Vous souvenez-vous de Richard Nixon, de Carl Bernstein, de Bob Woodward et de Deep Throat ? Des noms que la jeune génération ne connaît pas ou peu mais dont les fantômes reviennent, ces jours-ci, dans l’histoire américaine à travers une grande similitude avec ce qui se passe aujourd’hui à la Maison-Blanche.

Richard Nixon a été le 37e président des États-Unis, de 1969 à 1974. Il a aussi été le seul président américain à devoir démissionner sous la pression du Congrès, qui avait déclenché contre lui une procédure d’"impeachment". Sénateur républicain de Californie, il fut considéré, grâce à ce qu’il réussit à faire sur le plan international, comme un des plus grands présidents des États-Unis. En effet, avec la présence à ses côtés de Henry Kissinger, son secrétaire d’État et maître incontesté du jeu diplomatique mondial, il réussit, durant ses cinq ans à la Maison-Blanche, à mettre fin à la guerre du Vietnam, à négocier un traité de désarmement mutuel avec les Soviétiques et à entamer un spectaculaire rapprochement avec la Chine de Mao, l’une des deux grandes métropoles du communisme international. En pleine guerre froide, ces trois chantiers réussis aidèrent considérablement à détendre l’atmosphère guerrière qui prévalait à l’époque. Et pourtant...

Le 9 août 1974, Nixon dut quitter la Maison-Blanche, poussé à la démission par l’affaire du Watergate et son instrumentalisation par cet establishment démocrate de la côte est des États-Unis. À la tête de la coalition anti-Nixon, un journal, le Washington Post, Ben Bradlee, son rédacteur en chef, et la propriétaire Katharine Graham, tous deux viscéralement anti-Nixon, ce républicain brut de décoffrage qui ne lève pas son petit doigt en soulevant sa tasse de thé...

À l’origine, l’affaire du Watergate n’aurait dû être qu’une simple affaire d’espionnage électoral du quartier général démocrate dans l’hôtel qui porte son nom. Sur ordre de la Maison-Blanche, en effet, des micros avaient été placés là pour espionner le candidat démocrate.

Deux obscurs journalistes du Washington Post sont alors mis sur l’affaire : les futures célébrités Bob Woodward et Carl Bernstein. Pain bénit pour les deux journalistes, qui vont détricoter toute cette affaire avec l’aide d’un mystérieux informateur "from inside" qui, sous le pseudonyme de Deep Throat, va alimenter les deux journalistes du Post. On apprendra, bien plus tard, qu’il s’agissait de William Mark Felt, directeur adjoint du FBI.

Ça ne vous rappelle rien ? L’establishment démocrate de la côte est va alors se ruer dans la brèche ouverte par un mensonge de Nixon - qui va nier toute responsabilité dans cette affaire. Hollywood, Wall Street mais aussi le complexe militaro-industriel, furieux que Nixon ait mis fin à la guerre du Vietnam, va sonner la charge. Le mensonge de Nixon devient affaire d’État et provoque, finalement, son "impeachment" par le Congrès.

Longtemps après cette affaire, les observateurs s’accorderont pour dire que ce que le politologue Éric Zemmour appelle aujourd’hui "l’émotion et la judiciarisation des choses" avait eu raison d’un des plus grands présidents des États-Unis en termes de réalisations extérieures.

Ne voilà-t-il pas que, quarante-quatre ans plus tard, l’histoire menace de se répéter avec Donald Trump, ce républicain qui, lui non plus, ne sait pas lever son petit doigt lorsqu’il soulève sa tasse de thé comme on le fait dans les salons chics de Boston ? Encore plus brut de décoffrage que son illustre prédécesseur Nixon, il s’est mis à dos les mêmes puissants que jadis. Faire la paix avec les Russes ? Pensez-vous ! À qui vendrions-nous les armes ? America First à travers le nationalisme économique prôné par Trump ? Que deviendrait cette économie financière mondialisée si chère à Wall Street ?

Pour que la panoplie soit complète, le Bob Woodward du Watergate revient au premier plan avec un livre, Fear, qui décrit dans le détail une administration brutale et une Maison-Blanche cacophonique et terrorisée par Trump. Le New York Times et CNN ont remplacé le Washington Post dans la croisade anti-Trump. Et pour tout clore, un ou une Deep Throat moderne qui, comme son prédécesseur, nourrit de ses informations internes le journal new-yorkais sur les supposées frasques du président américain.

La terrible guerre secrète ouverte au lendemain de la défaite de Hillary Clinton n’est pas près de se terminer.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 17:46.

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26 septembre 2018 à 10:51

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