Mémoire France-Algérie : Macron cédera-t-il au chantage algérien ?

Algérie française

Emmanuel Macron, depuis sa résidence d'État de la Lanterne, continue de cultiver avec l'Algérie des relations amicales. Il s'est entretenu, samedi, au téléphone avec son homologue algérien Abelmadjid Tebboune, qui a, lui aussi, contracté le virus. Selon l'Élysée, les deux dirigeants « ont pris des nouvelles de leur santé respective et se sont souhaités (sic) un prompt rétablissement mutuel ». Du côté algérien, on souligne qu'ils ont aussi évoqué le rapport de Benjamin Stora – cet historien au-dessus de tout soupçon – sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d'Algérie, qui devrait être remis à la mi-janvier.

Ce même samedi, par un heureux hasard, le professeur Seddik Larkeche, un universitaire algérien réputé, a publié, dans le quotidien El Watan, une lettre ouverte à Emmanuel Macron, avec lequel il semble avoir une correspondance régulière. Avec un talent incontestable de rhéteur, non content de défendre la cause algérienne, il fait pression sur le président de la République, estimant qu'« il ne peut y avoir une reconnaissance des crimes contre l’humanité commis en Algérie par la France et dans le même temps tourner le dos aux réparations des préjudices subis ». Le montant de la réparation ? Il l'évalue à 100 milliards d'euros.

Il intègre notamment à la note « le vol du trésor du Dey d'Alger », « les crimes [commis] de 1830 à 1962 », « la spoliation de millions d'hectares de terres », « l'analphabétisation de la quasi-totalité de la population », « les conséquences dramatiques sur les vies humaines et la nature » des essais nucléaires et chimiques, et lance cet avertissement qui s'apparente à un chantage : « Les conclusions de mon cher confrère Benjamin Stora ne pourront être crédibles si la question de la réparation politique et financière est occultée. »

Il dénonce, au passage, la loi du 23 février 2005 qui, à ses yeux, tente de présenter « la colonisation française en Algérie comme une œuvre positive » et en demande l'abrogation. Il ne supporte pas, sans doute, que son article 1 précise que « la nation exprime sa reconnaissance aux femmes et aux hommes qui ont participé à l'œuvre accomplie par la France dans les anciens départements français d'Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Indochine » et reconnaisse les souffrances éprouvées et les sacrifices endurés par les rapatriés, les harkis, les disparus et les victimes civiles et militaires des événements liés au processus d'indépendance.

Il en profite aussi pour souligner les ravages du « poison racisme », qui s'exercerait à l'égard des musulmans de France, ou la stigmatisation de cette population, considérée comme « porteuse de l'antisémitisme français ». Bref, il donne une leçon au Président français. Mais en a-t-il besoin ? L'universitaire algérien sait à qui il a affaire. Il nous apprend que, dans un courrier précédent, Macron lui avait écrit que « les crimes de la colonisation sont incontestables et qu'ils font partie du passé dont la France est dépositaire ». Il rappelle qu'en 2017, candidat à la présidence, il avait qualifié la colonisation de « crime contre l'humanité ».

Seddik Larkeche joue sur le velours, il prêche un convaincu. Macron est trop jeune pour avoir été un sympathisant de la cause du FLN ou un porteur de valises, mais ses préjugés l'ont conduit à se soumettre, dans ce domaine comme dans d'autres, à l'idéologie de la bien-pensance. L'universitaire peut donc redoubler avec lui d'insolence, prendre des libertés indécentes avec la vérité historique et lui dire, sans nuances, que « les Algériens n'ont pas besoin de repentance et ne quémandent rien, si ce n'est une dignité retrouvée face à la barbarie coloniale ». Macron penchait déjà pour ses idées : il ne lui reste plus qu'à se coucher !

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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