Olivia Sarton : « La GPA éthique n’est pas un acte compassionnel entre deux femmes, c’est une violation du droit des enfants »

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Samedi 19 mars, la mairie de Paris accueille en ses locaux un colloque pro-GPA. Un acte emblématique du « double langage de la France », selon Olivia Sarton, directrice scientifique des Juristes pour l’enfance.

 

Iris Bridier. Samedi prochain, l’association CLARA organise un colloque de promotion de la GPA tandis que la pratique est encore interdite en France. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Olivia Sarton. Un colloque peut toujours être organisé, y compris sur une pratique illégale en France, pourvu que cela reste un débat d’opinion. Ce qui porte atteinte à la loi française, c’est quand est organisée, parallèlement à ce colloque, une mise en relation avec des professionnels de la GPA, c’est-à-dire des personnes qui proposent des prestations de GPA. Or, en France, l’activité d’intermédiaire en vue de la GPA est sanctionnée. Et que ce colloque se déroule dans les locaux mis à disposition par la mairie de Paris est choquant et emblématique du double langage de la France, qui l’interdit sur son sol, considérant qu’elle porte atteinte aux droits des femmes et des enfants, et l’encourage dès lors qu’elle est réalisée à l’étranger.

 

I.B. Leur argumentation repose sur la liberté de la femme à disposer de son corps, à qui il appartient de décider de venir en aide ou non à une autre femme. Cette vision de la liberté est-elle conforme à la réalité ?

OS. Ce n’est pas la libre disposition de son corps, puisque c’est la remise d’un enfant mentionnée dans le contrat. Si, à la fin de la grossesse, la mère ne remet pas l’enfant, elle ne touche pas la rémunération prévue et s’expose à des poursuites judiciaires. Donc, ce premier argument est biaisé. Par ailleurs, les femmes qui acceptent d’être mères porteuses, et ce qui se passe en Ukraine le montre bien, le font quasiment toutes pour la rémunération.

 

I.B. L’association CLARA évoque la GPA éthique comme « un acte compassionnel de don entre deux femmes ». Cette sémantique de l’émotion peut-elle tout justifier ?

O.S. La GPA éthique fait référence à une GPA non commerciale. Mais de toutes les manières, elle porte toujours atteinte aux droits des enfants, donc ce n’est pas un acte compassionnel entre deux femmes, c’est une violation du droit des enfants. La cession en droit ne porte normalement que sur les choses. À partir du moment où vous cédez un être, vous entrez dans une relation de traite d’être humain. Comme ce sont des bébés cela ne choque personne. Imaginez que ce soient des enfants plus âgés qui soient cédés, tout le monde réagirait, et pourtant, l’acte est le même. Ce n’est donc pas un acte compassionnel, c’est une fausse compassion qui illustre bien la citation de Bernanos : « L’homme de ce temps a le cœur dur et la tripe sensible. » N’y a-t-il pas une autre façon de répondre à ce désir d’enfant ?

 

I.B. Tandis que 70 % des Français se disent désormais favorables à la GPA, cette pratique risque-t-elle de devenir légale sous le prochain quinquennat ?

O.S. Tout dépendra du candidat élu. Mais il est certain que si c’est Emmanuel Macron, nous retrouverons la justification habituelle sur la mentalité des Français qui a évolué, « je ne peux pas m’opposer à l’évolution de la société, donc je légalise la GPA ». Cela dit, cette légalisation en France posera le problème de la qualification du contrat convenu entre la mère porteuse et les commanditaires, même si cela passe par une agence. Si les relations entre la mère porteuse et les commanditaires permettent de qualifier l’existence d'un contrat de travail, quelle que soit la dénomination donnée au contrat, il y aura une requalification et l’application du droit du travail. Pour cela, il suffit de prouver l’existence d’une prestation exécutée en contrepartie d’une rémunération avec un lien de subordination. Si on analyse les contrats de GPA tels qu’ils sont réalisés aux États-Unis, ces trois éléments sont présents : une prestation est réalisée par la mère porteuse, en échange d’une rémunération, et le lien de subordination existe puisque le contrat encadre les déplacements de la mère porteuse, sa nourriture, ses activités sportives, sa vie sexuelle, la possibilité de mettre fin à la grossesse ou pas, etc. Si la GPA était légalisée en France et requalifiée en contrat de travail, toutes les heures travaillées devraient être payées, soit 9 mois x 24 heures x le SMIC horaire : le coût de la « GPA française » serait donc plus élevé que dans bien d’autres pays. Donc, même avec une légalisation de la GPA en France, les Français continueront d’aller par exemple en Ukraine parce que les prix y resteront plus compétitifs.

Iris Bridier
Iris Bridier
Journaliste à BV

Vos commentaires

21 commentaires

  1. Les victimes d’une telle loi seraient les femmes pauvres. Les femmes plus riches pouvant s’offrir ce service, et les autres vendant leur corps pour pouvoir survivre. Ça ne les choquent pas ?

  2. J’aimerais bien que l’on m’explique pourquoi pendant des décennies on a insisté sur le contact mère-enfant pendant la grossesse (par la voix et les caresses), et sur l’allaitement au sein, mais que l’on affirme maintenant que retirer un bébé à sa mère porteuse dès la naissance et le confier à un couple ou à deux hommes ne pose aucun problème.
    Tout comme on a encensé les « nouveaux pères » mais l’enfant d’une paire (et non un couple) de lesbiennes peut s’en passer !

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