Ah, les méchants médias réactionnaires, les ignobles sites ou journaux qui ne ménagent pas le pouvoir, ces organes de presse, comme par hasard tous horriblement complotistes, soupçonneux, infâmes et sans foi ni loi. Rien n’est trop dur contre cette presse alternative, surtout si elle est de droite. Rien n'est épargné à ces organes d’information qui ont le toupet de faire leur métier en toute indépendance et en toute liberté. Cette presse courageuse et de qualité ne compte plus les donneurs de leçons prêts à lui apprendre le métier. Elle a pris l’habitude de la férule levée et de la répression administrative multiforme prête à tomber.

La France a mis en place, pour dénoncer ces derniers tenants de la liberté d'expression, des chiens de garde, des organes grassement rémunérés par les GAFAM, sur pression du pouvoir. L’argent des Français écrasés d’impôts coule à flots à Libération, dont on mesure tous les jours l’objectivité, à France Inter, radio publique attachée à indiquer le bien comme la boussole indique le nord, à France Télévisions et ailleurs. Tous les Français l’ont remarqué depuis longtemps : nos grands médias ont tendance à éclairer le même jour le même sujet de manière identique. Un hasard ? Pas vraiment. Si l’affaire des éditorialistes venus déjeuner à l’Élysée le 18 janvier dernier avec Emmanuel Macron et revenus la panse pleine d’expressions présidentielles à instiller dans leurs articles fait tant de bruit, c’est qu’elle confirme ce que tous pressentent : la collusion entre le pouvoir politique et les grands médias.

Car ils se doutent de quelque chose, les Français. Quand La Croix leur demande s’ils croient vraiment les grands médias, ils retiennent leur enthousiasme : « Jamais l’intérêt pour l’actualité et la confiance envers les médias n’ont été aussi faibles à la veille d’une présidentielle », relevait le 35e Baromètre de confiance dans les médias Kantar-Onepoint pour La Croix, en janvier 2022.

De temps à autres, un coin du voile se lève. En l’occurrence, le Président a soigneusement choisi les éditorialistes qu’il invitait à déjeuner. Curieusement, il a préféré aux trois éditorialistes de Boulevard Voltaire ceux de BFM TV, RTL, Le Figaro, Les Échos, Le Monde ou France Inter. Dommage, les propos de BV auraient tranché. Tous ceux qui sont venus manger ce 18 janvier dans la main d’Emmanuel Macron à l’Élysée ont servilement répété les expressions et les mots du Président, sans le citer nommément à sa demande, dans des articles qui sentaient davantage le miel que le vitriol. Chez ces journalistes, la crainte de déplaire au pouvoir l’a emportée sur celle de tromper leur public et sur la nécessité d’équilibrer leur article. Ils ont tous accepté le « off » et repris les mots du Président sans le citer.

En réalité, cette gentille arnaque révélée par Politico n’a rien de nouveau. Elle fait partie des habitudes françaises, de cette fascination pour le pouvoir qui est le cancer des médias. Et qui ruine la France comme elle ruine peu à peu la crédibilité du cinquième pouvoir, le pouvoir médiatique. Comme des noyés qui s’entraînent par le fond, le pouvoir macroniste et ses médias obséquieux (aucun des médias invités n’a appelé à voter contre Macron au second tour de la présidentielle...) s’intoxiquent tranquillement l’un l’autre. Le mal de la crédibilité des médias vient de là et non pas de sites confidentiels peu sérieux que personne ne lit : les gendarmes de la pensée correcte font semblant de ne pas le voir. Pendant ce temps, tout est fait pour empêcher une presse alternative de qualité d’émerger : campagne de dénigrement, calomnies, attaques des annonceurs, attaques informatiques, procès, description destructrice dans Wikipédia reprise servilement sur Google, conspiration du silence, mépris, mise à l’écart. Liberté de la presse, où es-tu ?

Le scandale du off n’est pas nouveau. En 2003, le journaliste Daniel Carton avait fait florès avec son livre Bien entendu, c’est off, off pour officieux ou secret. Un énorme succès de librairie. « Au fil de sa carrière, Daniel Carton a relevé nombre d'exemples de cette connivence intéressée qui voit le silence des uns payé par les services rendus par les autres : un logement, des voyages, des places à l'Opéra ou à la Comédie-Française..., expliquait l’éditeur au dos du livre. Cette complicité faite de bronzage en commun sous le commode prétexte d'"universités d'été", voire plus si affinités, et d'une subtile pratique du tutoiement scelle le pacte qui unit "la France d'en haut". »

Le livre avait fait scandale et n'avait rien changé aux pratiques. Résister à cette connivence coupable pour servir la France et la vérité, c’est la mission de BV. Et, bien entendu, ceci n’est pas « off ».

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25 janvier 2023 à 20:45

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70 commentaires

  1. Merci Monsieur Baudriller pour la droiture qu’exprime votre commentaire . Trop de gens devraient y réfléchir avant de s’incliner servilement devant un manipulateur qui se reconnait lui même pervers.
     » Pecunia non olet » comme le disait souvent l’empereur Vespasien !

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