chercheurs sociologues Pinçon-Charlot à ce sujet pour bien comprendre les situations actuelles dont celle concernant les retraites.

  2. Triste constat. A l’issue de la « manif pour tous » heureux de cette journée militante, Monsieur Sapin nous avait gratifié de son insolente indifférence. La même manifestation Mitterrand avait reculé. Sarkosy a écarté un référendum. Le pouvoir politique se fout de l’opinion du peuple et ouvre la voie à la violence. Ca ira..peut être mal pour eux.

  3. Même si cette Réforme des Retraite (pour 10 milliards) est appliquée il restera à rembourser les 600 milliards de dette faite par la Macronie, montant jamais autant fait auparavant….
    Il y aurait tant à faire comme économies sur d’autres postes budgétaires !!
    La plupart des électeurs(trices) ne savent pas pour qui réellement ils ou elles ont votés ! Ils se tutoient toutes et tous entre eux sans témoin, même sans se connaitre vraiment, mais se reconnaissant….

  4. Je dirai plus simplement lente agonie du pays. Il faut comprendre que les libéraux n’ont jamais apporté de liberté bien au contraire, de la même façon le socialisme n’a jamais fait de social, il gère la société au profit des très riches. Mais c’est un peu difficile à comprendre pour les français. BORNE managee chaque matin par le roitelet nommé et non élu attaque maintenant les praticiens en leur proposant je crois 1.5 euro d’augmentation pour l’infernale paperasse à faire chaque soir. Ces gens là sont payés pour une mission : détruire. En province dans plein de communes il est impossible de trouver un médecin traitant même à 69 ans. Comme pour le covid au temps des collabos les secrétaires médicales vous envoient promener comme un chien.

  5. Le traité de Lisbonne, est la grande faute de Sarkozy qui l’a déconsidéré durablement et a consacré le rejet des instances démocratiques par les Français. Avec le vote de la loi Taubira qui permet désormais à l’Assemblée d’affirmer que le rouge est vert et que le vert est rouge, l’abstension s’est généralisée. Il faudra beaucoup de temps pour sortir de cette impasse politique.

  6. En même temps le peuple a eu la parole à deux reprises en 2022 pour les présidentielles et les législatives. Il a voté pour Macron en connaissant son programme sur les retraites Faut-il croire le vote à bulletin secret ou de vagues sondages sans que l’on sache comment la question est posée ? Le peuple n’a-t-il pas ce qu’il mérite ?

  7. Lundi 6 février, la NUPES a dévoilé son vrai visage. Tous ces députés qui ont refusé de voter la motion référendaire au prétexte que ce texte était celui présenté par le RN sont donc des traitres à leurs électeurs. Puisse ces derniers s’en souvenir lors du renouvellement de l’Assemblée.

  8. LFI fait le jeu de Macron , le 49.3 va mettre fin aux débats pourtant nécessaires. tout ça à cause de l’obscurantisme de la NUPES & Co. Voter , un texte présenté par le RN, pour ces idiots utiles , pas question. Peu importe si , ce projet pouvait apporter la preuve que les Français n’approuve pas cette réforme . Enfin , La CGT et la CFDT n’ont ils pas appelé à voter Macron , pour le fameux :  » il faut faire barrage » !. Les barrages ils vont les faire sur les routes, les ouvriers de TOTAL en tête , alors qu’ils font partie des nantis, une augmentation de 7 % plus une prime de 1500 euros, les pauvres……

  9. J’ai toujours dit qu’on ne se débarrassera des individus qui ont capté le pouvoir en France, par des moyens dits démocratiques!

    • Non, car on n’est jamais sûr de ne pas mettre alors en place qqch qui sera pire, cf. l’intervention de la France en Lybie…
      Il faut retricoter avec persévérance ce qui a été détricoté. Cela passe par la formation, par l’éducation de nos jeunes en priorité et cela prendra peut-e^tre plus d’une génération. A court terme, aucun espoir ! A long terme, une immense espérance !

    • Effectivement, quand il n’y a plus de démocratie, il est impossible de se défendre avec des moyens démocratiques ! mais des moyens violents peuvent engendrer une répression sans précédant et sans espoir de retour en arrière quant aux contrôle des populations. En fait, ils n’attendent que ça : le débordement !

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