Municipales 2020 : la Corse a-t-elle dit non à la France ?
Le trait, un peu forcé, possède le mérite d’énoncer le problème tel qu’il se pose. Une fois de plus, la Corse n’a pas voté comme le pays auquel elle est rattachée. Sur le continent, six électeurs sur dix ont boudé les urnes, le dimanche 28 juin 2020, pour les élections municipales.
Les élus et réélus le sont donc souvent d’une manière calamiteuse.
À Paris, Anne Hidalgo conserve son siège avec les voix (seulement) de 17,5 % des inscrits. Les écologistes Grégory Doucet, à Lyon, et Pierre Hurmic, à Bordeaux, l’emportent en ne rassemblant, respectivement, que 19,1 % et 17,5 % des suffrages. Se retrouvent ainsi réélus : à Nice, Christian Estrosi, avec 15,8 % des voix des inscrits et, à Lille, Martine Aubry, avec 12,4 %. Ainsi, les commentaires relatifs à la poussée ou pas de telle formation relèvent plus de la désinformation que de l’analyse.
Cependant, en la matière, Jean-Luc Mélenchon a sans doute vu juste. « Clairement, dit-il, la masse du peuple français est en grève civique. C’est une forme d’insurrection froide contre toutes les institutions du pays, au moment où l’État voit son autorité s’effondrer dans les comportements de la police et être mis en cause par ceux de la justice. C’est donc un moment compliqué, dangereux, de la vie de la nation qui se présente devant nous. » L’ex-tête de liste de La France insoumise aux européennes Manon Aubry ajoute, quant à elle, que « c’est la Ve République qui est à l’agonie ! » Sans doute a-t-elle raison en ce qui concerne la France. Mais elle, dont la mère s’appelle Poggi, doit considérer ce qui s’est passé dans l’île.
En Corse, le taux de participation est resté très largement supérieur à la moyenne nationale et, dans certaines communes, exceptionnellement haut ! Pourquoi ? Tout bonnement parce qu’en Corse, il y avait un enjeu de taille. Les nationalistes, victorieux en 2014, allaient-ils se maintenir à Bastia ? Ils y ont réussi haut la main malgré la coalition contre eux de ces partis classiques qui n’osent même plus s’étiqueter républicains. À Porto-Vecchio, c’est Jean-Christophe Angelini qui a fait tomber un bastion clanique en place depuis quasiment l’annexion de la Corse à la France. Les nationalistes confirment sans équivoque leurs résultats précédents. La Corse ne s'exprime pas comme le reste de la France parce que la Corse préserve une personnalité propre. Pour autant, son exemple peut servir d’éclairage aux gens du continent car il illustre à quel point le clivage entre une prétendue droite et une prétendue gauche s’avère obsolète.
La vraie confrontation idéologique, en Corse, implique les nationalistes et les autres. Se concrétise, dans l’île, ce débat fondateur que, par tous les moyens, l’oligarchie « progressiste » au pouvoir tente d’empêcher en France. Le combat, dorénavant, est celui opposant les souverainistes aux mondialistes, le reste n’étant que fariboles pour amuser une galerie de moins en moins réceptive. En arrière-fond, pour les uns comme pour les autres, se profile la question cruciale : rester ou non un authentique peuple ou accepter de n’être plus qu’une population ? Les Corses ont tranché ; à l’ensemble des Français de faire de même. L'île révèle, une fois encore, le mal français, à savoir que la France n'a plus de république que le nom ; constat que ne devrait pas contester Manon Aubry. Mais il n’échappe désormais plus à personne que, pour beaucoup de Corses, les formations partisanes tricolores s’apparentent au parti de l’étranger.
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