Macron, le roi des fainéants ?

Rappelez-vous Macron en campagne. Il avait traité les électeurs de Marine Le Pen de nazis ou peu s'en était fallu. Tirade qui allait coûter à la candidate sa première place : "Ils sont là, ce sont eux nos vrais ennemis, vous les croisez dans les rues, dans les campagnes, sur la Toile, bien souvent masqués, aussi haineux que lâches. Vous les connaissez. Le parti des agents du désastre, les instruments du pire : l'extrême droite française." Il est utile, aussi, de rappeler les propos présidentiels parlant des "gens de rien", nous les pauvres, par rapport à ceux qui réussissent...

Eh bien, vendredi, à Athènes, devant la communauté française, notre Président n'a pas hésité à nous traiter de "fainéants". En serait-il alors le roi ? Plus exactement, dans une envolée prononcée à voix douce, comme s'il était au confessionnal, Emmanuel Macron a fustigé non seulement les fainéants, mais aussi "les cyniques et les extrêmes" qui, selon lui, voudraient l'empêcher de réformer.

Je l'ai souvent dit et je le disais il y a quelques semaines en Roumanie. D'aucuns faisaient semblant de découvrir cette forme de provocation que j'assume. La France n'est pas un pays qui se réforme. Il ne se réforme pas [...] parce qu'on se cabre, on résiste, on contourne. Nous sommes ainsi faits.

En fait, Macron ne veut pas réformer mais transformer : "Une transformation profonde de la France [...] Nous allons le faire sans brutalité, avec calme, avec explication, avec sens."

"Je serai d'une détermination absolue… Je ne céderai rien" car "il en va de l'avenir de la France".

Mais qui sont donc ces fainéants ? Ceux qui vont manifester le 12 septembre à Paris ? Selon une source élyséenne, le président de la République parlait, en fait, des fainéants, "de la classe politique qui appelle à des réformes depuis quinze ans". Une autre source de l’Élysée précise que le Président ne visait personne de précis. Qui sont les cyniques ? Voulait-il évoquer les députés égarés dans les rangs de LREM ? Sinon, il aurait été plus juste qu'il parle de sceptiques - ce que nous sommes tous plus ou moins. Quant aux extrêmes, de droite comme de gauche, il en a fait, on le sait, sa cible favorite. Et, ce faisant, ses meilleurs alliés !

Florian Philippot lui a répondu par un cinglant : "Décidément, chez Macron, l'insulte au peuple est une deuxième nature", précédé d'un tweet de Marine Le Pen : "“Alcooliques”, “gens qui ne sont rien”, “illettrés”, “fainéants”... les déclarations d'amour de Macron aux Français se multiplient."

Et Jean-Luc Mélenchon s'est précipité pour tweeter, à son tour : "Abrutis, cyniques, fainéants, tous dans la rue les 12 et 23 septembre !"

Mais Emmanuel Macron n'a pas fait que tendre la perche à ses détracteurs ; il a eu, à Athènes, le soir, au pied de l'Acropole illuminée où il a dû se sentir plus Socrate que Jupiter, pour reprendre la métaphore de France Info, la vision d'une nouvelle Europe qu'il voudrait voir se reconstruire, se refonder avec l'aide de tous les Français :

Croyez-vous un instant que nos partenaires européens vont regarder la voie que nous ouvrons si, chez nous, nous ne savons pas changer les choses ? Pensez-vous que nous pourrons tenir notre rang, défendre nos intérêts, si nous ne sommes pas forts, si nous ne transformons pas les choses ? […] La capacité de la France à se transformer, c’est sa capacité démontrée à transformer l’Europe dans le même temps.

Comment ne pas lui donner raison, à la fois pour sa volonté réformatrice, pour sa vision d'une France qui retrouverait son rang et pour son franc-parler ? Une tribune du New York Times évoquait "un autre Président raté" pour la France. C'est vrai pour les précédents des trente dernières années. Mais pour celui-ci, le jugement est certainement prématuré.

Floris de Bonneville
Floris de Bonneville
Journaliste - Ancien directeur des rédactions de l’Agence Gamma

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