« Ces accusations sont gravissimes et interrogent sur le rôle de Marlène Schiappa dans cette affaire alors qu’elle affirmait, en juin 2022, avoir validé personnellement, avec son cabinet, le choix des bénéficiaires et la ventilation des subventions. » Nouveau rebondissement dans l’affaire du « fonds Marianne », nom donné au fonds créé au printemps 2021 par Marlène Schiappa, alors secrétaire d’État à la Citoyenneté, pour mener le combat républicain contre l’islamisme sur les réseaux sociaux et autres plates-formes. Quelques jours après les premières révélations dans la presse, le groupe Rassemblement national à l’Assemblée demande l’ouverture d’une enquête parlementaire afin de faire la lumière sur l’utilisation des deniers publics par ce drôle de fonds. Le groupe PS au Sénat propose également d’ouvrir une commission d’enquête sur ce qu’il qualifie de possible « scandale d’État ». Dans la foulée, Mathilde Panot, chef de file de La France insoumise à l’Assemblée, a annoncé, ce 14 avril, avoir saisi le procureur de la République.

Les photos de Marlène Schiappa dans le magazine Playboy n’auront pas suffi à faire oublier la polémique. Créé en avril 2021, à la suite de l’assassinat de Samuel Paty, le fonds Marianne devait permettre de lutter contre la radicalisation en ligne. Après un rapide appel à projets, 17 candidatures – sur les 47 déposées – étaient retenues pour se partager la bagatelle de deux millions d’euros. Mais, malgré un lancement médiatique et des montants non négligeables, le fonds Marianne n’apparaît sur aucun document fiscal de l’État. Le nom des lauréats est également tenu secret. Il faut attendre une enquête du magazine Marianne – sans aucun lien avec le fonds Marianne – en partenariat avec la rubrique du JT de France 2 « L’Œil du 20 heures », réalisée à la fin du mois de mars dernier, pour voir émerger les premières informations à ce sujet. Depuis, les révélations médiatiques se multiplient sur la répartition de cette enveloppe. Au fil des enquêtes, deux noms d’associations bénéficiaires émergent du lot.

Deux associations dans le viseur

La première, l’Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire (USEPPM), association reconnue d’utilité publique dont la mission actuelle s’éloigne progressivement de son nom si complexe, aurait décroché le gros lot. Selon l'hebdomadaire Marianne, cette association, installée dans les beaux quartiers de la capitale, aurait perçu 355.000 euros du fonds Marianne. Une somme revue à la baisse par Mohamed Sifaoui, l’un des membres de l’USEPPM mis en cause, qui assure que l’association n’aurait touché « que » 266.250 euros. Au-delà des chiffres, c’est la production réalisée par l’USEPPM pour lutter contre la radicalisation qui pose problème. Celle-ci semble bien faible au regard de la subvention versée. En effet, sur iLaïc, un site Internet développé pour défendre la laïcité, on ne trouve que quelques brèves. D’autre part, les réseaux sociaux du collectif enregistrent de bien maigres performances : 1.535 abonnés sur Twitter après deux ans et demi d’existence, 153 sur Instagram, 29 sur la chaine YouTube et seulement 5 sur Facebook ! Un faible bilan que justifie Mohamed Sifaoui, dans un communiqué publié sur son compte Twitter, ce 12 avril. « Une partie du travail ne pouvait pas être publiée avant sa finalisation », explique-t-il.

Le gouvernement assure que « seize des dix-sept associations lauréates justifient de leur bonne utilisation » mais un autre bénéficiaire du fonds Marianne pose pourtant question. La Rencontre en commun, association fondée fin octobre 2020 et officiellement enregistrée en février 2021, rassemble plusieurs personnalités plus ou moins proches du Printemps républicain. Selon les informations de Mediapart, ce jeune collectif promettait de « déployer un discours républicain adapté aux codes et référents culturels des 18-25 ans sur les réseaux sociaux et sur le Web ». Un projet qui, sur le papier, s’inscrit parfaitement dans les codes du fonds Marianne. L’ennui est que dans les faits, nombre de vidéos – toutes produites entre janvier et septembre 2022 – s’apparentent davantage à des outils de campagne pro-Emmanuel Macron. Dans l’une d’elles, publiée quelques jours avant le début des élections législatives, la polémique McKinsey est reléguée au rang de « faux scandale » et le parti présidentiel est présenté comme le « camp de la raison » face à la NUPES et au RN. D’autres vidéos, sur les racines chrétiennes, le privilège blanc ou le wokisme semblent bien éloignées du thème de l’islamisme et de la radicalisation. Pourtant, d’après les comptes de l’association, La Rencontre en commun a bénéficié d’une première subvention de 247.500 euros, complétée par une seconde de 82.500 euros versée par le fonds Marianne. À cela s’ajoute une subvention du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, versée en 2020 avant même le début de l’association, d’un montant de 29.250 euros.

Pour s’expliquer, Marlène Schiappa s’est fendue d’un communiqué de presse succinct. Sans doute devra-t-elle se montrer plus loquace face à une commission d’enquête parlementaire.

11817 vues

14 avril 2023 à 20:54

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.

37 commentaires

  1. Plus on en sait sur ces fonds destinés à ces sortes de comités théodules que sont les associations ,dont le rôle est plutôt opaque et les résultats aléatoires, plus on se dit que tout cela ressemble à de la récompense ou de l’achat de voix . Les fonds pourrraient bien se retouver dans les poches de celui qui les a généreusement distribué , une fois lessivé par les même associations dont les comptes de fonctionnement sont souvent plus important que ceux alloués à leur destination première qui était la lutte contre l’islamisme sur les réseaux sociaux . Je peux me tromper, mais une fois de plus on va plus parler des questions portant sur l’utilisation des fonds et non pas de leurs finalité première . C’est particulièrement injuste de constater tout cet argent distibué ,en veux tu, en voilà, pendant qu’au quotidien,du fait d’une inflation galopante nous comptons chaque euro dépensé et on ne nous fait pas de cadeau. Au contraire , je constate que plus on donne d’un côté et plus on en redemande de l’autre ! En tout cas cela n’empêche visiblement pas Marlène qui visiblement a pris cela, avec beaucoup de désinvolture ,de s’illustrer dans play boy pour rappeler qu’elle existe et cela n’empêchera pas les frères musulmans de dormir sur leur deux oreilles et de prêcher sur les réseaux sociaux pendant que l’arcom surveillera de près dans les médias ,le moindre dérapage venant du RN ou de Reconquête .

  2. Cela a toujours existé, du plus petit niveau de nos élus jusqu’aux plus hautes sphères de l’ Etat , l’argent du contribuable est distribué sans compter , mais à l’inverse lorsqu’il s’agit de ses propres deniers , les Harpagon sont nettement moins généreux et prestes à protéger leur cassette. Quand à Mme Schiappa , elle n’en est plus à une entourloupe près , allez savoir peut-être a t-elle payé pour avoir l’exclusivité dans Playboy ???

  3. L’ état français est pourri jusqu’à la moelle, seule une grande lessive bien sanglante et bien profonde pourra le ramener à la réalité !!!

  4. Là aussi il y aurait des e économies à faire : supprimer tous ces comités Théodule pompe fric que nous subventionnons avec nos impôts et sans contrôle l

    1. Non. Dans notre démocratie populaire, tout est verrouillé, même le Conseil Constitutionnel. C’est la définition même du totalitarisme.

  5. Ce n’est pas très gentil de poser une telle question à des gens de si haute intégrité.

  6. Il y a pas mal de politiques impliqués. On ne connaîtra jamais la vérité. Affaire qui sera étouffée, mais confirmera la présence de politiciens mafieux et le détournement à grande échelle de l argent public( donc le notre ).

Les commentaires sont fermés.