Opéra Bastille : restauration à 400 millions d’euros ou dernier acte ?

L’opéra « moderne et populaire » voulu par Mitterrand n’a jamais été ni populaire ni moderne.
© Samuel Martin
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C’était un des grands chantiers de l’ère Mitterrand, voulu par Jack Lang et le Président : l’opéra Bastille. Si Jack Lang est toujours debout, allant sur ses 86 ans, il n’en va pas de même du bâtiment de l’opéra. Même pas quadragénaire, l’édifice - château branlant - menace ruine.

L'opéra Bastille est le fruit d’un énorme malentendu. Ayant reçu 750 projets anonymes pour le nouvel opéra, le jury s’est évertué à deviner quel architecte avait proposé quoi. Un dessin a paru être du célèbre Richard Meier. Le dallage de la façade est si séduisant ! Projet retenu. Il s’avère que c’est celui d’un quasi inconnu, Carlos Ott. Pas grave, le temps presse : le président de la République veut son opéra pour le bicentenaire de la Révolution.

Malfaçons et mal foutu

L’opéra Bastille est donc inauguré en juillet 1989. Coût du machin : l'équivalent de 784 millions d’euros d’aujourd’hui. Le prix s'oublie, la qualité reste ? Non. Dès 1990, une dalle de la façade se décroche car, pressé par le calendrier des festivités nationales, les constructeurs ont dû bricoler. Il faut poser 5.000 m2 de filets de sécurité pour que les mélomanes et les passants n’aient pas le crâne fracassé. Long, très long procès — les filets restent quatorze ans sur la façade qui donne sur la place, et ils sont toujours présents sur une grande partie des murs de la rue de Lyon. Un nouveau revêtement est posé en 2007-2009 aux frais des entrepreneurs. On enchaîne avec une mise aux normes de sécurité de l’intérieur du bâtiment, représentant douze millions d’euros.

Tous ces rafistolages ne changent rien aux défauts de conception : « Un bâtiment froid, sans âme, une acoustique qui ne fait pas l’unanimité », écrivait Radio France, il y a quelques années. Le récent constat de la Cour des comptes est aussi cruel : l’opéra est à la recherche d’une « identité qu’il n’a pas encore trouvée aujourd’hui ». L’opéra « moderne et populaire » que souhaitait Mitterrand n’a jamais été populaire et, vu son vieillissement rapide, jamais moderne.

L’opéra de quat’sous… et quelques millions d’euros

Car il vieillit mal, l’opéra Bastille. Contrairement à la forteresse du même nom, il choit de lui-même. Le lièvre a été levé fin 2024 par la Cour des comptes. « À Bastille, après 32 ans d’activité sans opération d’ampleur, la rénovation ("grand carénage") a désormais acquis un réel caractère d’urgence (étanchéité des toitures, rénovation de la machinerie scénique, cintres, fosse, cadre de scène, etc.) », explique son rapport (p. 7). La Cour estime à 40 millions d’euros les travaux d’urgence. Le coût total avoisinerait les 200 millions d’euros (p. 69).

Estimation basse, en réalité. Interrogée en audition à l’Assemblée nationale fin mai, Rachida Dati donne le chiffre de 400 millions d’euros. Effarant ! La moitié du prix de construction d’un bâtiment qui fête ses 36 ans… Les travaux s’échelonneraient à partir de 2030. Si tout ne s’est pas cassé la margoulette d’ici là, car, à en croire le ministre de la Culture, « la scène peut s’écrouler ».

Modernes et populaires, les grilles de chantier? © Samuel Martin

Coûts de construction, coûts d’entretien, coûts de fonctionnement, coûts de rénovation : les bâtiments modernes ont tendance à être des puits sans fond, des dévoreurs de subventions et de dotations. On incrimine volontiers la mégalomanie de Mitterrand, mais voyez le Centre Pompidou. Intégralement restaurée au bout de vingt ans d’existence en 1997, la plus coûteuse des plomberies est de nouveau restaurée, là encore à coups de centaines de millions d’euros. Le Centre n'a pas cinquante ans.

« Lorsque j’ai quitté l’Opéra en 2004, expliquait l’ancien directeur de l’opéra de Paris Hugues Gall en 2019, la subvention publique représentait 60 % du budget ; aujourd’hui, c’est 40 %. Et il n’y aucune raison pour que la tendance s’inverse. » C’était le bon temps, comprend-on selon la logique socialiste, de « C’est Nicolas qui paye ». Actuellement, dit le site forumopera, le succès apparent de l'opéra Bastille « repose sur une subvention publique massive : 123 euros par billet vendu, ce qui alimente les accusations de redistribution sociale "à l’envers" ». Aussi certains, comme Jean-Pierre Robin, dans Le Figaro, s’interrogent-ils : le moment n’est-il pas venu de démolir l’opéra Bastille ? Faire table rase de ce laid et coûteux symbole du socialisme mitterrandien serait une vraie révolution !

Un coin de l'Opéra, entre filets de protection et végétalisation cache-misère. © Samuel Martin

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Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

63 commentaires

  1. L’Arche de la Défense a subi le même sort. Il faut aussi se souvenir de l’effondrement du terminal 2E à Roissy en 2004 tuant quatre voyageurs étrangers et blessant sept personnes. Le Centre Pompidou qui ressemble à une raffinerie nous coûte aussi une fortune. Quand le bâtiment va, tout va !

    • Le centre Pompidou a été construit avant Mitterrand et sont architecture bien que surprenante au début permet d’avoir la totalité des plateaux disponible pour l’aménagement des expo du fait que toutes les servitudes sont a l’extérieur (électricité, monte charge, eau, clim, escalier)

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