Normandie : pas question d’un « D-Day Land » !

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Le Parisien du 19 mars revient sur une polémique en Normandie. Il ne s'agit pas du projet d'implantation d'un nouveau Disneyland ou d'un McDonald's, mais d'un spectacle vivant autour du débarquement en Normandie. Lancé en août 2020, porté par des producteurs privés et soutenu par le conseil régional, ce projet avait, dès l'origine, suscité des critiques. Un comité d'opposants s'était formé : pas question d'un « D-Day Land » ou, pour parler français, de « L'Hommage aux héros », véritable dénomination du projet.

Selon la presse locale, Hervé Morin, le président de la région, en serait l'initiateur. Il voudrait son « Puy du Fou ». Les opposants se mobilisent contre ce futur parc à thèmes qui pourrait s’étendre sur quelque 35 hectares, dans le Calvados ou la Manche, à l’horizon 2024. Le Comité citoyen de Ver pour la défense du patrimoine vient d’éditer un recueil d’une quarantaine de pages contenant des avis, des lettres ouvertes et des témoignages d'anciens combattants, de leurs descendants et de leurs familles, recueillis en France, en Grande-Bretagne ou aux États-Unis.

Il reprend notamment un texte, publié dans Le Monde du 9 septembre 2020, par des descendants du commando Kieffer, unique unité française engagée le 6 juin 1944. Le président de Polar Bear Association, qui réunit des anciens combattants britanniques, concède que « la mémoire et l’éducation sont nécessaires pour informer les gens que la guerre est une chose laide », mais demande aux instigateurs du projet de le faire « avec honneur, en tenant compte des souffrances des soldats et des civils », exprimant son opposition résolue à « ce parc touristique ».

Sur son site, le comité explique les raisons principales de son opposition : « Le projet est humainement, moralement insupportable. Le projet est irresponsable sur le plan écologique. » Quant à la volonté de « développer le tourisme », c'est « un argument qui ne tient pas la route », pas plus que celui des « retombées économiques » ou des « emplois ». Il n'est pas sûr qu'on puisse comparer ce projet au Puy du Fou, qui est un hommage au passé chrétien de la France : il semble plutôt que ce soit une affaire d'argent, ce qui est un signe des temps.

Faut-il s'en étonner dans un monde où tout est l'occasion de profit, où l'Histoire devient spectacle, quand elle ne complaît pas dans la repentance ? Personne n'a encore imaginé construire à Colombey-les-Deux-Églises un parc d'attractions : au train où vont les choses, cette idée saugrenue pourrait bien venir à l'esprit de quelque politicien. Il y aurait de quoi illustrer la carrière du général de Gaulle d'un spectacle son et lumière, d'un train fantôme, de manèges à sensation, voire d'un jeu de massacre.

Commémorer les grands événements de notre Histoire dans un objectif pécuniaire semble, pour le moins, discutable. Mieux vaudrait en rappeler les épisodes que les bonnes consciences tendent à occulter. À l'initiative d'Hervé Morin, plus d'un Français préférera le geste de justice et de réparation effectué le 19 mars par Louis Aliot, le nouveau maire de Perpignan : l'exposition d'« une quarantaine de photos et de documents rappelant, dans toute leur cruauté […], les tortures et massacres généralisés dont furent victimes, en Algérie, des dizaines de milliers de nos compatriotes, en particulier musulmans, femmes et enfants compris, de la part du FLN ».

Malheureusement, la bien-pensance, non contente de sombrer dans la repentance ou la déformation de l'Histoire, ne voit aucun inconvénient à en tirer un profit financier. Il est vrai qu'il est beaucoup plus lucratif de donner un spectacle que de faire aimer la France.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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