Parcoursup : le test pour s’inscrire en droit est-il utile ?

Les lycéens qui, depuis le 15 janvier, date d’ouverture de la plate-forme Parcoursup, ont voulu postuler en droit ont découvert, en remplissant leur candidature en ligne, qu’ils devaient obligatoirement répondre à un test de 25 questions à choix multiples. Il n’en faut pas plus pour susciter les critiques, non pas d’élèves, mais de professeurs ou de syndicats qui réagissent par des réflexes pavloviens dès qu’ils soupçonnent un brin de sélection. D’autres, qui ont pris le temps de lire intégralement le document, ont reconnu qu’il pouvait être utile.

Ce « questionnaire d’auto-évaluation » est précédé d’instructions à lire attentivement avant d’y répondre. Il est précisé à l’intention des postulants que "répondre à ce questionnaire est obligatoire, mais [que] ses résultats ne seront à aucun moment pris en compte dans le traitement de [la] candidature". Il s’agit simplement d’une auto-évaluation destinée à éclairer sur les attentes concrètes qui se trouvent derrière les « attendus » de la discipline. Ce questionnaire a d’ailleurs été testé sur un panel de lycéens et d’étudiants de première année en droit.

Mais, justement, répondent ses détracteurs, « [il] est très anxiogène. L'auto-évaluation de l'élève, c'est une sélection déguisée […]. Le fait de ne pas se sentir suffisamment compétent risque de générer de l'autocensure chez certains élèves, qui ne postuleront pas dans la filière." Si l’on comprend bien, il ne faut surtout pas qu’un élève de terminale ait conscience de ses lacunes : cela pourrait le décourager et il pourrait renoncer à prétendre à cette filière !

D’autres dénoncent la difficulté de l’exercice : examinons-le donc de près. La première section vise à évaluer les qualités rédactionnelles, notamment l’orthographe, avec des questions comme "Quelle est la forme correcte du verbe “effectuer” qu’il faut employer dans la phrase suivante : “Les démarches administratives que vous avez [effectuer] sont importantes pour votre dossier” ? » Pas évident pour des élèves de 17-18 ans, n’est-ce pas ?

La deuxième section pose, à partir d'un article de presse sur les enfants nés par GPA à l'étranger, des questions de compréhension. Le texte est limpide et il suffit de comprendre ce qu’on lit pour en déduire les réponses. Les deux sections suivantes ont pour objectif d’évaluer la logique, l’ouverture internationale et les compétences linguistiques. Enfin, une dernière partie propose cinq questions de culture générale. Bref, un bagage minimal pour entreprendre des études de droit.

Tout élève moyen, qui a acquis des savoirs et des méthodes de base, pourrait réussir convenablement cet exercice. Seulement, voilà ! Il pourrait dissuader ceux qui ont de profondes lacunes en expression écrite, en analyse de texte, en logique ou en culture générale, de s’inscrire. Et cela, c’est insupportable !

Ces hérauts de l’égalitarisme sont tellement aveuglés par leurs préjugés qu’ils se moquent que des élèves qui n’ont manifestement pas le niveau pour ce type d’études se précipitent vers un échec quasi assuré. Et pourtant, ce test, qui est obligatoire et non pas éliminatoire, ne permet-il pas aux élèves de mesurer leurs atouts et leurs faiblesses et de prendre une décision d’orientation en toute connaissance de cause ?

« Connais-toi toi-même », pouvait-on lire sur le fronton du temple de Delphes. L’application de cette démarche, reprise par Socrate, éclaire l’homme sur ce qu'il est et ce qu'il peut ; elle le préserve des illusions, l’incite à combler ses lacunes pour progresser et à s’abstenir de ce qui le dépasse. Cette sagesse, ces ennemis jurés de la sélection et du mérite semblent la mépriser.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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