Passe sanitaire : que cherche Macron ?

Capture d'écran
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Lors de son allocution du 12 juillet dernier, le président de la République a annoncé une extension du passe sanitaire à des activités de la vie courante (restaurants, bars, musées, bibliothèques, clubs sportifs…). Par ce revirement, le gouvernement ayant affirmé pendant des mois qu’il resterait limité aux événements rassemblant plus de 1.000 personnes, Emmanuel Macron prend un risque politique. Mais que cherche-t-il à y gagner ?

La réponse est simple et connue de tous : être réélu en 2022. Et pour cela, quoi de mieux qu’une victoire contre le Covid-19 ?

Il est plus que temps : après 18 mois de crise, les Français sont exténués. De plus, sans présager de l’avenir, les différentes vagues du virus sont, pour l’instant, de moins en moins mortelles et il n’est pas exclu que la crise s’éteigne d’elle-même.

Il est donc urgent de faire un coup d’éclat pour s’attribuer le bénéfice de la sortie de crise. Ce coup d’éclat ne peut passer que par la vaccination puisque le gouvernement répète depuis le début que c’est la seule solution. Un revirement sur les traitements, la prévention, l’augmentation de la capacité hospitalière sont exclus car les commentateurs auraient tôt fait de rétorquer : pourquoi ne pas l’avoir fait avant ? L’autre avantage du vaccin est de faire table rase du passé : le gouvernement ne pouvait pas gérer la crise différemment (confinements, couvre-feux, fermetures de commerces) car on ne disposait pas encore de vaccins.

Le France doit donc devenir la championne de la vaccination grâce à Emmanuel Macron. Deux solutions s’offrent à lui : l’obligation vaccinale générale ou l’extension du passe sanitaire. La deuxième solution semble plus sûre juridiquement et permet au Président de ne pas trahir sa promesse de liberté de choix. Mais ça n’est peut être qu’une première étape. De toute façon, le résultat attendu est similaire.

Et ce résultat ne s’est pas fait attendre : la France a rattrapé son retard sur les pays les plus vaccinés mais, surtout, le fléchissement qu’on observe dans les autres pays (en général vers 70 % de 1re dose) ne se produit pas. La France va donc probablement devenir l’un des pays les plus vaccinés d’Europe (voire du monde) et Emmanuel Macron pourra s’en attribuer le mérite.

La dernière étape est de montrer que cette vaccination permet de lutter efficacement contre le virus. Pour la vague due au variant Delta, il semblerait que le pic de l’épidémie se soit déroulé le 15 août (pour le nombre de cas). On peut donc communiquer sur le succès de la vaccination et la victoire du Président sur le variant Delta.

Reste le problème d’une possible vague à l’automne. L’épidémie du variant Delta s’est surtout vue à travers le nombre de cas bien plus qu’à travers le nombre de morts, qui est resté bien plus limité que pour les autres vagues. On peut penser qu’il en sera de même pour la prochaine vague. Or, à partir du 15 octobre, les tests de dépistage ne seront plus remboursés que sur prescription médicale, le nombre de tests (et donc de cas) va fortement diminuer, surtout que les vaccinés ne sont généralement pas testés. Les communicants pourront donc choisir un nouvel indice pour mesurer la gravité de l’épidémie et, donc, prouver l’efficacité de la vaccination poussée par Emmanuel Macron.

Reste à aborder la question des opposants au passe sanitaire. Quel que soit leur nombre réel, il ne font, en majorité, pas partie des électeurs potentiels d’Emmanuel Macron et son cœur de cible continue de le soutenir fortement. « À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire » : un peu d’opposition ne peut que renforcer la stature du Président et souligner son courage. À condition, bien sûr, que cela ne dure pas trop longtemps (la crise des gilets jaunes avait fini par ternir l’image du Président). Il sera alors temps de supprimer le passe sanitaire qui aura rempli son office.

Pour résumer, la décision du Président de généraliser le passe sanitaire est un coup politique qui a toutes les chances de se révéler gagnant. Il devrait lui permettre de sortir grandi de la crise sanitaire et en position de force pour la prochaine présidentielle.

Nicolas Hague
Nicolas Hague
Analyste informatique

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