L'ex-président algérien Abdelaziz Bouteflika est décédé, le vendredi 17 septembre 2021, à l'âge de 84 ans. Il est d'usage, à la mort d'un chef d'État, d'occulter momentanément, non sans hypocrisie, les faces sombres de son passé. Mais l'Histoire finit toujours par imposer sa vérité : une vérité qui n'est pas toujours belle, mais toujours bonne à dire.

Abdelaziz Bouteflika était, comme les présidents qui l'ont précédé, issu du FLN, qui a accaparé le pouvoir après l'indépendance. Il fut ministre de la Jeunesse et des Sports dans le gouvernement de Ben Bella. Proche de Boumédiène, il connaît une ascension fulgurante. Ministre des Affaires étrangères à 26 ans, il provoque déjà la France, comme s'il savait qu'il ne risque pas grand-chose d'un pays qui s'est déjà couché.

À la mort de Boumédiène, en 1978, alors que des factions se disputent son héritage, il s'exile volontairement pour une traversée du désert, attendant son heure. On a beau être révolutionnaire, on n'en calcule pas moins ses intérêts. En 1994, en pleine guerre contre les maquis islamistes, les militaires le prient de revenir, mais il refuse la présidence : l'avenir est trop incertain. Second rappel en 1999 : cette fois, il accepte. Ses adversaires se retirent, en dénonçant une « mascarade électorale ». C'est le début d'un long règne, jusqu'à ce qu'il soit chassé du pouvoir en 2019. Les dernières années, cloué sur une chaise roulante, il n'était plus qu'un fantoche dont l'entourage tirait les ficelles.

Il était l'incarnation du nationalisme algérien, profitant de la faiblesse des gouvernements français successifs. S'il a cherché la concorde civile, il n'a pas su s'opposer au conservatisme religieux ni sortir son pays du marasme économique et social, en dépit de la manne pétrolière et gazière que la France avait laissée à l'Algérie comme un cadeau de son indépendance. Il n'est pas pour rien dans l'émigration d'une partie de la jeunesse vers les pays européens, notamment vers la France. Il cachait les carences de sa gouvernance en exacerbant le ressentiment contre le pays sans lequel l'Algérie n'aurait jamais existé. Peu probable que Macron évoque ainsi la carrière de l'ancien président algérien.

Le locataire de l'Élysée préfère naviguer dans les eaux troubles de la repentance, comme on l'a vu avec le rapport Stora ou la réhabilitation de militants complices des terroristes du FLN. Il croit être un juge impartial de l'Histoire quand il distribue les bons et les mauvais points, comme s'il prenait plaisir à dénoncer les manquements des gouvernements précédents pour occulter ses propres défaillances. Quand on apprend qu'il a décidé de « franchir un nouveau pas dans la reconnaissance au manquement qui a été fait aux harkis mais aussi au manquement de la République française à ses propres valeurs », on se demande si cette sollicitude n'est pas liée à l'approche de l'élection présidentielle.

On ne peut que souhaiter que des historiens impartiaux, à défaut des politiciens, fassent un jour toute la lumière sur la guerre d'Algérie, sur les conditions de son indépendance, sur les alternatives qui auraient été possibles. On aurait, sans doute, pu éviter l'exode des pieds-noirs, la façon dont ces expatriés forcés ont été accueillis par la France, l'abandon volontaire des harkis, la rébellion d'une partie de l'armée, les blessures qui ne sont pas encore refermées – et contribuer à un meilleur avenir pour les Algériens eux-mêmes.

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18 septembre 2021 à 11:12

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