Lou Deprijck : ça planait pour lui !

ça plane pour moi

Des comme lui, on en a fait, mais on en fait plus ; le moule doit être brisé à jamais. Soit un corsaire du showbiz, si ce n’est un pirate… Une personnalité foutraque, assez emblématique de l’humour wallon, telle qu’en témoigne son association avec le cinéaste Jan Bucquoy, auteur de ce film des plus fantasques : La Vie sexuelle des Belges (1994). Le même Jan Bucquoy était aussi le fondateur du Musée du slip, dédié aux sous-vêtements des stars, et ensuite repris par Lou Deprijck.

Auteur et compositeur de «Ça plane pour moi»

Ce dernier fut encore l’auteur et le compositeur du fameux tube, « Ça plane pour moi », interprété par un autre Belge, Plastic Bertrand, en 1977. Entre les deux hommes, ce ne fut jamais le grand amour, ces deux compères s’étant longtemps disputés la paternité de la ritournelle en question. Et, pour en savoir plus sur le défunt, prière de se reporter au long entretien accordé par Plastic Bertrand, Roger Jouret de son vrai nom, au journaliste Jean-Emmanuel Deluxe dans son fort rigolo ouvrage, Les OVNIS de la pop (La Tengo).

Question : « Lou Deprijck n’a pas très bonne réputation… »

Réponse : « Ça dépend dans quel "milieu" (Rires) Tu n’as qu’à taper "Deprijck", suivi de "Pattaya", dans Google pour te faire ton idée. En général, les gens qui travaillent avec lui une fois, mais pas deux. »

Il est vrai que Lou Deprijck avait ouvert une baraque à frites, Frietkok, dans cette station balnéaire thaïlandaise réputée pour ses amours illicites. Mais, Belge un jour et Belge toujours, Lou Deprijck avait décidé de finir ses vieux jours dans sa Belgique natale, là où il tente une carrière politique sous les couleurs du « Mouvement réformateur », d’inspiration conservatrice et libérale, n’hésitant pas à parfois dévier vers le populisme sécuritaire. Ce qui lui permit de devenir conseiller municipal de Lessines, dans la province francophone du Hainaut, de 2012 à 2021.

Mais revenons-en plutôt à « Ça plane pour moi », son quart d’heure de célébrité warholien. À l’époque, ce tube déclenche la fureur des milieux punks intégristes. Parodie, récupération commerciale éhontée et toutes ces sortes de choses. Il est vrai que les paroles sont singulièrement crétines : « Allez hop ! La nana. Quel panard, quelle vibration de s’envoyer sur le paillasson. Limée, ruinée, vidée, comblée. “You are the king of the divan !”. Qu’elle me dit en passant. Hou hou oou oou !). »

Pourtant, au grand malheur de l’orthodoxie musicale d’alors, cette pochade sera ensuite reprise par les Red Hot Chili Peppers référence de nombre de rockologues distingués, puis par les Ramones, formation emblématique du punk-rock nigaud, leurs chansons ne dépassant rarement trois accords et autant de minutes. Cette dimension, tant jouissive que régressive, Plastic Bertrand n’a jamais hésité à l’assumer, affirmant au même Jean-Emmanuel Deluxe : « Comme le rock and roll, le punk doit être stupide, dérangeant et sexy. J’aime la stupidité et la naïveté. »

Voilà qui a toujours coulé de source, mais qui va encore mieux en le disant. Et Plastic Bertrand d’en profiter pour déboulonner les idoles du moment, les groupes Téléphone et Bijou au premier chef, avec cette autre chanson toute aussi iconoclaste, Téléphone à téléphone, mon bijou… « Jean-Louis Aubert, de Téléphone, m’en a voulu à mort et les membres de Bijou me détestaient carrément. » Dans le même temps, Plastic Bertrand s’en allait pour un tour du monde promotionnel avec Julio Iglesias. « Il était adorable et portait mes valises. »

Bref, ne jamais tout à fait se prendre au sérieux. Telle était aussi la devise du défunt, Lou Deprijck, un peu marlou, un brin aigrefin et fruit de ses propres contradictions, entre pulsions réactionnaires et appétence pour les étreintes interdites. Depuis que l’industrie musicale est dominée par des comptables formatés dans les écoles de commerce, la disparition de tels turlupins laisse un trou béant, dont on voit mal qui pourra venir un jour le combler.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

8 commentaires

  1. Je dois à Plastic Bertrand ma grande conscience écologiste.
    En effet, à chaque fois que j’entends le mot « planète » – la planète en danger, la planète se réchauffe, prendre soin de la planète – me vient en tête sa ritournelle lancinante : « tout petit, tout petit, la planète … »
    Cela m’aide beaucoup à prendre au sérieux la question écologique.
    D’ailleurs en la matière, le prénom de ce garçon est un programme à lui tout seul.

  2. Ah que je l’ai chantée cette chanson quand j’étais jeune !!! Superbe chanson, dynamique, entraînante,… avec des paroles rigolotes que n’auraient pas renié les anglo-saxons dont la portée philosophique de leurs chansons ne planait souvent pas plus haut, mais elles nous berçaient aussi de leur mélodie rythmée. Salut à toi, Oh Plastic Bertrand ! Les terriens te saluent. Pour parodier un dessin de Chaunu, virtuel, ça doit planer pour toi maintenant…

  3. Je ne connaissais pas Lou Deprijck, mais j’ai eu la chance de voir Plastic Bertrand en concert, et c’était vraiment le pied !

  4. Paroles crétines , c ‘est vrai , mais le rythme était top et l ‘ interprétation de Plastic Bertrand marrante ;
    Et fait assez rare , la musique était composée sur une seule note de bout en bout !

Commentaires fermés.

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