Mélenchon marche sur l’eau, Hamon marche au calvaire

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Cette campagne présidentielle, tant décriée pour sa médiocrité, aura tout de même un mérite : celui d’avoir mieux fait apparaître les forces en présence et remis un peu de clarté dans un système politique réduit jusque-là au balancier droite/gauche.

Pris en tenaille, écrasé, laminé entre l’ultralibéral mondialiste Macron, avec sa bulle d’air où l’on trouve tout et son contraire, et l’internationaliste pacifiste, évangéliste sans religion Mélenchon, le pauvre Benoit Hamon, avec ses airs de Simplet qui se demande ce qu’il est allé faire dans cette galère, poursuit bravement son parcours d’épines ; à l’approche de Pâques, lâché, trahi, houspillé, vilipendé, il accomplit son chemin de croix en camionnette vers un Golgotha sans revenu universel mais, contrairement à celui du Christ Sauveur, il ne sauvera pas l’humanité, il ne sauvera ni la France ni personne. Tombé sous la barre des 10 % alors que son rival sur sa gauche approcherait des 20 % et que son rival sur sa droite caracole en tête avec Marine Le Pen, il n’espère plus guère en la victoire, et le parti qu’il est censé représenter s’enfonce dans un futur crépusculaire et bien peu désirable…

Mais ainsi apparaissent clairement les trois lignes de force contradictoires qui composaient jusqu’à présent le Parti socialiste et une gauche qu’il incarne presque tout seul depuis 1981. D’un côté, Macron, c’est-à-dire le socialisme qui n’est pas socialiste. Aucune différence entre cette gauche-là et la droite UMP/LR, leurs valeurs et leurs buts sont les mêmes : le marché et la marchandise, le consumérisme, le rêve de devenir milliardaire. Idéal que propose Macron aux jeunes, l’entassement de l’argent, les carrières, le profit : aux riches un gâteau toujours plus gros, aux pauvres des miettes toujours plus petites et, pour la classe moyenne, la tannerie fiscale jusqu’à la disparition prochaine.

À l’opposé, Mélenchon, dont le projet repose sur une série de paradoxes monumentaux : comme il l’a dit à Marine Le Pen, lors du débat télévisé, "il faut cesser de lui casser les pieds avec la religion". L’ennui, c’est qu’il n’y a pas plus religieux que cet homme. Il vénère l’Être suprême de Robespierre et le Grand Architecte des francs-maçons. Il ne veut pas entendre parler des chrétiens et des catholiques, mais tout son discours est évangélique : la paix, la fraternité sur la Terre, l’amour entre les hommes, c’est presque du copier-coller, sauf que Jésus, plus lucide que notre insoumis, et sachant où il était descendu, disait : "Mon royaume n’est pas de ce monde." Ou bien, opposant le spirituel au temporel, le religieux au politique : "Rends à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu !"

Mélenchon me fait penser à ces pacifistes des années 30 qui ne rêvaient que d’amour et de paix entre les hommes, tellement qu’ils ne voulaient pas voir le danger que représentait Hitler. Ils voulaient la paix mais au lieu, pour cela, de préparer la guerre, ils allaient à Munich signer tous les compromis possibles. Ainsi, comme l’avait prédit Churchill, ils ont eu la guerre et le déshonneur. Alors que, de l’autre côté de la Méditerranée, des bombes islamistes venaient d’exploser dans une église copte, le jour des Rameaux, à Marseille, Mélenchon demandait une minute de silence pour les migrants, mais pas un mot pour tous ceux qui, comme ces pauvres coptes, se sont fait déchiqueter. Et de mettre en garde contre ceux qui nous amèneraient à la guerre. Mais la guerre est déjà à nos portes, de l’autre côté de la Méditerranée et il ne veut pas la voir…

Et, cependant, le pauvre Benoît Hamon tente de faire encore la synthèse des contraires, l’ultralibéralisme de Macron et le social-pacifisme utopique de Mélenchon. Être socialiste sans l’être tout en l’étant, mais pas trop ; et, ce faisant, il fond comme un glaçon qu’on aurait oublié dans un verre de pastis sous le soleil. À vouloir réconcilier les irréconciliables et incarner la contradiction fondamentale, il n’a plus qu’une seule voie, pendant qu’acclamé par la foule, Mélenchon marche sur l’eau du Vieux-Port : poursuivre son calvaire, jusqu’à la fin du croisement des lignes de sondages, et activer la disparition du parti qu’il prétend représenter.

Jean-Pierre Pélaez
Jean-Pierre Pélaez
Auteur dramatique

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