Macron, Zemmour, Le Pen : le jeu des ralliements dessine un nouveau paysage politique

S’il y a un mot qu’on entend plus que les autres dans cette campagne, c’est le mot « ralliement ». À l’évidence, trois parcs à éléphants ont des trous dans le grillage : les grands fauves de la politique s’échappent du RN de Marine Le Pen, des LR de Valérie Pécresse et du PS d’Anne Hidalgo. Les deux derniers transfuges sont des poids lourds. Deux anciens ministres socialistes, Élizabeth Guigou et Marisol Touraine, ne soutiennent pas Anne Hidalgo : elles rejoignent Emmanuel Macron. Moins connu, un député PS, Eduardo Rihan-Cypel, leur a emboîté le pas ce week-end pour rejoindre, lui aussi, la campagne de Macron. De quoi ébranler encore un peu plus la maison Hidalgo, qui n’avait pas besoin de cela. On le croit inactif car il n'est pas encore entré en campagne ? Emmanuel Macron manœuvre en vérité sous les radars avec efficacité. Il vient de décrocher, rappelons-le, Éric Woerth : l’ancien ministre du Budget de Nicolas Sarkozy le soutient. On se souvient du conseil du fils de Jean Le Bon à la bataille de Poitiers : « Père, gardez-vous à gauche, père gardez-vous à droite ! » : Emmanuel Macron se garde à gauche et recrute à droite. Il a des chances de l’emporter et, donc, des postes à distribuer, cela le rend évidemment très séduisant… Et puis il a l’habitude, il avait procédé exactement de la même manière en 2017 en débauchant un Bruno Le Maire ou un François Bayrou.

Outre Macron, deux candidats participent au pillage des partis traditionnels… Jean-Luc Mélenchon s’y met : en décrochant le quasi-soutien de Ségolène Royal, ancienne candidate à la présidentielle de 2007 qui avait suscité une vraie ferveur à gauche, il montre qu’il peut emporter une partie de ces socialistes aujourd’hui en déshérence. Et puis, il y a bien sûr l’électro-aimant Éric Zemmour. Le dernier arrivé dans le paysage politique orchestre un feu roulant de ralliements qui désorganisent et démoralisent les équipes adverses : Villiers et Peltier ont été raflés à la droite parlementaire. Rivière, Collard, Ravier ou tout récemment Nicolas Bay sont des prises de guerre au RN. Tous ont droit à leur haie d’honneur lorsqu’ils arrivent au siège de Reconquête : la cérémonie est devenue quasi routinière.

Cette foire aux transferts avant une présidentielle est assez inédite. Il faut remonter à 1995 pour revoir un scenario semblable lorsque le félon Balladur avait pillé les cadres de la droite qui auraient dû rejoindre Chirac : Santini, Rossinot, Pasqua, Simone Veil ou Bayrou. Mais à l’époque, le paysage politique est solidement campé sur ses deux jambes, une droite et une gauche. Aujourd’hui, cette grande foire aux ralliements raconte une autre histoire : elle raconte la recomposition en cours du paysage politique français. Les deux anciens partis de gouvernement, PS et LR, sont menacés de disparition pure et simple au profit d’une nouvelle partition entre un centre progressiste et mondialiste, celui d’Emmanuel Macron, et une droite conquérante et décomplexée, revenue à ses valeurs, la droite de Le Pen, de Zemmour et de Ciotti. La gauche hérite d’un rôle croupion avec un parti leader, La France insoumise, autour de 10 %. La France a toujours une jambe droite et une jambe gauche, mais les deux jambes ont fait un saut vers la droite. Macron est plus à droite que le PS et le trio Pécresse-Zemmour-Le Pen est lui aussi plus à droite que l’ancien RPR-UDF. Ces ralliements disent donc en creux que le paysage politique de ces cinquante dernières années est à bout de souffle, qu’il est en train de disparaître sous nos yeux. Ces ralliements ont des allures de coup de balai du vieux monde. Ils disent que le glissement de la société française vers la droite est manifeste et rapide et que ce glissement se traduira dans les urnes dans deux mois… ou plus tard.

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Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

36 commentaires

  1. « Le fils de Jean Le Bon à la bataille de Poitiers : « Père, gardez-vous à gauche, père gardez-vous à droite ! ». Il y gagnera le surnom de Philippe le hardi, duc de Bourgogne.
    Libéré par les Anglais pour réunir sa rançon, Jean le Bon, apprenant qu’un de ses fils otages s’est évadé, regagna Londres pour prendre sa place. « Si la bonne foi était bannie de la terre, dit-il, elle devrait trouver asile dans le cœur des rois. » Il y meurt trois mois plus tard, Ca nous change des mœurs « modernes ».

  2. Est ce vraiment le paysage politique qui change ? Car les méthodes et pratiques, elles, ne changent pas…. Carriérisme opportuniste, ralliements soutiens…. C’est de  » bonne guerre « …
    Tout changer ….pour que rien ne change …. C’est la devise de l’élite libérale. Macron qui devait être le président de rupture…. n’a rien changé. Les grands partis PS et LR se sont sabordés en reniant leur ADN.
    Zemmour, lui, a ressuscité la droite patriote, et incarne la France.

  3. situation qu’ils ont eux mêmes créée est une sorte de suicide. Que Dieu nous aide à créer depuis la base un Monde Nouveau

  4. Tous ces calculs politiciens ne feront qu’encourager les français encore hésitants à se détourner complètement des urnes – pathétique!

  5. Je ne suis pas sûr que le ralliement de Touraine, celle là même qui a dépecé l’hôpital publique sous Hollande et est en grande partie responsable de la faillite hospitalière face au covid, soit une bonne nouvelle pour Macron. Quoi qu’il en soit, le ralliement des figures de la social-démocratie au macronisme a commencé dès 2017 et ce sont elles qui constituent le plus gros de ses troupes. Les quelques transfuges de droite ne sont que des trompe-l’oeil. Macron est un libéral social-démocrate.

  6. Peu importe les partis politiques. Les dirigeants d’un pays sont maintenant choisis par Bilderberg et Davos et imposés « démocratiquement » au peuple à l’aide de campagnes médiatiques soit glorifiantes soit éreintantes par le biais des journaux( à Niel ou Drahi). c’est pour çà qu’après être élu, ils obéissent plus à ces multinationales qu’à leur peuple. On l’a vu dans la crise sanitaire. Le futur président est en train d’être choisi au diner du CRIF, représentant de Bilderberg en France.

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