La mise en place du nouveau système d'orientation des lycéens, Parcoursup, suscite des inquiétudes et des oppositions. Cela est bien naturel, tout changement est, pour ceux qui sont concernés, la sortie d'un état connu pour entrer dans l'inconnu. Même si la situation qui change n'est pas satisfaisante, les acteurs en connaissent les défauts et s'y sont adaptés le plus souvent. Se réadapter à un nouveau système signifie des efforts, des souffrances possibles sans certitude d'une amélioration, voire avec la possibilité d'une dégradation pour les acteurs.

Mais, pour juger de la pertinence du changement, il faut juger de ses intentions et de l'état final prévisible du système. Pour Parcoursup, l'intention est de réduire le taux d'échec important des étudiants en première année par une meilleure adéquation entre leurs capacités et celles nécessaires pour réussir dans une filière supérieure. En évitant le tirage au sort, aberration qui va à l'encontre des fondements mêmes de l'instruction et qui justifie, à lui seul, la condamnation du système précédent qui y avait recours. En évitant également une présence massive d'étudiants inadaptés, qui ne peuvent réussir, surpopulation nuisible à la réussite des autres.

Aucun système n'est parfait, Parcoursup a l'avantage d'améliorer son prédécesseur. Cela devrait inciter tout le monde, et en premier lieu les services du ministère et les universités, à soutenir Parcoursup. Pourtant, certains services du ministère et certains universitaires s'échinent à lui mettre des bâtons dans les roues.

Une note confidentielle de l'IGAENR (Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche) pointe des "difficultés philosophiques ou techniques" dans la mise en œuvre des procédures d'examen des candidatures par les universités.

L'IGAENR est dans son rôle en alertant le ministre quand un problème se pose. Mais si cette note « confidentielle » se retrouve dans Le Monde, c'est que son producteur l'a fait fuiter. Cela illustre la guérilla que mènent certains hauts fonctionnaires contre la politique nouvelle du ministère en faveur de l'école. En particulier, parler de difficultés "philosophiques" est une pique contre la présidente du Conseil supérieur des programmes, Souâd Ayada, nommée par M. Blanquer et ancienne doyenne de l'Inspection générale de philosophie. Signe de la guerre que se livrent les deux inspections, IGAENR et IGEN, la première chargée du contrôle de l'administration, la seconde de la pédagogie.

Les difficultés techniques que soulève l'IGAENR sont liées à l'impréparation des universités dans la mise en place des « attendus » propres à chacune et qui doivent être présentés sur Parcoursup aux lycéens pour qu'ils puissent faire leurs vœux de manière éclairée. Il y a également une impréparation dans les modalités de remise à niveau qui peuvent être proposées aux bacheliers qui voudraient étudier dans une filière pour laquelle leur baccalauréat ne serait pas adapté.

Tout cela est sans doute vrai, et inévitable vu la rapidité de la réforme. Le temps politique, en république, est un temps court, alors que c'est un temps long que nécessite toute action en profondeur. Il faut donc accompagner les universités et les aider. C'est, d'ailleurs, ce que fait le ministère à travers des outils dont l'IGAENR recommande une meilleure publicité.

Les difficultés philosophiques sont que certains craignent que Parcoursup n'introduise une sélection dans l'accès à l'université. C'est le cas de certains présidents d'université et des enseignants-chercheurs en sociologie, ceux-ci appelant carrément les professeurs à ne pas participer à l'examen des dossiers des candidats. Une telle attitude révèle une double hypocrisie.

La première est de ne pas vouloir voir que la sélection existe de fait. Quand 60 % des étudiants de première année échouent, c'est une sélection drastique qui s'effectue. Et une des pires qui soient puisque c'est une sélection par l'échec et qui ne dit pas son nom.

La deuxième est que ces professeurs qui refusent de participer à une sélection plus juste ne subissent pas, pour la plupart, les conditions d'enseignement en première année. Ce sont le plus souvent des professeurs, agrégés, détachés du secondaire (PRAG) ou des étudiants préparant une thèse (ATER) qui y font cours. Les enseignants-chercheurs préférant dispenser leurs heures de cours aux étudiants de master, quand, donc, la sélection s'est déjà faite.

Le drame, c'est que ces comportements corporatistes qui se parent du voile de l'intérêt général pénalisent, au final, les futurs étudiants.

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17 mars 2018 à 10:29

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