La pièce était écrite mais il fallait bien qu’elle se joue. Parce que c’est le jeu des institutions de la Ve République. Lorsque Gabriel Attal déclarait, ce week-end, que « ceux qui déposent des motions de censure proposent d’ajouter de la crise à la crise », saluant au passage le comportement des LR qui ont refusé de voter les motions de censure déposées par la NUPES et le RN ce lundi 24 octobre, le ministre s’assoie en quelque sorte sur le droit des oppositions. La crise ? C’est la crise internationale, la crise économique, la crise énergétique qui traversent le monde, l’Europe et la France. Implicitement, Gabriel Attal sous-entendrait-il que nos institutions devraient être mises entre parenthèses dans ces circonstances ? Mais puisqu’on parle de crise, il en est une que le ministre des Comptes publics se garde bien d’évoquer : c’est la crise de régime qui sourd alors que nous sommes en tout début d’un nouveau quinquennat et de la législature. Car il s’agit bien de cela : un budget de la nation voté aux forceps du 49-3.

La pièce était donc jouée. Chacun connaissait son rôle, majorité, oppositions et gouvernement, et l’on connaissait par avance le dénouement, les forces en présence étant ce qu’elles sont et les LR ayant annoncé qu’ils ne voteraient pas ces deux motions de censure. Mais au cœur de la tragédie – ou de la tragi-comédie ! -, il y eut tout de même un petit coup de théâtre. Lorsque Marine Le Pen annonça que son groupe voterait la motion de censure déposée par la NUPES alors que, de leur côté, les groupes composant la NUPES avaient clairement annoncé que jamais ils ne voteraient une motion de censure déposée par le RN. La preuve qu’il n’y a pas d’alliance objective, comme certains vont sans doute le laisser entendre, entre les deux oppositions occupant les extrêmes de l’Hémicycle.

Certains diront que Marine Le Pen, en votant la motion de censure de la NUPES, a succombé à sa tendance supposée gauchisante. Mais il ne s’agit pas de cela. Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter le discours prononcé par l’ancienne candidate à la présidence de la République. Marine Le Pen a en effet dressé un réquisitoire impitoyable de la situation du pays, fustigeant « la triste épopée solitaire d’un gouvernement usé avant d’avoir servi », décrivant un pays qui n’est « pas gouverné, pas administré, pas géré », un pays qui « n’est plus tenu ». Du côté du RN, on a parlé d’urgence sécuritaire, de « déluge migratoire », du côté de la NUPES (écolos, communistes, LFI, socialistes), d’urgence climatique. Chacun a ses urgences. En votant la censure de la NUPES, Marine Le Pen ne s'est pas ralliée aux « valeurs » de la NUPES mais parce qu’elle se dit prête à repartir devant les électeurs, concluant son discours par ce slogan : « L’urgence, c’est l’alternance ! »

Pour le reste, la pièce de théâtre fut sans surprise.

Les groupes de la majorité vantèrent l’action du gouvernement, saluèrent l’excellence du budget imposé à coups de 49-3. Les oppositions crièrent au déni de démocratie avec, il faut l’avouer quelques phrases chocs. Mathilde Panot : « L’Assemblée nationale n’est pas la photocopieuse de l’exécutif. » Cyrielle Châtelain (écolos) : « Une stratégie de fin de règne, seulement quatre mois après l’élection présidentielle. » André Chassaigne (PCF) sur la pratique du 49-3 : « Une dérobade constitutionnelle. » Boris Vallaud (PS) : « Vous n’aimez les oppositions que lorsqu’elles se présentent à vous la corde au cou comme les bourgeois de Calais. » Du côté des LR, Olivier Marleix, président du groupe, s’attacha à dénoncer l’accroissement de la dette. Et pour justifier son non-soutien aux deux motions de censure, Marleix a argué de leur inutilité pour les Français, précisant cependant que les LR sont prêts à faire face à une dissolution mais qu’une censure, quatre mois après les élections, ce ne « serait pas sérieux ». En revanche, les LR n’hésiteront pas à déposer une motion de censure « si les circonstances l’exigent ». On a sans doute tremblé du côté de la majorité présidentielle.

Et le discours d’Élisabeth Borne ? En gros, la mise dans le même sac de la NUPES et du RN et des clins d’œil un peu lourdingues à tous les autres groupes, majorité et opposition, notamment LR. Pas de surprise, donc. Pas de surprise, non plus, sur les résultats du vote. Motion de censure NUPES : 239 voix. Motion de censure RN : 90 voix. Le groupe RN étant fort de 89 députés, qui est cette 90e voix ? Quoi qu'il en soit, la majorité absolue étant de 289 voix, les motions de censure ont été rejetées. Acta fabula est.

13023 vues

24 octobre 2022 à 20:41

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.

57 commentaires

  1. La motion de censure RN a été votée par 90 députés, à savoir 88 députés RN (le député RN Serge Muller ne l’a pas votée), 1 député LFI (Jean-Philippe Nilor, député de la 4ème de Martinique) et Nicolas Dupont-Aignan.

  2. les LR … les sauveurs de la macronie ! un parti en voie de disparition mais qui tente désespérément d’exister .

  3. Les LR ne relèveront pas la tête tant il est vrai que leur regard est fixé sur le bout de leurs chaussures. Ils sont en phase terminale et ne méritent aucune indulgence. Et Sarkozy qui joue les donneurs de leçons, lui qui à peine élu par la droite formait un gouvernement avec nombre de représentant de la gauche, qui violait le suffrage des Français avec le traité de Lisbonne et tant d’autres turpitudesferait bien mieux de rester (enfin) en dehors de la politique. Ce serait l’intérêt de notre pays !

Les commentaires sont fermés.