Dans l’affaire des énormes fuites apparues sur la conduite du gazoduc sous-marin Nord Stream 1 et 2, le journaliste marche avec la précaution d’un mineur nocturne éclairé à la bougie dans une nappe de grisou. Car, encore plus explosif que les fuites en mer Baltique, le bilan des responsabilités, lorsqu'elles seront connues, risque de peser dans un contexte international tendu comme une corde.

Uninstitut sismique suédois a décelé deux explosions sous-marines « très probablement dues à des détonations » près des gazoducs Nord Stream 1 et 2 peu avant le constat de la fuite. Si c’est un accident, il devra être expliqué, mais cette hypothèse n’est pas la plus plausible, ce 28 septembre. « Souvent, les fuites ont lieu aux soudures entre les tronçons de 30 mètres qui composent le gazoduc, explique à Boulevard Voltaire l’expert en énergie de l’Institut Sapiens Philippe Charlez. Si ce sont des fuites dues à l’usage, il faut les fermer, ce sont de gros travaux. Mais je crois plus à des fuites organisées », avance prudemment Philippe Charlez, qui en est réduit, comme tous, à des hypothèses. Mais l'hypothèse d'un sabotage semble s'imposer. Alors, qui a fait le coup ?

Si les Russes ont eux-mêmes saboté les moyens d’acheminer leur gaz vers l’Europe, c’est qu’ils ont décidé de couper les ponts, au moins le temps de la réparation qui peut prendre plusieurs années. Pas de réaction russe à l’heure où nous publions mais une réaction ukrainienne. « La fuite de gaz à grande échelle de Nord Stream 1 n'est rien de plus qu'une attaque terroriste planifiée par la Russie et un acte d'agression contre l'Union européenne », affirme, sur Twitter, le conseiller de la présidence ukrainienne Mykhaïlo Podoliak. Sans apporter le début de commencement d’une preuve. Car la fuite est proche des côtes danoises et suédoises. « Je vois mal comment Poutine aurait pu provoquer des fuites à cet endroit-là », avance Philippe Charlez. Troisième hypothèse : si preuve est apportée que les Américains ont déchiré le gazoduc qui alimente l’Europe en gaz, leur responsabilité dans l’intensification du conflit avec la Russie en Europe risque de faire des vagues. Les Européens auront du mal à accepter de payer le prix de cette ingérence. Mais pour l’instant, pas de preuve non plus… « Nos partenaires européens mènent l'enquête. Nous sommes prêts à soutenir leurs efforts », a déclaré, mardi, un porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche qui refuse de « spéculer » sur les causes de ces fuites. « Cela illustre l'importance de nos efforts conjoints pour trouver des approvisionnements de gaz alternatifs pour l'Europe », ajoute tout de même notre Américain...

Enfin, si c’est un pays tiers, que cherche-t-il ? Déstabilisation, montée des cours ?

Les Français et leurs voisins attendent désormais une explication claire et crédible, assortie de preuves irréfutables et de garanties. Car il y a désormais de l'eau dans le gaz. La situation se tend jour après jour en Europe, bousculée par la guerre en Ukraine. Qui dit vrai ? Clemenceau disait : « On ne ment jamais tant qu'avant les élections, pendant la guerre et après la chasse. » Élections, guerre, chasse aux mal-pensants : les trois circonstances de prolifération des mensonges sont réunies en Europe.

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28 septembre 2022 à 20:14

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60 commentaires

  1. On sait déjà qui n’est PAS à l’origine de ces destructions.
    Les Russes ont le robinet sous la main, ils n’ont donc aucun intérêt à détruire un gazoduc qu’ils ont construit à grands coups de milliards.
    On sait également que ça n’est pas un groupuscule d’illuminés, car l’opération est techniquement difficile et demande des moyens militaires.
    Maintenant, voyons à qui rapporte le crime : il me semble que les USA ont utilisé tous les moyens depuis des années pour que ce gazoduc n’ouvre jamais et ils n’ont jamais eu autant à y gagner.

  2. Décidément, les médias occidentaux prennent vraiment leurs lecteurs pour des imbéciles. Voici deux mois ils annonçaient que la Russie se bombardait elle-même à la centrale de Zaporozhe, maintenant la Russie fait sauter son propre gazoduc ! Il est vrai que les moutons sont tellement bien habitués à avaler des couleuvres de plus en plus grosses…
    Si la Russie voulait couper définitivement l’arrivée du gaz à l’UE, il lui suffirait de fermer le robinet au départ. Rien de plus. Elle n’aurait pas besoin du prétexte de rendre inopérant ses deux gazoducs, surtout en les sabotant, ce qui va en outre lui coûter un pognon de dingue pour les réparer.
    Du 2 au 26 septembre de nombreux mouvements d’hélicoptères et de navires de guerre américains ont été enregistrés une fois encore dans la zone où ont eu lieu les explosions. Hum, Hum…
    En d’autres termes, encore moins de gaz à l’export pour l’UE. Et à qui profite le crime… ? Qui va nous vendre du gaz hors de prix pour son seul profit ? Les USA bien sûr !
    Les Russes ont raison sur un point : « Ceux qui fournissent des armes à l’Ukraine vont se souvenir de l’hiver qui arrive… ».
    Préparons-nous à geler cet hiver dans nos appartements urbains peu ou mal chauffés, voire pas chauffés du tout, et à ce que les prix de l’essence, du gaz, du fuel et du bois (France rurale) flamberont ? Merci qui ? Merci l’OTAN ! Merci Macron, merci Van Der Ursula.
    Un col roulé, marque Bruno, pour mieux nous rouler dans la farine…

  3. Il n’y a pas pire ennemi que ceux qui se disent vos amis et, dans votre dos, détruisent tout ce qu’ils peuvent afin de venir vous « aider » comme, par exemple, les US prêts à nous vendre du gaz à prix d’or. Les russes n’ont aucun intérêt à saboter leurs installations et peuvent couper l’arrivée du gaz sans détruire les ouvrages sous-marins. Ne pas oublier que les US souhaitent la guerre en europe, contre la Russie, sans toutefois intervenir directement mais par pays interposé comme l’Ukraine dont le président appelle en permanence les pays européens à devenir belligérants en s’impliquant davantage.

  4. Bonjour, j’apprécie beaucoup le commentaire de « Gaulois de souche » sur la jouissance médiatique française à apporter de l’eau au « moulin Ukrainien » L C I détient d’ailleurs palme en ce domaine. Casser du russe à longueur de journée est leur point fort ! C’est curieux, ils n’ont jamais trouvé, ni cherché sans doute, le moindre faux pas Ukrainien, ou américain ! … BIZARRE NON ? ! …

  5. Si la Russie voulait couper le gaz, fermer les vannes est le plus simple sans polluer ! De plus Biden avait promis d’agir sur les conduites ! C’est on ne peut plus clair !!

  6. Russes ou Ricains, forcément un.des deux connait le menteur dans cette affaire, qui en plus de faire des bulles va faire des vagues.

  7. Avant toute hypothèse, il faut constater que nous sommes devant un événement géostratégique majeur qui condamne l’approvisionnement en gaz russe pour plusieurs années par Northstream 1 et 2 avec des réparations à effectuer à proximité des côtes danoises et suédoises et qui va affecter durablement l’Europe et surtout l’Allemagne, les obligeant à créer de toute urgence des terminaux méthaniers et à recourir au gaz de schiste Américain. Là aussi il y a urgence et cela prendra plusieurs mois. En attendant, les Russes seront privés d’une source importante de devises et auront intérêt à accélérer leurs gazoducs vers la Chine et l’Asie. Pour l’instant, ils n’ont rien à y gagner.
    Notons aussi l’énorme risque pris par le saboteur qui pouvait allumer un gigantesque chalumeau en plein coeur de l’Europe et qui a dû modéliser son geste avant de le réaliser en toute connaissance de cause.

  8. Déstabiliser l’acheminement des énergies mondiale c’est déstabiliser l’économie au profit d’une des première économie de la planète que sont les états unis.

  9. Je vois mal les russes saboter leurs propres installations… Les américains, qui veulent nous fourguer leur gaz de schiste (silence des écolos) sont bien plus suspects…

  10. Les russes ont le droit d’être payé en roubles. Je trouve cela juste. Concernant le sabotage, j’espère que les russes trouveront les coupables afin que le monde comprenne enfin à qui profite le crime.

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