Misère du monde paysan : la preuve par la prune !

Certains affirmeront qu’hier, c’était mieux. Peut-être. Mais d’aucuns affirmeront qu’aujourd’hui, ce n’est guère mieux. Hier, les paysans parvenaient à vivre du fruit de leur travail, tandis qu’aujourd’hui, ils travaillent de plus en plus pour vivre de moins en moins bien.

Ainsi, Luc Barbier, président de la Fédération nationale des producteurs de fruits, interrogé par RTL, ce mardi dernier, explique que lui et l’ensemble de ses confrères ne parviennent plus à joindre les deux bouts. La fiscalité oppressive, bien sûr. Mais aussi les tracasseries administratives, les normes européennes qui s’accumulent ; ce sont des technocrates incapables de faire la différence entre un poireau et un tracteur qui expliquent comment planter un pommier.

Et, il va sans dire, il y a la concurrence étrangère - espagnole, en l’occurrence. Mais il faut être com-pé-ti-tif ! Luc Barbier, qui fait dans la prune, avoue ne plus pouvoir vivre des fruits de son travail. Il est d’ailleurs probable que son homologue espagnol doit lui aussi pleurer famine. Étrange monde que celui-ci. Dans lequel un maraîcher espagnol fourgue ses prunes aux Français au lieu de les vendre à ses compatriotes, alors que le maraîcher français ne trouve plus acquéreur pour les siennes, allant même jusqu’à jeter une bonne part de sa production. Ainsi va le monde actuel…

Les usines de textile français ont mis la clef sous la porte depuis belle lurette. Résultat ? Des chômeurs français achètent des chemises fabriquées par des esclaves chinois. Et la prune, dans tout ça ? Il paraît que celle du Chili ou du Tiersmondistan serait plus com-pé-ti-tive, même si arrivée en nos contrées par avions-cargos, avec le bilan carbone qu’on imagine.

Alors oui, c’était peut-être mieux avant. Du côté de ma chère maman, une longue lignée de ploucs et d’artisans, mais qui partaient aux champs en chantant. Leurs prunes, ils en faisaient de la gnôle et vendaient le reste à leurs voisins. Ils n’étaient pas riches à millions, mais leur pauvreté n’était pas sans noblesse. "Un cercueil n’a pas de poches", me répétait inlassablement l’oncle Georges, qui avait survécu à la Somme, la Marne et Verdun. Royaliste de conviction, il peinait à affranchir son courrier, rétif à la simple idée de lécher le cul de Marianne. Le progrès ? Il n’était pas bien pour. Le brave homme.

Alors oui, une fois encore, si c’était mieux avant, c’est sûrement pire maintenant, en cette drôle d’époque où les paysans sont devenus simples « exploitants agricoles » et où la com-pé-ti-vité est devenue la règle, même si à ce jeu, il n’y a finalement que des perdants. Mots nostalgiques, pensera le lecteur de ces lignes ? Non. Mais mélancoliques, assurément.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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