[Point de vue] Jean Moulin, martyr une deuxième fois

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Pourquoi faut-il que Jean Moulin, l’un des plus grands héros de la Résistance, soit martyr une seconde fois ? Après l’avoir été de son vivant par les nazis et l’occupant allemand, le voilà qui le redevient à titre posthume, sous les éloges convenus et les récupérations de tous les petits politiciens et carriéristes de notre temps. Et il faut les voir, les uns après les autres, l’écharpe tricolore en bandoulière, multiplier les cérémonies, les hommages, les commémorations, les conférences, les projections cinématographiques, les dépôts de gerbes, et se parer de sa grandeur pour habiller leur petitesse.

Ah, comme ils sont innombrables, les résistants et les partisans d’aujourd’hui, eux qui n‘étaient qu’une toute petite poignée, en 43 ! Ah, comme ils sont démonstratifs ! Un peu partout, on organise des journées, des mois, des années Jean Moulin ; Jean Moulin superstar et à toutes les sauces, Jean Moulin remplit les cinémas, les médiathèques : les nazis ne sont plus là pour les en empêcher. Et même au théâtre, où l’auteur Jean-Marie Besset, égaré par ses obsessions, le transforme en champion de la cause homosexuelle ! On n’arrête pas le progrès, et il n’est pas de petite récupération, mais à Béziers, à la demande de sa famille, la pièce a été déprogrammée. Enfin, ne peuvent-ils pas le laisser en paix dans sa gloire, une gloire dont ils veulent, ici ou là, lui voler un confetti ?

Pauvre France ! Fallait-il que ces résistants, ces martyrs, assistent depuis le ciel de leur grandeur à ces mascarades officielles, à ces célébrations des nains contemporains, qui sont exactement l’inverse de ce qu’il était ? Un patriote, épris de liberté, et le plus désintéressé des hommes, puisqu’il était prêt à sacrifier sa vie pour défendre la liberté de son pays ? Il n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l’on aime. Alors que ses laudateurs d’aujourd’hui sont prêts à toutes les compromissions et à brader leur pays pour garder postes, places, honneurs et vanités.

De Gaulle, qui savait de quoi il parlait en la matière, définissait le collabo comme celui qui met sa carrière personnelle, son goût des vanités et des dîners en ville avant l’intérêt de son pays et des Français. Pourtant, ce sont ces faiseurs de carrières, prêts à toutes les courbettes pour un strapontin dans le théâtre politique, qui lui rendent des hommages ronflants, tous plus vibrants les uns que les autres.

Ce sont ceux qui se montrent incapables de résister seulement à un politiquement correct insupportable, à un conformisme étouffant — faits d’une occupation de l’esprit et d’un écrasement de la liberté de pensée —, qui viennent lui rendre hommage, à grand renfort de tambours et de trompettes, avant de retourner à leurs ego, leurs reptations et leurs compromissions, leurs revirements médiatiques et leurs discours changeants.

Pauvres gens, qui n’hésitent pas à piétiner les plus grands héros et les ramener à leurs tractations serviles ! Pour qui la conscience et son œil ne sont plus et, contrairement à Caïn, ne les regardent même plus. Les nains célèbrent le géant, ils espèrent dans son ombre voir pousser un peu leurs membres atrophiés, et donner de l’ampleur à leurs discours de comices agricoles.

Pourquoi, en un siècle où les progrès techniques sont innombrables, n’a-t-on pas encore inventé la machine à remonter le temps ? Qu’on les renvoie en 43 ! On les verrait tous se blottir les uns contre les autres, dans l’ombre tutélaire du maréchal Pétain.

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Jean-Pierre Pélaez
Auteur dramatique

Vos commentaires

14 commentaires

  1. 1 : Alors comment rendre hommage à Jean Moulin ?
    2 : Il y a les bons et les mauvais résistants, pour reprendre des propos récemment tenus. Par exemple, il y a ceux qui envisageaient de brûler la ferme de mon grand-père, et ce en pleine disette. Il nourrissait la moitié de la ville. Les prix Nobel se sont fait arrêter la veille de l’action prévue.

  2. Jean Moulin est un héros. Oui. Il s’est fait attraper. Mon grand père n’était pas un héros. Sous la contrainte ou pas il a travaillé pour les nazis. A la libération, des équipages de b17 sont venus témoigner à son procès. Il fallait surtout rester en vie. Je n’ai découvert cela qu’apres son décès. Les résistants n’ont pas tous été très propres. J’ai encore des témoignages signés par les conjoints de leurs victimes.

  3. Nos politiques sont des pleutres. Comment peuvent-ils croire à leurs discours. Par exemple, la guerre à la porte de l’Europe , ils veulent la perte de la Russie. Bien leur en fassent, mais oublient-ils notre sauve qui peut en 1940, ceux qui ont vraiment connu cette défaite sont morts, ils auraient minimum 102 ans. Né en 1942, j’ai connu huit ans de guerre en Algérie, j’ai perdu des copains, en ville c’était le terrorisme dans le Bled des accrochages disait-on. Quand vous vivez en vrai mais non pas en image dans La Chapelle ardente de l’hôpital militaire d’Alger , où une trentaine de Paras sont dans leurs cercueils, où un chaise à leur côté, une Mère, un Père, une Épouse, un frère, une sœur, leur parle comme s’ils étaient vivants, l’émotion vous submerge, et plus de soixante années après reste vivace. Alors ces va-t-en guerre devraient bien y réfléchir, car ces salopards seront les premiers à quitter l’Europe. N’oublions pas 25.000 militaires appelés laissèrent leurs vies en Algérie pour rien.

  4. J’aime bien la définition du collabo que donnait le Général. Ça en dit long en peu de mots. On est dans l’époque du retournement de veste, de l’en-même-temps, des grands mots pour les grands (ou petits) maux sans action ni remède. C’est l’époque de l’éolien en politique, celle du brassage de vent.

  5. Brillante analyse et description de notre triste époque et de ceux qui croient y jouer un rôle. De la race des géants, nous sommes passés au temps des petits, des médiocres, des incultes, des « casse toi pov con »…Le personnel politique de ce pays est à l’image de ce siècle. Il est sans valeur, interchangeable, et jetable comme tout ce qu’il produit.

  6. Avec l’innombrable masse de résistants héroïques régulièrement évoqués par leurs descendants en 2023 , on se demande vraiment pourquoi la France eu tant besoin des anglo-américains et soviétiques pour bouter dehors le nazi hors de nos frontières . Dès qu’un article de la presse évoque une «  gloire » locale ou un « talent » en devenir , il est question dans l’article , de l’aïeul résistant qui a brillamment combattu les troupes allemandes en France …c’est dingue

  7. Vous avez totalement raison monsieur Pélaez, et la privation des libertés exercée lors de la crise Covid est un exemple de leur lâcheté et de leur soumission. Comme le disait si justement Benjamin Franklin: « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité, ne mérite ni l’un ni l’autre et finit par perdre les deux ». Nous n’en sommes pas très loin.

    • Non, non, c’est fait. Et le pire est à venir. Vous n’aurez plus rien et vous serez heureux …. Regarder votre nouvelle feuille d’impôts …. Vous n’aurez plus rien et vous serez heureux !

  8. Je ne suis pas convaincu que Pétain ait été pire que Macron.
    Le premier était quand-même un héro de 14, et il faudrait faire le compte mais je ne sais pas si Pétain a fait déporter autant de gens que l’augmentation actuelle de la criminalité n’en tue, ajouté à l’augmentation terrifiante des suicides et aux victimes de l’inflation, ça doit être assez serré.
    Sincèrement, il faudrait faire le compte pour les départager.

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