Patrick Buisson, une personnalité hors les murs

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François Bousquet, écrivain et journaliste, auteur de La Droite buissonnière, livre dans lequel il faisait le portrait « d'un homme clivant, forcément clivant, qui a changé le visage de la droite » (Éditions du Rocher, 2017), rend hommage à Patrick Buisson.

« Si tous, pas moi. » Rien ne définit mieux Patrick Buisson que sa devise, qu’il avait empruntée aux Clermont-Tonnerre, l’une des plus illustres familles de France. Ce n’était pas seulement la droite, qui était chez lui hors les murs, c’était sa personnalité. Il cultivait sa différence au cœur du pouvoir républicain, lui le Vendéen, le Chouan, le royaliste, tenant à bonne distance les sentiers battus et rebattus : ceux dans lesquels il y a le plus d’ornières, ironisait un de ses maîtres, le grand historien Raoul Girardet, auteur de l’indispensable Mythes et mythologies politiques, le vrai terrain d’élection de Buisson.

Ce n’était pas un homme d’appareil, mais un « irrégulier », comme il lui arrivait de se présenter. Un « objecteur de modernité », dépositaire d’une tradition dont il se voulait le continuateur, en aucun cas le taxidermiste. Tout, sauf prêcher un conservatisme vaincu. Là où la plupart se cachent derrière leur petit doigt, lui assumait tout, ne retirait rien de sa biographie. Il s’en enorgueillissait plutôt, à commencer par son père, Camelot du roi et militant d’Action française, cette Action française que Gérald Darmanin se verrait bien faire interdire, à tout le moins bâillonner.

Libérer la droite de son inconscient de gauche

S’il y a aujourd’hui une droite décomplexée, elle emprunte les chemins que Patrick Buisson a balisés parmi les premiers, il y aura bientôt vingt ans. C’est une droite délestée de son surmoi gauchiste, pour qui le camp progressiste n’est plus l’instance en dernier ressort qui décide de l’acceptable et de l’inacceptable. Pour cela, il a fallu mener une véritable guerre culturelle et une réappropriation du lexique. Au lieu de reprendre le vocabulaire de l’adversaire, Buisson a tiré de leur bannissement les mots et les morts de l’identité française. Au fond, il aura été le psychanalyste de la droite, qu’il a couchée sur le divan et délivrée de ses complexes.

Il ne se résolvait pas à l’impuissance théorique de la droite. Au demeurant, il restait persuadé que l’axe droite-gauche continue de structurer le paysage politique, nonobstant la polarisation actuelle autour d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen. S’il y a d’ailleurs un leitmotiv qui scande dans la durée sa vie politique, c’est l’union des droites, qu’il aura vainement attendue. De Patrick Buisson à Éric Zemmour, la ligne reste la même : dynamiter le politiquement correct et opposer la force du mythe politique à l’emprise du marketing et de la communication. Pour Buisson, Nicolas Sarkozy aura été l’instrument inconscient de cette opération de désenvoûtement des droites. De tous les hommes politiques que Buisson a conseillés, c’est le nom que l’Histoire retiendra à travers le témoignage que le conseiller en a livré dans La Cause du peuple, vertigineuse plongée dans les coulisses du pouvoir. À bon droit, Buisson a pu s’enorgueillir d’avoir « restitué un état civil à des idées que l’on croyait avoir été bannies pour l’éternité des plus hautes sphères du pouvoir ». C’était forcément un exercice d’illusionnisme, qui ne pouvait durer que le temps de la représentation théâtrale : l’élection.

Pionnier du renouveau des droites

On rencontre peu d’hommes intelligents dans une vie, je veux dire : authentiquement intelligents, porteurs d’une vision du monde. Quatre ou cinq, tout au plus – pour les plus chanceux d’entre nous. Buisson fait partie du petit nombre. On l’écoutait, littéralement médusé. Incollable sur le cinéma français, le théâtre d’Anouilh et de Guitry, les chansons de Ferré et le chant grégorien, il aimait par-dessus tout l’Histoire de France et la littérature de notre pays. Un de ses plus grands livres, 1940-1945, Années érotiques, joyau de sociologie des comportements, réunit ses deux passions. Plus que journaliste, plus que politologue, plus que conseiller du prince et prince des conseillers, il fut d’abord un incomparable historien des mentalités qui nous laisse, avec La Fin d’un monde et Décadanse, une double somme sur les années 1950-1970 qu’il concevait comme un projet d’anthropologie intégrale. Le déclin et la chute de l’empire du Père. Une enquête-fleuve qui se lit comme un polar : un polar métaphysique, un polar anthropologique, un polar culturel sur le meurtre du Père – et d’abord de Dieu le Père. Et lui, c’est à la droite de Dieu (forcément) qu’il se plaçait. Toujours à contre-courant.

Il nous quitte subitement alors qu’il travaillait à son prochain livre, un livre de souvenirs et d’hommages, le kaléidoscope d’une vie, à travers les portraits de ceux qu’il avait aimés et admirés : les maîtres de sa jeunesse bien sûr, les historiens Philippe Ariès et Raoul Girardet, rejoints par Pierre Chaunu et d’autres ; et tous ces anars virant réacs qu’il avait côtoyés dans les années 1980 à Minute, quand l’hebdomadaire vendait à plus de 200.000 exemplaires les Léo Malet, Alphonse Boudard et même, de loin en loin, Michel Audiard. Les derniers tontons flingueurs. Il était de la famille, comme le montre l’un de ses plus beaux films, Allez-y sans moi !

Mais l’Histoire n’a cependant pas dit son dernier mot. Impossible de comprendre les années 2010-2020 et le renouveau conservateur sans mettre en perspective le combat culturel pionnier qu’il a mené. Avant la Manif pour tous et les années Bolloré, il y eut la ligne Buisson, qui a préparé le terrain de la reconquête.

François Bousquet
François Bousquet
Rédacteur en chef d’Éléments et directeur de la Nouvelle Librairie

Vos commentaires

22 commentaires

  1. Je prie pour Patrick Buisson et j’ai une pensée pour sa famille ! Ca a été un choque pour moi d’apprendre son décès et ca m’a fait beaucoup de peine. Pourquoi ? Parce que il aura été pour moi et pour tous les Patriote Français orphelin du Général de Gaule et du Gaulisme le Père du Patriotisme et de l’Amour de France au même titre que Philippe de Villiers ! Amitiés à tous Hervé de Néoules !

  2. Monsieur Patrick Buisson est de ces personnes dont nous regretterons la plume. Merci monsieur Bousquet pour cet hommage à ce grand personnage. Condoléances à sa famille et à ses proches.

  3. l’union des Droites ne signifie plus rien; elle avait un sens lorsque la France maitrisait son destin mais ce n’est plus le cas aujourd’hui; désormais c’est l’Europe qui gouverne et nos sommes devenu un simple département de cette Europe gouvernée par l’Allemagne sans influence possible sur notre destin; l’Union qu’il faut construire c’est l’Union de TOUS les patriotes français , une union basée sur le retour de la suprématie du droit français sur le droit européen et malheureusement il nous faut constater que LR ne fait rien pour nous rendre notre suprématie, LR se couche ; Chirac n’a pas voulu des racines chrétiennes de la France, Sarkozy conseillé par Buisson a même poussé le bouchon jusqu’à contourner le référendum des français. Il ne faut plus parler de droite mais de patriotes, souverainistes souhaitant le retour à notre France éternelle! si Ciotti, Wauquiez , Bellamy etc veulent rejoindre ces patriotes où ils retrouveront RN, Reconquête, NDA, Philippot tant mieux sinon tant pis pour eux et LR

    • Sauf que la Gauche,elle est là, et bien là. Le débat de fond, la problématique qui conditonne toutes les autres nous l’avons vue sur BFM au cours du débat entre Marion Maréchal et Mathilde Panot (2° article le plus lu du mois de BV) : Pour « répondre » efficacement à LFI, il faut un solide logiciel de Droite (avec beaucoup de Giga de mémoire vive). Au moindre compromis, vous êtes mort ! l’union des patriotes avec des Chevènement et des Montebourg qui votent Macron, c’est pas simple. Quant au patriotisme pcF Roussel côte de boeuf et fromage il montre assez vite ses limites.

  4. Très bel article. l’Histoire n’a pas dit son dernier mot. La Droite, qui était chez lui hors les murs … parce qu’elle plongeait dans les racines les plus profondes de la France. de l’Histoire de France. Pas étonnant que Philippe de Villiers dont il faut écouter et réécouter le Conte de Noël et Patrick Buisson aient été les grands inspirateurs du parti de la RECONQUETE.

  5. Le talent est une chose, la personnalité une autre. Lorsqu’on a servi Sarkozy, cette ombre couvre l’œuvre d’un certain voile… Tel maître, tel valet !

  6. L’Union des Droites est indispensable pour prendre le pouvoir. Ne pas le comprendre ou le vouloir le comprendre est stupide. En ça , la Gauche est moins bête que la Droite, elle a créé la Nup’s et a raflé des postes de députés qu’elle n’aurait jamais eus sans cette union …qui s’est révélée bidon, mais ça c’est une autre histoire

  7. Rien ne meurt en politique. L’union reste toujours possible. Il faut être optimiste en cette période de renouveau de la lumière

  8. Union des droites avec des lr élus grâce aux voix du Centre, des nationaux avec des européistes forcenés.
    Ca me rappelle Pompidou qui fit entrer le centre au gouvernement en 1969. 2 ans plus tard, il fit intégrer le GB dans l’Ue. Vrai ou faux, réaliste ou utopique?

    • « L’union des droites » avec tous ces partis qui ne sont pas de droite n’a aucune possibilité d’être une réalité. La gauche étant collectiviste et donc la droite étant individualiste (par effet miroir), élitiste, on voit que SEUL le parti macroniste est réellement de droite en France aujourd’hui, le seul vraiment élitiste, favorisant son aristocratie mondialiste richissime pour exploiter le peuple. – – – – – – – Les partis démocrates – enfin, ceux qui ne sont pas pour favoriser l’Union Européenne, évidemment – sont donc au Centre (RN, DLF, Les Patriotes…), équilibrant collectivisme et élitisme. – – – – – L’union du Centre aurait, elle, une réelle possibilité d’exister. – – – – – – Seulement voilà, il faudrait accepter la réalité de ce qu’est la droite, le centre, la gauche. Et bousculer ses préjugés est un effort que bien peu sont capables de faire.

  9. « hommage à un homme de l’union des droites ». L’union des droites est morte avec lui, n’est ce pas MLP ?

    • Union des droites avec des forcenés du Centre , européistes. Les prétendus droitistes ne le sont que pendant les zélections, le temps de ramasser la gamelle électorale. Rappelez vous de 1969 avec Pompidou qui intégra la centristes et la GB dans l’Ue. Et Chirac qui ne fut jamais de droite.

      • Il faut donc préciser quelques « points » pour (vous) dire ce qu’est la Droite. 1/La Droite c’est le contraire de la gauche (Monsieur de La Palice) et donc le contraire de ce que l’on entend chez Hollande, chez Taubira, chez Vallaud&Belkacem, chez Mélenchon, chez Rousseau, Autain, Jadot, Panot, Borne etc….2/C’est encore moins le wokisme, le macronisme, qui, pour faire simple, sont des idéologies qui croient possible d’affirmer simultanément une chose et son contraire et qui pour cela devraient faire l’objet d’une branche spécialisée de la psychiatrie 3/Positivement la Droite est une philosophie politique qui, pour formuler son projet de société, veut tirer le meilleur profit de l’expérience et des connaissances accumulées par l’Humanité en gardant la conscience de la pluralité de ses limites et de celles de la Nature quand la Gauche est fondamentalement utopiste jusqu’à jouer les apprentis sorciers. Clémenceau disait : On reconnait un discours de Monsieur Jaurès au fait que tous les verbes sont au futur.
        En conclusion, cette définition est suffisemment large, mais suffisemment précise aussi, pour permettre l’ union la plus large, centrée sur l’essentiel, je devrais dire le primordial : La France et les Français. Rien à voir donc avec la créolisation, l’immigration, l’islamo-gauchisme, l’assistanat, la mondialisation, l’égalitarisme, le laïcisme, l’UE, l’alignement US etc.
        Préférence nationale, exception et excellence de la culture française, mérite et travail, école, industrie et agriculture françaises, famille et natalité française, revitalisation des campagnes et de la ruralité, etc.

  10. Laurent Ruquier victime de la ligne Buisson ? En tout cas être copain et coquin avec le chef ne suffit pas à faire de l’audience….

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